Le sida : création ? Invention ? Accident ?
Par Le Nouvel Obs
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L'épidémie de grippe A a d'ores et déjà été la cible de mises en doute contre la version officielle. Cette dynamique existe aussi à propos du sida. Les théories les plus farfelues circulent : le virus est-il une création de l'homme ? Aurait-il été créé afin d'exterminer une partie de l'humanité ? Existe-t-il vraiment ?
Des expérimentations sur le virus du sida (AP)
A chaque épidémie d'ampleur, les mêmes doutes se présentent. Le sida n'échappe pas à la règle : le syndrome existe-t-il réellement ou bien est-il virtuel ? Le virus a-t-il été créé afin d'exterminer la population noire mondiale ? Est-il né d'une mauvaise manipulation expérimentale ?... Les théories du complot sur le virus ne manquent pas.
L'absence de vaccin contre le virus du sida va dans le sens des dissidents. En effet, il est plus aisé de critiquer une théorie qui n'a encore pas conduit à une solution. L'argument principal des opposants à la version officielle est simple : les scientifiques n'ont jamais prouvé que le VIH (Virus d'Immunodéficience Humaine) était bien à l'origine du sida (Syndrome d'Immunodéficience Acquise).
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La théorie officielle
La maladie du sida se concrétise par un mauvais fonctionnement des défenses immunitaires, qui serait dû au VIH selon la théorie officielle. En effet, le virus s'attaque aux lymphocytes T, faisant chuter le nombre des anticorps. Le sujet affecté n'est donc plus en mesure de se défendre contre ce que l'on appelle les "maladies opportunistes" (pneumonie, sarcome de Kaposi…), qui finissent par tuer la personne infectée.
Entre le moment où le sujet contracte le VIH, et celui où le Syndrome d'Immunodéficience Humaine se manifeste, il peut se passer une dizaine d'années, pendant lesquelles le virus "dort".
Concernant les origines du virus, la version la plus plausible d'après la communauté scientifique est que le VIH (Virus d'Immunodéficience Humaine) aurait pour origine le VIS (Virus d'Immunodéficience Simienne) présent chez les singes. L'Homme l'aurait probablement contracté en chassant l'animal, selon les chercheurs.
Théorie du complot n°1 : Le virus du sida a été créé par l'homme
"Le virus du Sida est si différent de par sa structure de tout autre virus qu'il ne peut absolument pas avoir été formé par notre mère, la Nature", affirme le Dr Robert Strecker. Ce pathologiste américain soutient que le Sida est un virus fabriqué par l'homme, et plus spécifiquement par le gouvernement américain. Robert Strecker n'est pas le seul à abonder en ce sens. De nombreuses personnalités soutiennent cette thèse. Selon le Dr Léonard Horowitz, diplômé de santé publique de Harvard, les agents de Santé des USA, auraient propagé les germes pathogènes via des campagnes de vaccination menées parallèlement en Amérique et en Afrique, et ce, avec la complicité de l'OMS.
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Un virus raciste?
L’avocat en Droits humains internationaux, Boyd Graves, a même porté plainte contre l'Etat fédéral pour obtenir des excuses du gouvernement. Ce vétéran de l'US Navy soutient que le gouvernement américain a "fabriqué" puis "diffusé" le virus du sida à travers un projet de recherche secret, le "U.S. Special Virus program" qui aurait duré de 1948 à 1978.
L'avocat, qui est par ailleurs noir-américain, avait déclaré : "On comprend mieux pourquoi les Noirs comptent pour 13% de la population et 50% des cas de personnes frappées par le Sida". En effet, selon les statistiques, les Noirs et les gays sont les principales populations touchées par la maladie. L'avocat a défendu sa thèse sur son blog jusqu'à son décès, le 18 juin dernier.
La population afro-américaine a certes des raisons d'être méfiante puisque des exemples passés vont dans leur sens. En 1993, les Etats-Unis, par la voix de Bill Clinton, ont reconnu avoir inoculé la syphilis dans les années 50 à des populations noires du Sud des Etats-Unis dans le but de comprendre le cycle d’évolution de la maladie dont on connaissait déjà le traitement. La plupart d'entre eux sont décédés des suites de cette maladie (voir encadré).
En outre, selon d'autres théories, le sida aurait été introduit en Afrique par des vaccinations organisées par l'OMS, alors même que les vaccins étaient contaminés. A l'heure actuelle, 67 % des personnes séropositives vivent en Afrique subsaharienne. Ce déséquilibre mondial alimente la thèse d'une volonté humaine criminelle derrière le virus. Le sida, un moyen d'éradiquer la surpopulation africaine? C'est ce qu'a déclaré Wangari Maathai, sacrée prix Nobel de la Paix en 2004. Elle a, depuis, retiré ses propos.
