Dialogues d’histoire ancienne supplément 4.2, 351-369
DHA supplément 4.2 Dire l’autre et l’ailleurs ? Récit, guerre et pouvoir dans l’Anabase de Xénophon
Jeannine Boëldieu-Trevet
L’Anabase transporte le lecteur / auditeur dans un monde barbare et continental sans commune mesure avec le monde grec. Tenter de dire ce qu’est l’Autre et l’Ailleurs c’est aussi s’interroger sur l’identité grecque formulée dans le récit1. Cette identité se définit d’abord par les moeurs (nomoi), dont les coutumes alimentaires, comme chez Hérodote2. La mention des règles de vie grecques s’accompagne parfois d’un jugement sans appel : les Mossynèques «furent les plus barbares (barbarôtatous) que [ les Grecs] rencontrèrent et les plus éloignés des moeurs helléniques (hellénikôn nomôn) » (An. V. 4.34) 3. L’identité réside aussi, et peut-être surtout, dans la langue comme l’indique le mot barbare. En témoigne le recours fréquent à des interprètes officiels (I. 2.17 ; I. 8.12 ; IV. 4.5) ou de fortune (IV. 4.17 ; IV. 8.4). L’identité grecque tient aussi à une manière d’occuper l’espace et d’imaginer la création d’un territoire proche de la mer, comme le montre la description de Calpè (VI. 4.3-6) 4. Selon Cyrus, les Grecs se distinguaient de plus par leurs qualités militaires (I. 7.3 et 4 ; I. 2.18 ; I. 8.20). En cela, ils sont «supérieurs » (kreittous). Ils y ajoutent, plus politiquement, l’attachement à la liberté (I. 7.3 ; III. 2.13) 5. Joignons à cet ensemble l’arétè dont ils se créditent devant Phalinos, l’envoyé du Roi (II. 1.12), et la capacité à délibérer en conseils de stratèges et