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PERSONNAGE/Élisabeth Tible, une Lyonnaise en montgolfière – Histoires lyonnaises
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PERSONNAGE/Élisabeth Tible, une Lyonnaise en montgolfière

Première femme de l’histoire à avoir effectué un vol à bord d’un aérostat libre, Élisabeth Tible pourrait être un personnage de roman ou l’héroïne d’un film1

Cette figure lyonnaise, célèbre pour son exploit à Lyon en 1784, puisqu’elle s’est envolée dans la montgolfière « La Gustave », reste mystérieuse. Le présent article souhaite faire la lumière sur sa contribution au vol du ballon et donner quelques éléments sur son milieu d’origine.

Elle demeure célèbre pour son exploit à Lyon en 1784, puisqu’elle s’est envolée dans la montgolfière « La Gustave ». 

C’était le deuxième départ de montgolfière à Lyon. Le premier avait eu lieu le 19 janvier de la même année avec le ballon « Le Flesselles ». Ce jour-là, aucun des passagers n’aurait voulu laisser à quiconque le privilège de voler. Trop chargé, l’aérostat a dû atterrir brutalement. Fort de cette première expérience, le comte de Laurencin organisa l’événement avec un ballon plus solide, prévu pour emporter deux passagers. Lui-même décida d’offrir sa place à Élisabeth Tible. La jeune femme a fait preuve de courage, de sang-froid et de justesse d’appréciation durant le vol et de maîtrise dans les moments périlleux.

Charles Boily, Montgolfière La Gustave. (Science Museum Group)

Le vol du  4 juin 1784

Les Lyonnais s’étaient rassemblés en foule nombreuse dans la plaine des Brotteaux, le peuple, les bourgeois, les négociants, les scientifiques, les académiciens qui finançaient le projet, tous se montraient curieux d’admirer ce ballon qui faisait l’actualité. À l’occasion de la visite du roi de Suède, on l’avait nommé Le Gustave

La montgolfière avait été construite et décorée par le peintre Fleurant. On ne sait rien de cet homme, même pas son prénom. Il avait dessiné des plans, et mis au point les calculs avec le comte de Laurencin. Sur les conseils des frères Montgolfier, ils ont travaillé sur la conception et réalisé le ballon. 

Élisabeth Tible par Boily (wikicommons)

Vers 18 h, Fleurant et Élisabeth montèrent dans la nacelle. Élisabeth avait le sens de la mise en scène. Elle avait revêtu une robe de taffetas blanche trop légère, mais qu’elle avait jugée parfaite pour le rôle de Minerve. Elle se mit à chanter une ariette de l’opéra La Belle Arsène, ce qui fait dire qu’elle était soprano à l’Opéra. Le ballon s’éleva facilement à 1500 m. Les vents l’entraînèrent au-dessus du faubourg de la Guillotière, il traversa le Rhône puis la Saône, il fit route vers Saint-Didier-au-Mont-d’Or.

Fleurant a écrit ses impressions : « Ces deux sensations [froid et bourdonnement d’oreilles] durèrent peu et firent place à un état de bien-être et de suave contentement qu’on ne goûterait, je pense, dans aucune potion… » 

Une des planches de la nacelle se disjoignit, la jeune femme dut alors s’accrocher d’une main au cercle de la galerie pour garder son équilibre. Elle continuait d’alimenter le foyer avec l’autre bras. Le ballon s’éleva encore. Les aéronautes ressentirent des douleurs dans les oreilles, la respiration devenait difficile. Les réserves de combustible s’épuisaient, Élisabeth jugea qu’il était temps de réduire le feu pour redescendre. 

Ils se trouvaient au-dessus de la Duchère, non loin du château. La montgolfière continuait sa descente dans le haut du clos de la Piémente, près de la montée de Balmont. Il fallait choisir un terrain convenable pour l’atterrissage.

La chute s’accélérait, la voilure éclata, le ballon tomba incliné et la toile s’abattit sur les passagers avant de s’embraser. Aveuglée par la fumée, Élisabeth se blessa légèrement en dégageant son pied de la galerie. Néanmoins, les deux aéronautes réussirent à sortir sains et saufs. 

Le sieur Fleurant et dame Élisabeth Tible venaient d’établir les records mondiaux d’altitude (environ 1 500 m) et de durée (45 minutes) pour un vol en montgolfière. Ils avaient parcouru environ six kilomètres dans les airs. 

Élisabeth, souffrant d’une cheville foulée, ne pouvait pas marcher. Elle raconta : « Des voitures étaient venues à ma rencontre. Mais il ne me fut pas permis d’y entrer. On nous éleva sur des fauteuils et l’on nous porta en triomphe sur les épaules, précédés et suivis d’une foule immense […]. La situation me devint trop pénible, je demandais la voiture. L’allégresse publique ne diminua point pour cela : tous les citoyens des quartiers de Vaize et de Bourg-neuf, dans lesquels nous passâmes, vinrent nous complimenter aux portières. »

Les aéronautes se rendirent au Grand Théâtre, situé à l’emplacement de l’actuel Opéra de Lyon où le roi de Suède avait souhaité assister à Warwick et à l’Amant Jaloux.

