La migration. La découverte. Le local et la planète. La Suisse et le monde. André Simonazzi est la synthèse de tout cela. D’origine italienne par un arrière-grand-père venu apporter sa contribution au percement du tunnel du Simplon, il a grandi à Monthey et son père était professeur d’économie au collège de Saint-Maurice.
Le local, il l’approfondit et le décrypte lorsque, journaliste stagiaire au Nouvelliste , il couvre l’actualité du Chablais. «C’était la diversité totale. J’ai pu traiter tous les sujets imaginables. Mais ce fut aussi l’apprentissage de la précision et du courage, car on est tous les jours en contact avec les gens dont on parle ou qu’on critique», se souvient-il.
La planète, il la découvre durant les dix années qu’il passe à Caritas et qui le font poser le pied, tour à tour, en Bosnie, au Bangladesh, en Somalie, au Rwanda. «J’ai toujours ressenti le besoin d’aller voir ailleurs», confie-t-il.
La migration, il la vit alors de près. Il voit ce qui pousse les gens à quitter leur pays. Ces expériences renouvellent le regard qu’il porte sur ceux qui viennent s’établir ici, en Suisse, loin, parfois très loin de leurs racines, comme ce cuisinier japonais dont le bar de la vieille ville de Berne ne désemplit pas de la semaine. «L’homme n’est rien d’autre qu’un nomade, qui est plus ou moins sédentarisé. Les Suisses aussi ont migré. Certains sont allés aux Etats-Unis ou au Canada, d’autres se sont déplacés en Suisse», observe-t-il.
Le journalisme au Nouvelliste, la découverte du monde chez Caritas. A chaque fois, le souci de communiquer l’anime. Informer. Informer les gens du Chablais de ce qui se passe dans le village d’à côté. Informer les Suisses, qui vivent sous «une cloche à fromage où tout est réglé dans les moindres détails», des réalités du monde.
«Montrer ce que l’homme est capable de faire. Faire comprendre ce que signifie mourir de faim, de maladie, ou sous les balles. Il est très difficile d’appréhender ce genre de situations si on ne les a pas vécues soi-même», analyse-t-il avant de lâcher: «Je peux dire qu’un migrant n’est pas un profiteur. Cela vaut la peine d’avoir passé une partie de sa vie à comprendre et à expliquer cela.»
En 2004, changement de décor. Il entre au service d’information du Département de Moritz Leuenberger, service dont il prend la direction en 2005. Le contraste est saisissant. Le nomade, marié et père de trois enfants de 8, 6 et 4 ans, pose ses valises. «Mais je n’ai jamais eu l’impression de me sédentariser vraiment. Disons plutôt que j’ai un point d’attache», nuance-t-il.
Au DETEC, il continue de s’occuper de thèmes qui lui sont chers, comme le développement durable et les efforts de mise en œuvre du Protocole de Kyoto – tiens, revoici le pays du sushi. «Quand on voit que, au Kenya, la malaria progresse à cause du réchauffement climatique, on se dit qu’on doit tout faire pour le combattre. L’optique est finalement un peu la même que dans mon activité précédente, mais elle est davantage centrée sur la Suisse», compare-t-il.
Mais n’est-ce pas un peu ennuyeux de se poser dans l’administration fédérale après avoir vu de près les beautés et les misères du monde? «Pas du tout. Les procédures démocratiques chères à notre pays sont tout à fait passionnantes. Il est faux de dire que tout est plus lent ici et qu’on n’obtient rien. Ce qu’on entreprend entre tout aussi rapidement en vigueur qu’ailleurs», répond-il.
Sa nouvelle tâche de vice-chancelier et de porte-parole du Conseil fédéral l’amènera à se concentrer encore davantage sur la Suisse. Cette fonction lui laissera moins de place pour exprimer les valeurs qui lui sont chères. Il devra surtout organiser et coordonner la communication du gouvernement, et ses conseils se limiteront à cela.
Qu’est-ce qui l’a attiré vers une activité a priori frustrante pour un (ex?-) nomade? «C’est l’envie d’être au service des institutions que nous avons en Suisse et de participer, à mon modeste niveau d’employé de la Confédération, aux tâches qui incombent au Conseil fédéral. Je serai là pour coordonner la communication de ses décisions en lien direct avec les sept départements. J’espère avoir les compétences nécessaires pour cette fonction. Je ne sais pas du tout ce que ça va donner ni combien de temps je vais l’exercer. Je ne suis en aucun cas là pour battre des records», prévient-il, sourire en coin, en référence à son pré-prédécesseur, Achille Casanova, resté vingt-quatre ans au poste de vice-chancelier chargé de l’information du gouvernement.
«Le porte-parole du Conseil fédéral doit s’assurer que les décisions qui sont prises sont bien communiquées. Il est aussi au service du gouvernement, si celui-ci le désire, pour le conseiller sur ses stratégies de communication., sur son image, en collaboration avec les départements de l’administration fédérale. Mais il doit aussi diriger certains projets de la Chancellerie fédérale. Je pense au développement des sites internet et de leur influence sur l’exercice des droits politiques, aux publications officielles comme le bulletin d’information qui précède les votations», poursuit-il.
Il n’en dira pas davantage. Ses idées d’amélioration de la communication gouvernementale, notamment en cas de crise, il les réserve au Conseil fédéral.
Parce qu’il est francophone, André Simonazzi sera surtout la voix et le visage du gouvernement de ce côté-ci de la Sarine. «Peut-être, mais il est difficile de dire si cela aura un effet. Ce sont avant tout les élus, les conseillers fédéraux et les parlementaires qui représentent le peuple et les cantons», tempère-t-il.
Il est cependant convaincu que les différentes communautés linguistiques doivent se rapprocher davantage l’une de l’autre. Et les efforts doivent être partagés. «Il est essentiel que la Suisse romande soit bien intégrée à Berne et qu’elle soigne la connaissance de l’allemand. Les Romands ont le sentiment d’être très ouverts, mais ils ne le sont pas assez envers la Suisse alémanique», suggère-t-il.
Sa nouvelle tâche l’absorbera sans doute davantage qu’aujourd’hui. Lui laissera-t-elle du temps pour sa famille, pour le VTT, qu’il pratique volontiers en grimpant sur le Gurten, ou pour le violon, son petit havre de paix personnel? «La famille occupera la première place. A côté de cela, s’il reste du temps, je continuerai de gravir le Gurten et de jouer un peu de violon», espère-t-il.
«Le porte-paroledoit s’assurer que les décisions prises par le Conseil fédéral sont bien communiquées»