50 ans de l’Homme sur la Lune: Edgar Mitchell, l’astronaute qui croyait aux extraterrestres
ESPACE•Le pilote américain du module lunaire d’Apollo 14, Edgar Mitchell, décédé en 2016, est le premier astronaute à avoir reconnu publiquement qu’il croyait aux extraterrestresThibault Girardet
L'essentiel
- Edgar Mitchell (1930-2016) est officiellement le sixième homme à avoir posé le pied sur la Lune, en 1971.
- Lors de son voyage retour, le pilote du module lunaire d’Apollo 14 a vécu une « extase spatiale ».
- L’astronaute américain est ensuite le seul à avoir reconnu publiquement croire aux extraterrestres.
«J’ai vécu une connexion entre mes molécules et les étoiles, décrit Edgar Mitchell dans un entretien à l’Institut de recherche sur les expériences extraordinaires (INREES). Un sentiment d’extase et de bien-être qui me submergeait complètement. » Février 1971, l’astronaute Edgar Mitchell est à bord du module lunaire Antares de la Nasa. Après 33 heures passées sur la Lune et une mission brillamment remplie en compagnie de ses deux compatriotes et coéquipiers d’Apollo 14, le commandant Alan Shepard et le pilote Stuart Roosa, il commence le voyage de retour vers la Terre.
Le stress de la mission évacué, Mitchell, devenu au passage le sixième homme à avoir marché sur la Lune, peut enfin décompresser et profiter un peu de l’horizon que seuls quelques rares privilégiés ont eu l’honneur de contempler jusqu’ici. A travers le hublot de la capsule, il observe la Terre, le Soleil, la Lune, et un panorama complet des cieux, parsemés d’étoiles. Le spectacle est féerique, impose le silence. Imprégné de cette vision, il est alors pénétré par une étrange et puissante sensation d’affinité viscérale avec l’Univers. « C’était une excitation, une joie bouillonnante, un sentiment de bonheur et d’émerveillement qui me saisissaient quand je regardais les cieux et que, submergé par la beauté, je laissais libre cours à cette émotion », précise-t-il à l’INREES.
Ermite, mystique… Des astronautes bouleversés
L’extase spatiale dure trois jours, jusqu’au retour sur Terre, et transforme l’astronaute américain en profondeur. « Mitchell n’est pas le seul parmi les astronautes qui sont allés sur la Lune à avoir eu ce genre d’expérience “mystique”, explique Philippe Henarejos, auteur de l’ouvrage Ils ont marché sur la Lune (ed. Belin). Ils sont 26 à avoir fait le voyage de la Terre à la Lune et douze à y avoir posé le pied. Il faut garder en tête que ces gens-là ont été les seuls à voir la planète bleue d’aussi loin. Ils se sont rendu compte que c’était la seule tache de couleur dans l’espace, que c’était le seul monde accueillant, d’autant que leur exploration lunaire leur avait montré à quel point l’astre de la nuit était une planète entièrement hostile. » Pour les astronautes de retour à la maison, la vie ne peut plus être la même.
Premier homme à avoir marché sur la Lune, le héros Neil Armstrong (Apollo 11) se terre rapidement dans une vie d’ermite, loin de tout contact avec la société. Charlie Duke (Apollo 16) devient membre actif d’un mouvement religieux, tandis que James Irwin (Apollo 15) passe carrément la fin de sa vie à rechercher des restes de l’arche de Noé sur le mont Ararat, en Turquie. « Il faut garder à l’esprit que tous ces astronautes sont des Américains, et, à l’époque, ils sont déjà tous croyants, rappelle Philippe Henarejos, également journaliste scientifique et rédacteur en chef de la revue Ciel & Espace. Le spectacle extraordinaire qu’ils ont vu lors de leur voyage sur la Lune, ils l’ont vu avec ce filtre religieux. Buzz Aldrin, le coéquipier de Neil Armstrong, a même fait une messe sur la Lune ! Après, c’est vrai qu’en ce qui concerne Edgar Mitchell, je crois qu’il a été encore plus marqué que les autres par ce qu’il a vécu. »
« Depuis la Lune, la politique internationale semble insignifiante »