« Comme ces deux nouveaux voyageurs aériens sont d’un état obscur et que l’intérêt avoit été visiblement le mobile de leur entreprise, il s’en faut de beaucoup qu’ils aient reçu autant d’honneurs que les sept argonautes [du Flesselles] tant applaudis. On leur refusa même l’entrée de la comédie, dans la crainte que le spectacle, honoré de la présence du roi de Suède, ne fût interrompu par les acclamations que méritoient leur audace et leur succès. Enfin quelques personnes engagèrent le parterre à les demander, et ils parurent humblement dans l’amphithéâtre où la dame Tible reçut une couronne et une guirlande de fleurs. »2

Qui était Elisabeth Tible ? 

Élisabeth Estrieux est née le 8 mars 1757 ; le lendemain, dans l’église Notre-Dame de la Platière, elle est baptisée avec le prénom d’Isabeau.  

Archives municipales de Lyon – 1GG332_095  – Notre-Dame-de-la-Platière

Son frère Jacques est inscrit l’année suivante dans les registres de Saint-Nizier, le 7 septembre 1758.

Archives municipales de Lyon – 1GG105_106 –  Saint-Nizier

Le père Pierre Estrieux est marchand-quincaillier rue Mercière. La mère Agathe Declaustre apparait comme une femme très simple qui ne sait pas écrire. 

On s’étonne qu’à l’âge de quatorze ans, Élisabeth ait été mariée avec Claude Tible. En réalité, elle allait avoir quinze ans deux mois plus tard. Leur contrat de mariage précise que la jeune fille est dotée d’un commerce de marchande de mode.3

Archives municipales de Lyon- 1GG200_009  – Saint-Nizier, acte de mariage

Claude Tible comptait alors le double de son âge. Il était le fils d’un ouvrier en fil de fer, faiseur de boucles. Fabricant de bas de soie, comme l’époux de sa sœur aînée, il a pu apprendre son métier chez celui-ci.

On dit que son mari l’aurait rapidement délaissée. Elle passe donc pour une femme libre, ce qui selon la tradition misogyne de l’époque, fait jaser sur ses relations supposées avec les hommes qui sont ses amis. 

C’est une femme instruite qui s’exprime avec aisance. On a retrouvé une lettre adressée à une amie où elle raconte le bonheur ressenti à voler en ballon. Elle chante comme une soprano, elle connaît le répertoire d’opéra à la mode.  

Elle aurait souhaité une reconnaissance plus importante ; quelques jours après son exploit, elle se rend au Grand Théâtre, pour assister à la représentation de La Belle Arsène. Elle essaye d’attirer l’attention sur elle, mais les rares spectateurs n’applaudissent que l’actrice4

Elle se rend compte qu’elle appartient à un milieu social auquel les bourgeois n’accordent pas beaucoup d’intérêt.

Le 4 juin, lors de la soirée de réception qui a lieu à l’archevêché en présence des notables lyonnais, des organisateurs du vol et de Gustave roi de Suède, elle est traitée comme une curiosité pour amuser la galerie. Mesmer tente de montrer ses talents de magnétiseur pour soigner sa cheville blessée. Élisabeth, comprenant que l’on se joue d’elle, se rebelle et refuse de se prêter plus longtemps à l’expérience. On critiquera son manque de docilité. 


À Paris

Le 30 juin, elle décide de monter à Paris et Fleurant l’accompagne. Elle souhaite participer au prochain vol de ballon. 

Elle n’est pas élue pour l’ascension du 11 juillet qui d’ailleurs est un fiasco. 

L’Académie de Paris leur décerne une médaille. 

Ensuite, Élisabeth ne rentrera pas à Lyon. Qu’a-t-elle pu devenir ? On perd sa trace.

La découverte récente de l’inventaire après décès d’une certaine dame Tible vient lever le mystère de sa disparition. Il nous apprend qu’Élisabeth est morte le 13 février 1785 dans une chambre d’hôtel de la rue Saint-Honoré où le notaire5 a apposé des scellés. Elle allait avoir 28 ans trois semaines plus tard.

Signature

Par Marie-Hélène LAPLACE

  1. Un film intitulé Venus im Wolkenschiff (Vénus sur un vaisseau de nuages) a été réalisé par Annette Reeker en 1990. []
  2. Nogaret, Spectacle et tableau mouvant de Paris : Lire en ligne, p. 100 []
  3. Minute du notaire Baroud : mariage le 4 janvier 1772 entre Elizabeth Estrieux et Claude Tible. Archives départementales du Rhône, cote 3 E 2660. []
  4. Élisabeth Tible, « Lettre à Mme ***[relatant les détails du voyage que j’ai fait dans les airs le 4 juin] », Journal encyclopédique ou universel, dédié à Son Alt. Sérénissime Mgr. le Duc de Bouillon etc.vol. 7, no 1,‎ 1784p. 289-294 – https://books.google.fr/books?id=0zBn0Dkmqa0C&lpg=PA294&dq=elisabeth%20estrieux%20lyon&hl=fr&pg=PA289#v=onepage&q=elisabeth%20estrieux%20lyon&f=false []
  5. Archives nationales, Notaire Jean Bontemps, MC/ET/XLV/589 []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
mariehelenelaplace (6 juin 2024). PERSONNAGE/Élisabeth Tible, une Lyonnaise en montgolfière. Histoires lyonnaises. Consulté le 24 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11rzw


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