Si vous fêtez l’Aïd, êtes-vous Mouton “à cornes” ou mouton “à petites cornes” ?
Il existe principalement deux races de moutons au Maroc, le “Sardi“, dont les cornes sont assez impressionnantes – et belles – et le “Beldi“. En réalité, l’appellation beldi regroupe plusieurs races différentes, chacune adaptée à un environnement donné. Il y a en tout près d’une centaine de races de moutons beldi. Le Sardi et cinq autres races ont été sélectionnées comme “races d’intérêt économique majeur” lors de l’élaboration du plan moutonnier dans les années 80.
Le mouton sardi est le mouton de l’Aïd
Le mouton sardi est originaire du Maroc, plus précisément des plateaux de l’ouest, entre Beni-Mellal, Settat et Khourigba. La race n’a donc rien à voir avec ce qu’on appelle les “Sicilo-Sardes“, introduits dans l’est du Maghreb (Libye et Tunisie) à la fin du XIX° siècle, qui n’ont pas de cornes.
C’est un mouton élégant, blanc avec un museau et des taches noires sur la tête (on parle même de mouton à lunettes) et des sabots noirs qui donnent l’impression qu’il est chaussé. Son nom, صردي, veut sans doute dire “supportant bien le froid” (racine arabe صرد ).
Pour l’Aïd, on le choisit généralement jeune, de moins d’un an. Les berbères l’appellent Anougoud (ce n’est pas une race, mais un mot qui veut dire “jeune bélier” ou mouton, ou viande de mouton).
Les autres races sont appelées le mouton “beldi”
Les autres moutons au Maroc, c’est donc près d’une centaine de races locales, pas toujours bien différenciées, souvent croisées les unes avec les autres, de façon involontaire (Madame Brebis d’un troupeau et Monsieur Bélier d’un autre croquent la même herbe, et plus si affinités…). Parmi toutes ces races, en plus du sardi, cinq autres ont été sélectionnées au début des années 2000 et font l’objet d’un plan d’amélioration et d’une “A.O.P.” (une région définie comme le “berceau de la race“) comme le sardi.
Ce sont :
- Timahdit, une race qu’on trouve sur les plateaux du Moyen-Atlas et sur la côte Atlantique. Elle a une jolie tête brun-fauve et une laine blanche ou marron, bien abondante. Seul le mâle a des cornes, qui sont elles aussi blanches. On l’élève surtout pour sa viande, elle fournit donc aussi les contingents de moutons de l’Aïd. Un beau mâle adulte peut peser jusqu’à 100 kilos, comme pour le sardi.
- Beni Guil, une race qu’on trouve dans l’Oriental. Elle est connue pour sa bonne adaptation au climat sec et très aride. La tête est brune, plus foncée chez le mâle que la femelle, les pattes sont aussi de couleur brune ou feu. Le mâle a des cornes ouvertes en spirale, comme le sardi. Elle est un peu plus petite, le poids maximum d’un mâle est 90 kilos.
- D’man : avec 650.000 têtes environ, cette race se retrouve dans le Ziz et le Tafilalt, avec un système d’élevage dit “oasien”, en petits enclos dans les fermes, très différent de l’élevage extensif qui se pratique encore dans les zones de nomadisme . L’alimentation est basée sur l’utilisation de la luzerne verte et les déchets des exploitations familiales (dattes, maraîchage, orge…). C’est une race “à viande” qui se reproduit très bien, celle que ma belle-mère élève au bled. Comme les Damans n’ont pas de cornes, c’est sans doute l’origine de la préférence de mon mari pour les bêtes sans cornes car rien ne peut égaler “le mouton de la maman”. La toison peut être blanche, brune ou mélangée, le mâle ne dépasse pas les 70 kilos.
- Boujaâd, qu’on trouve autour de Beni-Mellal et Khourigba. On l’appelle aussi le “Mouton Jaune”, à cause de la couleur de sa tête. C’est une race de petite taille, le mâle pèse au maximum 80 kilos.
- Beni Hsen, qu’on trouve au nord du Maroc, sur la côte Atlantique, dans le Loukkos et le Gharb. C’est une des rares races marocaines à produire beaucoup de laine, blanche bien sûr, et de bonne qualité. La tête est brun sombre, les cornes sont longues. La race est petite, un mâle adulte ne dépassera pas les 80 kilos.
- En plus de ces cinq races, l’ANOC (Association Nationale des Ovins et des Caprins) met en avant trois autres races des montagnes berbères : la Blanche des Montagnes, laineuse à souhait, la Noire de Siroua, qu’on trouvent autour de Ouarzazate et Taroudant, et la Saghro… dans l'adrar Sagho !
L’offre de moutons pour l’Aïd
La fête est bien sûr le moment où les éleveurs engrangent une bonne partie des revenus de l’année. Depuis deux ans, l’offre est largement excédentaire. La compétition est d’autant plus grande pour présenter un mouton de belle taille, bien charnu, et les méthodes de dernière minute sont fréquentes. Chaque année voit son scandale sanitaire, plus ou moins important, avec des carcasses qui prennent des couleurs peu appétissantes (la “viande verte” de 2016)… cette année, on a parlé de nourriture à base de fientes de poulet, j’ignore si c’est vrai.
Cette année, alors que l’offre était théoriquement excédentaire, l’interdiction des déplacements a tout chamboulé : les moutons sont plus difficiles à trouver, en particulier dans les 8 villes concernées, les consommateurs sont aussi très frileux, et les prix baissent.
Boulfafs et Guedid
Qu’il soit sardi ou beldi, on ne mange pas beaucoup de mouton le jour même.
D’abord parce que la viande doit reposer un peu (matûrer), et aussi parce que toute la famille est occupée à la préparer. Le repas du midi sera souvent très rapide, plus une collation qu’autre chose.
Boulfafs : brochette de foie en crépine
Le soir, c’est la cérémonie des Boulfafs, un des deux mets indissociables de l’Aid, dont vous trouvez la recette dans la vidéo ci-dessous :
La dégustation des boulfafs est tout un cérémonial, surtout dans les grandes familles, où il y a beaucoup de monde : les femmes préparent les brochettes et les cuisent, un petit garçon fait passer l’assiette de brochettes, un autre apporte le verre de thé, un troisième fait passer le pain, le cumin et le sel. Il n’y a généralement qu’une brochette ou deux brochettes par personne et par service, puis un autre enfant passe ramasser les brochettes vides, pour la prochaine “fournée” (en réalité, “grillade”).
Les boulfafs sont grasses, odorantes et savoureuses.
Gueddid : la viande séchée
Une partie de la viande est immédiatement épicée, marinée, mise en morceaux et accrochée au soleil pour sécher.
Le guedid sera plus tard dessalé et utilisé dans les tajines, tangias et autres plats mijotés. Des morceaux de gueddid sont envoyés aux membres de la famille qui n’ont pas pu venir, et on dit que le gueddid donne la baraka. En tout cas, il porte l’amour de la maman qui l’a préparé aux enfants qu’elle aurait bien voulu voir autour d’elle !
Le gueddid est aussi un ingrédient de la viande “khliia” qui est confite dans la graisse.
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