CONCLUSIONS 173
crois, ils ne trouvaient d ʼ autres liens entre ces divers groupes qu ʼ un genre de vie, le nomadisme. Eurent-ils conscience de certains traits culturels propres, la langue, les dieux, certaines coutumes ? Il serait absurde de donner une réponse unique, car la situation a pu changer au fi l du temps, au fur et à mesure que les auteurs grecs et latins apprenaient à mieux connaître les populations de Syrie, d ʼ Arabie, de Mésopotamie. Mais il faut bien admettre que la force des topoi littéraires l ʼ a souvent emporté chez les auteurs anciens sur les constats de l ʼ observation directe. D ʼ une manière générale, je crois que les auteurs classiques se sont peu intéressés aux Arabes ; j ʼ en veux pour preuve leur quasi absence dans le tableau très complet que Benjamin Isaac a dressé du proto-racisme, c ʼ est-à-dire des origines antiques du racisme 3. Alors que Syriens, Égyptiens, Gaulois, Germains, Juifs donnent lieu à nombre de descriptions et affi rmations désobligeantes, les Arabes sont largement ignorés 4.
Ma remarque sur le vocabulaire ne s ʼ applique pas aux seuls auteurs grecs et latins, naturellement. Nous avons l ʼ immense chance de bénéfi cier pour les Arabes de textes émanant d ʼ eux-mêmes, à la fois les nombreuses inscriptions dans tous les dialectes arabes ou de type arabe antiques, d ʼ autre part les textes littéraires depuis les odes préislamiques jusqu ʼ aux sources médiévales. Nous pouvons en extraire la manière de se désigner par les Arabes eux-mêmes, et c ʼ est cette hiérarchie d ʼ appellation qui devrait nous guider en priorité. Il est étonnant que Jan Retsö ne se soit guère préoccupé de ce type d ʼ appellation en allant directement aux sources primaires, arabes ou gréco-romaines. Car, même les textes grecs dus à des «auteurs » indigènes procèdent par traduction : quelle réalité se cache, dans le Hauran, derrière les termes to; koinovn, hJ fulhv ou des périphrases du type tw` n
suivi d ʼ un nom d ʼ homme au génitif singulier 5 ? Les textes sémitiques semblent disposer d ʼ appellations moins variées, principalement ʼ l 6.
3. B. ISAAC, The Invention of Racism in Classical Antiquity, Princeton et Oxford, Princeton University Press (2004). 4. Noter cependant que Strabon, généralement adversaire de la théorie environnementaliste, l ʼ applique néanmoins aux Arabes (peut-être l ʼ emprunte-t-il à Posidonios ?) en déclarant que les peuples proches des Syriens sont plus civilisés, ce qui n ʼ est pas le cas des Arabes : XVI, 2, 11. 5. J ʼ avais essayé d ʼ analyser ces diverses formules dans «Tribus et clans dans la Hawran antique » , Syria 59 (1982), p. 77-91, mais sans pousser la recherche assez loin puisque je n ʼ ai pas recherché les prototypes sémitiques de ces appellations. 6. M. C. A. MACDONALD, Syria 70 (1993), p. 352-367.