De Gaulle : la participation, une timide troisième voie
Cinquante ans après la mort du général de Gaulle, Thomas Legrand revient sur l’histoire complexe du fondateur de la Ve République. Aujourd’hui, « la question sociale ». De Gaulle, le mythe français (2/8)
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En cette année de multiples anniversaires, deux ministres ont ressorti une vieille idée gaullienne pour tenter de remplir de substance le vide conceptuel du macronisme, à la recherche de « réinvention ». Une belle idée : la participation. La première trace de ce concept date du discours d’Oxford, en 1941 : « La lutte des classes ! Elle est partout… Car c’est bien la question sociale, toujours posée, jamais résolue, qui est à l’origine des grandes secousses. » Le Général constate que les riches ne l’ont pas rejoint à Londres : « Les possédants sont possédés par leurs possessions », disait-il. Il cherchait une troisième voie entre communisme inhumain et inhumanité capitaliste.
→ DE GAULLE, LE MYTHE FRANÇAIS (1/8). De Gaulle, un récit hors du commun
La gauche, majoritaire à la Libération, instaure avec de Gaulle le comité d’entreprise, première pierre de la participation. Pendant la traversée du désert (1946-1958), de Gaulle cherche un modèle. « Les chefs, les cadres, les ouvriers, fixeraient ensemble, entre égaux, les conditions de leur travail, les rémunérations », énonce-t-il en 1948. On frise l’autogestion ! Il a cette jolie formule : « Nous, peuple français, nous voulons que les travailleurs deviennent des sociétaires, au lieu d’être des salariés. »
De retour au pouvoir en 1958 pour régler la question algérienne, il délaisse l’intendance, la troisième voie sociale. Parfois, quand même, il menace ses barons conservateurs : « Attention je vais ressortir mes gaullistes de gauche ! » Et puis rien. Ce sont les Trente Glorieuses, la France s’enrichit. Mais un polytechnicien, Marcel Loichot, planche toujours sur le sujet et théorise ce qu’il appelle le « pancapitalisme», une sorte de travaillisme, qui prévoit l’entrée massive des salariés au capital des entreprises.
Petite tentative, en 1967, le général de Gaulle signe une ordonnance qui instaure la participation obligatoire pour les entreprises de plus de 100 salariés (50 salariés depuis 1990) qui ont réalisé un bénéfice. Il s’agit simplement de la participation (très limitée) aux bénéfices, pas aux prises de décision. Après 1968… il faut réagir, de Gaulle ressort l’idée, cette fois mieux élaborée. Mais les droites patronales pompidoliennes et libérales giscardiennes, font traîner et l’enterrent. De Gaulle part en 1969… avec la participation.
Depuis, les candidats dits gaullistes la proposent régulièrement, sans conviction. Sauf peut-être Philippe Séguin en 1997, qui prône la participation avec un nouvel argument, le souverainisme : une entreprise dont tous les salariés sont actionnaires serait difficile à délocaliser. Jacques Chirac ne l’écoute pas… Son cœur électoral a d’autres intérêts.
Aujourd’hui, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire y trouvent la façon astucieuse d’alimenter le dépassement gauche-droite macronien. La participation continue donc sa carrière de pompon de manège politique…
Retrouvez Thomas Legrand et son émission « De Gaulle 2020 », le dimanche à 13 h 15, sur France Inter
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