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OBJETS/La Molle de cartes à jouer – Histoires lyonnaises
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OBJETS/La Molle de cartes à jouer

Travail réalisé dans le cadre du cours « Culture historique : Patrimoine » par la promotion 2018/2019 des étudiants de Licence 1 de l’Université Jean Moulin Lyon 3 (enseignant : Tristan Martine)

La Renaissance apparaît en Europe occidentale comme une période d’innovation majeure, bouleversant les modes de vie, manières de penser et moyens de production. L’invention de la presse mécanique par Gutenberg au XVe siècle révolutionne le secteur de l’imprimerie permettant une diffusion massive et rapide de l’information. Elle entraîne également une mutation des méthodes de gravure, notamment par l’invention de la gravure sur métal qui vient remplacer celle sur bois, car plus précise. Néanmoins, dans le domaine de la carte à jouer, la gravure sur bois reste majoritairement utilisée, et ce jusqu’au XVIIIe siècle.

Originaire du Moyen-Orient, le jeu de cartes apparaît en Europe occidentale à partir du XVe siècle, importé par le biais des routes commerciales avec l’Orient. Aussi appelés « tailleurs d’histoire », les cartiers sont, comme leur nom l’indique, des artisans graveurs et imprimeurs, spécialisés dans la production de cartes à jouer. A Lyon, on les trouve principalement dans les quartiers protestants où ils se regroupent en confréries. En 1614, treize maîtres cartiers lyonnais rédigent les statuts de la profession : exigence de qualité et protection de la propriété intellectuelle des cartiers. Cela implique qu’ils sont dans l’obligation de faire figurer leur marque de fabrique sur la carte du valet de trèfle, tout comme les imprimeurs le font avec leur sceau : une manière de se faire connaître et de se bâtir une solide réputation, y compris à l’étranger.

En effet, déjà considérée comme la capitale de l’imprimerie européenne, Lyon devient dès le XVIe siècle le plus grand centre d’exportation de cartes à jouer françaises, fournissant de grandes puissances comme l’Italie et l’Espagne. Le commerce des cartes à jouer apparaît ainsi comme un des secteurs clés de l’économie lyonnaise, rapportant près de 200 000 écus par ans.

Atelier typique d’un maître cartier, fin XVIIIe siècle.
Source : Gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

Le processus de fabrication des cartes à jouer se déroule en plusieurs étapes. Le cartier commence par graver les figures du jeu sur une tablette de bois appelée « molle de carte ». Le musée d’histoire de Lyon expose deux modèles datant du XVIIIe siècle mais réalisés avec les mêmes techniques qu’à la Renaissance. La molle de bois ci-dessous, d’une dimension de 34 cm de hauteur et 32 cm de largeur, est taillée dans du bois de poirier. Vingt-quatre figures en relief se répartissent sur quatre rangées.

Moule de Cartes à jouer, XVIIIe siècle.
Source : Musée Gadagne, Inventaire n°222.

L’empreinte de l’image est ensuite reproduite par estampage sur une feuille de papier. Pour donner de l’épaisseur à une carte, le cartier utilise quatre feuilles entrecroisées. La première sert de support d’impression à la figure. Deux feuilles intermédiaires, appelées « papier de mesclage », donnent la texture cartonnée de la carte. La dernière qui constitue le dos de la carte est généralement vierge. Une fois imprimées, les cartes sont peintes à la main, au pochoir, puis découpées. La face imprimée est alors recouverte de savon et passée au lissoir, afin que les cartes glissent bien en main.

Dès le XVIe siècle, les cartes à jouer constituent un divertissement très populaire, prisé de toutes les classes sociales. Et pour cause, on les trouve absolument partout ; que ce soit dans les appartements privés, les boutiques, les cabarets, chez l’aubergiste ou encore à la cour du roi. En effet, les cartiers personnalisent les jeux en fonction de leurs acheteurs et commanditaires et varient les formats afin de toucher à une très large clientèle. Ayant la réputation d’être une activité détournant les hommes du sacré et du spirituel, le jeu de cartes est interdit par Henri IV durant les heures de messe et le roi instaure à partir de 1584 « une taxe de la débauche » qui impose le versement de 2 sols parisis pour chaque jeu de cartes vendu.

Au-delà d’une simple activité de loisir, le jeu de cartes à jouer s’inscrit aussi dans une stratégie économique, politique et sociale bien précise. En effet, regrouper un cercle d’invités prestigieux autour d’une table pour une partie de cartes est en réalité un bon moyen d’engager des conversations plus sérieuses afin de constituer des alliances économiques et politiques. En outre, à une époque où le papier est rare et cher, le dos des cartes sert parfois de support pour des inscriptions diverses et variées comme des déclarations d’amour, des maximes philosophiques, des dessins mais aussi des messages publicitaires ou politiques.