Le 9 février, le Texan et ses deux coéquipiers posent donc de nouveau le pied sur Terre. Mitchell sent que son regard sur la vie a complètement évolué. D’abord mutique et discret, il ressent petit à petit et jusqu’à la fin de sa vie le besoin de décrire ce qu’il a vécu et notamment sa prise de conscience écologique très prononcée : « J’aime à dire que nous sommes partis dans l’espace en techniciens et en sommes revenus humanistes, capables de voir l’unité de l’humanité, l’unité de la Terre comme système vivant, tout en étant plus pacifiques et moins violents, confie-t-il à l’INREES. Cela ne veut pas dire qu’on ne se met plus en colère ; mais on apprend à vivre en paix avec son environnement, la nature, ses voisins. Apprendre à aimer et à voir l’harmonie de la nature, voilà le point fondamental. » Au passage, il n’hésite pas à égratigner les hommes politiques avec quelques punchlines toujours empreintes d’une certaine poésie : « Depuis la Lune, la politique internationale semble insignifiante. On aimerait prendre un politicien par la peau du cou, l’amener à un quart de million de miles de la Terre et lui dire : “Regarde ça, fils de pute”. »
Un an après son retour, en 1972, il quitte la Nasa avant de fonder, un an plus tard, l’Institut des Sciences Noétiques, une organisation dont l’objectif est d’entreprendre et de financer des programmes de recherche sur la nature de la conscience. L’organisme, aujourd’hui encore mondialement reconnu, entend encourager et conduire une recherche sur les potentiels humains et explorer des pistes de recherche délaissées par la science : psychokinésie, précognition, états modifiés de conscience, guérison à distance… Car Mitchell est aussi un « original » et un passionné de sciences parallèles. Le bonhomme s’est par exemple essayé à des séances de télépathie, lors de son voyage lunaire (deux à l’aller et deux au retour) avec des amis à lui restés sur Terre. « Après son retour, Mitchell s’est très vite écarté de la religion car elle ne répondait pas à ses questions ni à l’expérience qu’il avait vécue, explique Charles Frankel, auteur de L’aventure Apollo (ed. Dunod). Il s’est alors mis à développer une autre forme de croyance. »
« Les extraterrestres nous ont empêchés de déclencher une guerre nucléaire »
Cette croyance, c’est celle d’une autre forme de vie dans l’univers. Le dossier OVNI intéresse beaucoup Edgar Mitchell, et l’ancien de la Nasa ne s’en est jamais caché. Mais c’est vers la fin de sa vie que le Texan se lâche sur le sujet, par le biais de plusieurs médias. Dans une interview accordée au site Internet du Mirror, il évoque le Nouveau-Mexique, l’état où il a passé son enfance, théâtre du premier essai de la bombe H, à White Sands, et du cas le plus mythique de l’ufologie, Roswell. Selon lui, les OVNIS sont sans doute d’origine extraterrestre. Dans un autre entretien, il va plus loin en affirmant que « les extraterrestres nous ont empêchés de déclencher une guerre nucléaire. Ils ont maintenu la paix sur la Terre ». Il ajoute également que les autorités américaines, la communauté scientifique et le Vatican sont au courant, et empêchent sciemment la divulgation par peur d’effrayer la population. Entre les mois de janvier et d’août 2015, Edgar Mitchell envoie même plusieurs mails à John Podesta, directeur de campagne d’Hillary Clinton, et lui demande de rester en alerte au sujet des aliens. Ses prises de position publiques très marquées obligent la Nasa à se désolidariser de ses propos.
Jusqu’au bout, Edgar Mitchell assume. Pas vraiment pris au sérieux hors du milieu ufologique, il n’en reste pas moins respecté de tous. Son background parle pour lui. Ancien militaire, pilote dans l’US Navy, titulaire d’un doctorat en aéronautique et astronautique et instructeur à l’US Air Force, avant de devenir le brillant pilote du module lunaire lors d’Apollo 14. « J’ai reconnu en lui quelqu’un de très posé, sérieux, un peu sur ses gardes, mais avec un regard perçant qui vous scanne en profondeur, raconte Charles Frankel, géologue, spécialiste de la Lune et des planètes, qui a eu l’occasion de le rencontrer par le passé. Comme beaucoup d’astronautes de l’époque, Edgar Mitchell était quelqu’un d’hyper intelligent, une pointure ! En ce qui concerne ses opinions, il vaut mieux prendre un peu de recul. » D’ailleurs, peut-on en avoir plus à un autre endroit que sur la Lune ? « Quand je marchais sur la Lune, je savais que la vie dans cet univers n’était pas un simple accident dû à un processus aléatoire et que l’univers avait un sens et une direction », s’est un jour épanché Edgar Mitchell, qui avait alors cessé de croire au hasard. Pas un hasard donc, si la maladie l’a emporté à l’âge de 85 ans, le 4 février 2016, soit la veille du 45e anniversaire de son atterrissage sur la Lune.