Un risque devenu presque invisible. Pourtant «la question des dérives sectaires demeure préoccupante», estime, dans son rapport annuel remis jeudi au Premier ministre, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Au cours de l'année 2016, elle a été saisie de 2 323 dossiers, des signalements ou des plaintes qui enclenchent des recherches. Ces dernières années, ce chiffre demeure à peu près constant.
Pour ce qui est des affaires les plus graves (notamment en cas d'atteintes manifestes aux personnes), l'organisme les transmet à la justice. «Une dizaine de dossiers par an», précise, à Libération, Serge Blisko, le président de la Miviludes. En ce qui concerne les autres dossiers, celle-ci travaille avec les professionnels de santé, les organismes sociaux ou encore l'Education nationale.
Tendances lourdes
Le dernier rapport annuel de la Miviludes confirme des tendances lourdes enregistrées depuis une dizaine d'années. Parmi les dossiers transmis à l'organisme, près de la moitié concernent des «pratiques alternatives de santé», un monde difficilement contrôlable. L'autre fait majeur, selon la Miviludes, est la dissémination du risque sectaire. En clair, les mouvements très pyramidaux organisés autour d'un gourou unique sont de moins en moins attractifs. «Ce que nous voyons émerger, ce sont des petits groupes de quelques personnes», explique Serge Blisko. Ceux-ci s'organisent, selon la Miviludes, grâce à Internet, le plus souvent autour de pseudo-thérapeutes.
Même en perte de vitesse, quelques mouvements, à l'instar de la Scientologie, continuent cependant à retenir l'attention des autorités. Concernant les Témoins de Jéhovah, très offensif dans les milieux modestes et qui comptent plus de 200 000 adeptes en France, l'organisme ministériel manifeste un certain embarras. Dans son rapport, la Miviludes relate «être interrogée sur le caractère sectaire ou non du mouvement». Pour autant, elle ne tranche pas mais s'interroge sur un phénomène d'exclusion au sein du mouvement. En fait, il existerait une zone floue entre rigorisme, fondamentalisme et dérives manifestes. En tout cas, la Miviludes affirme avoir reçu douze témoignages en 2016 et 2017, pointant des pratiques jugées très problématiques.
«Populations fragiles»
Concernant les religions officielles, c'est le protestantisme évangélique et pentecôtiste qui s'avère, aux yeux de la Miviludes, le plus questionnant. «Même si nous entretenons de bonnes relations avec ses structures représentatives, il existe une myriade de communautés indépendantes qui échappent à leur contrôle, mentionne Serge Blisko. Celles-ci drainent des populations fragiles socialement et proposent de soi-disant thérapies de guérison qui posent question.»
Parmi les chantiers prioritaires pour les années à venir, le président de la Miviludes pointe surtout la lutte contre le complotisme, un phénomène de plus en plus préoccupant. «C'est une plaie qui touche une large frange de la population française», estime Serge Blisko.