La dimension politique des cartes à jouer est notamment très affirmée lors de la Révolution française durant laquelle, dès 1789, des jeux de cartes à jouer révolutionnaires paraissent en France. Le musée d’histoire de Lyon possède un moule d’un de ces jeux, exposé ci-dessus, présentant des personnages incarnant les valeurs révolutionnaires. En effet, les cartes à jouer étant très populaires, elles constituent un moyen de propagande très efficace. Des exemplaires imprimés de ces cartes sont conservés à la Bibliothèque Nationale de France.

Carte à jouer révolutionnaire, XVIIIe siècle.

Par Zôé GRAND-WIEMERT


Source
Gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

Sitographie https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105085427/f15.item.r=cartes%20%C3%A0%20jouer%20r%C3%A9volutionnaires
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6457050m/f12.image.r=jeux%20de%20cartes%20lyonnaises


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Zôé Grand-Wiemert (12 juin 2019). OBJETS/La Molle de cartes à jouer. Histoires lyonnaises. Consulté le 24 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/r41b


Zôé Grand-Wiemert

Étudiante en licence 1 à l'Université Jean Moulin Lyon 3, promotion 2018. Travail réalisé dans le cadre du cours « Culture historique: Patrimoine».

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3 réponses

  1. Jean-Luc Melanchthon dit :

    Un article très sympathique !
    Juste une petite remarque sur “Lyon déjà considéré comme la capitale de l’imprimerie européenne”. À ma connaissance, bien que Lyon joue un rôle important dans l’imprimerie elle n’est pas la capitale européenne de l’imprimerie comme peut l’être Venise fin XVe – Début XVIe. J’aurai plutôt vu des villes comme Paris, Venise, Bâle… répondre à ce titre. Je me trompe peut-être.

    En tout cas j’ai beaucoup aimé la réponse à monsieur Depaulis.

    Merci pour votre article.

  2. Thierry Depaulis dit :

    Pourquoi “la molle” ?? “Molle” ou “mole” n’est jamais que la graphie ancienne de “moule”, terme qui désignait en effet les bois gravés pour imprimer des cartes à jouer.
    Ce terme est, comme aujourd’hui, MASCULIN.
    Un moule permet de mouler (imprimer) ; le résultat est le moulage. Tous termes bien connus des cartiers lyonnais (qu’on ne peut confondre avec les « tailleurs d’histoire » !).
    (Il y a beaucoup d’erreurs dans ce petit texte ! Dommage.)

    • Zôé Grand-Wiemert dit :

      Bonjour Monsieur Depaulis,

      Ayant rédigé cet article dans le cadre de l’option “patrimoine” durant ma première année de licence d’histoire à l’université Lyon 3 Jean Moulin, je me permets de répondre à votre commentaire et aux points de questionnement soulevés.

      Le terme de “molle” fait ici référence aux tablettes de bois utilisées au XVI ème siècle sur lesquelles sont gravées les figures souhaitées pour l’impression du jeu. Le terme de “tablette” étant féminin, l’emploi du genre féminin pour introduire le terme de “Molle” ne semble ainsi pas relever d’une erreur grammaticale en soi. En effet, il s’agit effectivement de la graphie ancienne du terme aujourd’hui utilisé de “Moule”; les deux étant corrects et utilisés au sein de l’article ainsi que dans les fiches explicatives fournies par le Musées lors de la rédaction de celui-ci.

      Par rapport au terme de “tailleurs d’histoire” qui semble vous poser question, il s’agit ici des fabricants de cartes, aussi appelés “tailleurs de molles de cartes” ou encore “fayseurs de cartes à jouer” qui, à partir de la seconde moitié du XVI ème siècle, prennent la dénomination de “cartiers”. Les termes utilisés étant alors adaptés dans ce contexte d’utilisation.

      Comprenez bien que cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat culturel visant non seulement à médiatiser les collections conservées par le Musée Gadagne mais également à offrir aux étudiants une première approche du travail de recherche et de médiation culturelle. Cet article constitue ainsi l’aboutissement d’un travail de recherche mené aux archives de Lyon, de lectures d’ouvrages et d’articles sur le sujet ainsi que d’entretiens avec le personnel du Musée.
      N’étant alors qu’en première année de licence d’histoire, l’article que j’ai rédigé ne constitue certainement pas en soi une référence pour quelqu’un désireux de saisir toute la complexité du phénomène et je vous invite dans ce cas à vous documenter au service des archives et à vous rendre au sein du Musée pour plus de renseignements.

      Sachez néanmoins que cet article a fait l’objet avant sa publication de relectures et de corrections, non seulement de la part du personnel du Musée d’Histoire de Lyon Gadagne mais également d’enseignants diplômés de l’Université Lyon 3 Jean Moulin, et ce afin qu’aucune incohérence historique ne soit comprise dans ce texte.
      Vous évoquez et déplorez “de nombreuses erreurs” sans pour autant les mentionner, si votre démarche à travers ce commentaire vise à partager vos connaissances en tout respect et en toute bienveillance, sentez vous libre de développer votre propos et de partager vos sources afin que tous puissent bénéficier d’un nouvel apport de savoir.

      Merci pour votre lecture et votre retour.

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