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Un virus homophobe?
Selon d'autres théories, cette arme bactériologique aurait été inoculée lors de campagnes de vaccination, mais cette fois-ci à l'encontre des homosexuels.
Des scientifiques affirment que l'épidémie a éclaté à Manhattan en 1978, à la suite d'une campagne de vaccination contre l'hépatite virale B pratiquée sur des homosexuels avec un vaccin infecté par le Sida. Dès 1979, les premiers cas de "cancer gay" sont apparus parmi les vaccinés de Manhattan. En 1993, 93% des sujets vaccinés étaient morts du sida.
Mais pourquoi aurait-on choisi volontairement un virus qui dort pendant tant d'années? C'est le macabre argument que l'on peut opposer à ces théories "créationnistes". Si l'on avait vraiment souhaité exterminer des populations entières, pourquoi ne pas avoir créé un virus à l'action plus rapide?
Le Sida : "génocide pharmacologique"?
Le Docteur Cantwell dénonce la collusion d'intérêts entre virologues spécialistes du sida, épidémiologistes, soit du Service de la Santé Publique des USA, soit des plus prestigieuses institutions médicales du pays. C'est, selon lui, cette "mafia" qui dirige la lutte contre le sida, source d'immenses profits. A qui profiterait le crime? Selon lui, aux adeptes de la suprématie blanche et surtout aux puissantes entreprises pharmaceutiques. Il développe ses affirmations fantaisistes sur son site.
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Théorie du complot n°2 : Le sida n'existe pas. La thèse négationniste.
On les appelle souvent les négationnistes. Bien que venant d'horizons très différents, ceux-ci ont un point commun : ils mettent en doute l'existence de la maladie, ou bien du virus supposé la provoquer, quand ils ne renient pas la corrélation entre les deux.
Une maladie guérissable
Pour la version insolite, le président gambien, Yahya Jammeh, aurait déclaré qu'il pouvait guérir les séropositifs "en trois jours à base d'herbes et grâce à (ses) pouvoirs mystiques". Pour d'autres, comme le père Bahetawi Gebremedhin Demise, c'est grâce à l'eau bénite. Se convertir à l'Islam aussi pourrait être une solution. Pour ces guérisseurs, la maladie du sida serait, en fait, bénigne. On en aurait exagéré les traits.
Le refus de croire que Dieu a puni les pécheurs
D'autres vont beaucoup plus loin… Lors de l'apparition du sida, nommé au départ "cancer gay", on affirmait dans les milieux conservateurs que la maladie avait été créée par Dieu afin de punir les populations décadentes : homosexuels, drogués mais aussi populations noires. Choqués, la plupart des milieux de gauche et d'extrême-gauche ont fini par affirmer que la corrélation Homos/drogués – sida avait été fabriquée de toute pièce par les conservateurs.
Quand les scientifiques s'en mêlent
Certains scientifiques de renom ont nié que le VIH provoquait le Sida. Un documentaire complet retrace l'histoire de cette dissidence scientifique.
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Un consensus entre les principaux tenants de la communauté scientifique aurait conduit, selon eux, à un diagnostic inexact : le virus VIH ne provoque pas le sida. De plus, le consensus serait à l'origine du développement de la terreur liée à la propagation d'une épidémie et la prolifération de traitements extrêmement toxiques (et notamment la drogue antivirale AZT) qui seraient la véritable cause du Sida. Dans ces rangs négationnistes, on peut compter Marc Griffths, Peter Duesberg ou encore le groupe de Perth.
Ce qui est fréquemment mis en avant par les dissidents est l'absence de preuve formelle que le VIH déclenche bien le syndrome.
Cependant, l'avènement de la trithérapie en 1996 a nettement affaibli la théorie selon laquelle le traitement était la véritable cause de la maladie. En effet, la trithérapie a permis à de nombreux séropositifs de développer la maladie beaucoup plus tard, ce qui a amené la communauté scientifique à considérer que le rôle causal du VIH dans la maladie du Sida est une chose prouvée et à accuser les dissidents d'être une menace pour la santé publique en dissuadant les gens d'utiliser des traitements à l'efficacité vérifiée.
Par ailleurs, la majorité écrasante des dissidents avance l'argument que personne n'a encore isolé le VIH en tant que virus exogène et pathogène. Par ailleurs, le test du sida est souvent critiqué par les opposants à la thèse officielle, arguant du fait que la même personne peut-être considérée comme séropositive en Afrique et séronégative en Australie.
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Enfin, d'autres avancent que le sida serait provoqué par la conjonction de facteurs de "stress chimique" (drogues comme poppers, viagra, cocaïne, AZT...) ainsi que de facteurs de "stress nutritionnel" (on parle de "sida africain"), le tout aggravé par des facteurs de "stress psychologique" (effet nocebo). Autrement dit, l'Afrique ne serait en fait pas décimée par la maladie du sida, mais plutôt victime d'un grave problème de nutrition...
Sur le site Onnouscachetout.com, on peut retrouver une synthèse plus exhaustive des arguments allant contre la doctrine officielle.
Théorie du complot n°3 : Le virus est né d'un accident expérimental
D'après cette théorie, le scientifique Hilary Koprowski, serait à l'origine du virus. Le virologue bénéficiant de nombreux soutiens dans la communauté scientifique, celle-ci l'aurait alors protégé.
Le virus vient du singe
Selon les théories communément admises dans la communauté scientifique, le virus du sida, le Virus d'Immunodéficience Humaine (VIH), appartient à la même famille de virus que le Virus d'Immunodéficience Simien (VIS) qui aussi la cause chez les singes d'un syndrome d'immunodéficience, tout comme le Sida l'est chez l'homme. Plusieurs études ont montré que le vaccin serait passé du singe à l'homme entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Les singes étant souvent capturés en tant que gibier ou bien pour servir d'animal de compagnie, le sang contaminé aurait pu se mêler au sang humain lors de morsures ou de blessures durant le dépeçage des animaux. Si le franchissement de la barrière des espèces est rare, car le virus meurt souvent lors de ce passage, il n'est pas impossible qu'il ait muté afin de s'adapter à son nouvel hôte. Néanmoins, l'homme ayant vécu avec le singe à ses côtés depuis toujours, et celui-ci portant le VIS depuis plusieurs milliers d'années, il semble étrange que le virus n'ait atteint l'homme qu'au XXe siècle. Certains expliquent le non-développement du virus par l'espèce humaine par le fait que le VIS n'y était pas adapté. En outre, les hommes ayant un mode de vie assez marginal avant le XXe siècle (pas de grandes villes et peu de transports), les conditions de diffusion du virus auraient été restreintes.
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Une campagne de vaccination anti-polio
Une théorie circule depuis un article de Tom Curtis, journaliste américain pour le magazine Rolling Stone, en 1992, selon laquelle le virus serait passé du singe à l'Homme à cause d'une campagne de vaccination anti-polio pratiquée entre 1955 et 1960, en République Démocratique du Congo. Dans l'ancien Congo Belge, Hilary Koprowski aurait vacciné autour des un millions d'africains. Engagé dans une course pour lutter contre le fléau de la polio qui terrassait les Etats-Unis, face à un autre chercheur, le virologue d'origine polonaise est accusé d'avoir utilisé des reins de chimpanzé pour fabriquer le virus, chose fréquente à l'époque, mais cela au mépris de toute considération sanitaire.
Un autre journaliste, ancien correspondant de la BBC, Edward Hooper, a repris cette thèse dans un travail de longue haleine qui a aboutit à la publication de son ouvrage "The river, A Journey to the source of HIV and AIDS". Cet ouvrage a ensuite donné lieu au documentaire "Les origines du sida", produit par des maisons de production et chaînes télévisées de réputation sérieuse, comme Radio-Canada, RTBF ou encore France 2 et TV5 Monde.
Selon Edward Hooper, il existerait une proximité troublante entre la localisation des premiers cas de sida et les zones de vaccination. Sur sa carte, la superposition des zones est quasi-parfaite. Le journaliste affirme qu'Hilary Koprowski aurait utilisé des chimpanzés pour fabriquer le vaccin. Plusieurs témoins congolais affirment à ce propos qu'il existait un parc, le "Camp Lindi", à Stanleyville (depuis rebaptisé Kinsangani) où auraient été accueillis près de 600 chimpanzés entre 1957 et 1960.
Protégé par la communauté scientifique
La communauté scientifique a toujours réfuté cette théorie, arguant qu'Edward Hooper n'avait aucune preuve, et s'appuyant surtout sur le fait qu'il n'était pas un véritable scientifique. Un échantillon d'origine du vaccin a néanmoins été analysé au début des années 2000, mais aucune trace du virus n'a été retrouvée. Cependant, le journaliste précise qu'il ne reste aucun échantillon datant de l'époque, et donc que celui qui a été testé n'était pas représentatif des vaccins qui se fabriquaient alors sur place, et qui était infecté selon lui à cause de la négligence de Hilary Koprowski d'un point de vue de l'hygiène.
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En 2004, dans la revue scientifique britannique Nature, la communauté scientifique a de nouveau réfuté cette théorie. Edward Hooper a répondu en dénonçant certains conflits d'intérêt. En effet, Hilary Koprowski est un homme influent dans la communauté scientifique.
Marine Thomas et Audrey Minart (Nouvelobs.com)
A paraître vendredi, le 5e et dernier article sur les théories du complot :
"Les Illuminati contrôlent-ils la planète ?"