Autels tauroboliques de Lyon
À l’époque gallo-romaine, Lyon était un centre religieux important, et notamment, à partir de 160, un sanctuaire y était dédié à la déesse phrygienne Cybèle. Des sacrifices en son honneur, les tauroboles, y étaient célébrés, et commémorés par des autels tauroboliques dont plusieurs exemplaires ont été retrouvés. Ils sont conservés au musée gallo-romain de Fourvière.
Autel taurobolique de 160
[modifier | modifier le code]En 1704, un bloc de pierre antique sculpté avec une tête de taureau fut découvert dans la vigne d’un certain Bourgeat sur la colline de Fourvière à Lyon.
Description
[modifier | modifier le code]Ce bloc est un autel approximativement parallélépipédique, de 1,4 m de haut, 45 cm de largeur et 50 cm de profondeur. Il est décoré sur la face avant d’un relief en tête de taureau ornée d’une infula (collier de grosses perles qui passe sur le front et retombe en deux pendentifs sur les côtés). Le côté gauche de l’autel porte aussi un relief, une tête de bélier ornée de même d’un collier, le côté droit montre une épée de sacrificateur (harpè), à double tranchant et munie d’un croc latéral, et une inscription donnant la date du sacrifice[1].
Cet autel daté par son inscription de l’an 160 fut important pour l’archéologie lyonnaise : sa présence en ce point fut pour l’archéologue Amable Audin l’argument essentiel de l’identification des vestiges monumentaux surplombant le théâtre antique de Fourvière. Selon Amable Audin, ces vestiges étaient ceux d’un grand sanctuaire de Cybèle, fondé en 160. Cette identification longtemps admise a été remise en cause à la suite de fouilles de ces vestiges dans les années 1990.
L’autel est actuellement exposé au musée de la civilisation gallo-romaine à Lyon, avec d’autres autels du même culte, trouvés postérieurement et à des emplacements différents.
La dédicace
[modifier | modifier le code]L’inscription de dédicace en latin[2] sur la face encadre la tête de taureau.
- Texte au-dessus de la tête de taureau :
- Texte au-dessous de la tête de taureau :
- Texte sur la face droite :
- Ce qui se traduit :
.
L’inscription est datée de [5], elle enregistre la célébration d’un sacrifice à la Mère des dieux, titre habituel de Cybèle pour la santé d’Antonin le Pieux, âgé de 75 ans et malade, et pour la prospérité de Lyon. Ce sacrifice est fait « ex imperio », sur un ordre qui peut émaner de l’empereur lui-même, car on le sait favorable au culte de Cybèle et à la pratique des tauroboles.
Le dédicataire du l’autel et du sacrifice est Lucius Aemilius Carpus, il a le titre de sevir augustal, c’est donc un riche affranchi membre du collège religieux d’affranchis chargés du culte impérial. Son nom d’esclave Carpus est la latinisation du grec Karpos (Fruit), nom assez courant chez les Orientaux[6]. Toutefois, ceci n’est pas une indication fiable de l’origine de ce seviri augustales, car par snobisme les maîtres nommaient souvent leurs esclaves avec des noms grecs.
L'inscription précisent que les prêtres de Magna Mater et les dendrophores étaient investis de leurs fonctions et privilèges avec l’approbation des quindemvirs. Ils portaient le titre de sacerdotes quindecemuirales, ce qui signifie que les quindemvirs lui avaient conféré le droit de porter le bracelet (occabus) et la couronne sacerdotaux [7]. Une autre inscription, datée de l’année 289 explicite la procédure de ces investitures [8] et décrit le protocole de l'élection d’un nouveau prêtre de Magna Mater à Cumes ainsi que la réponse des quindemvirs à cette nomination; réponse qui prend acte de l’élection et permet au nouveau prêtre, sur la demande des décurions, de porter l’occabus et la couronne dans les limites de la colonie de Cumes [7].
Autres autels
[modifier | modifier le code]Le musée gallo-romain de Fourvière, outre le grand autel de 160, possède plusieurs autres pièces notables[9] mais moins complètes (autels dépourvus de base et de couronnement, et un fragment d’inscription), découverts postérieurement :
Autel de 190
[modifier | modifier le code]- un autel de 2,05 m de haut, trouvé près du Théâtre, (CIL XIII, 1752)
Autel de 194
[modifier | modifier le code]- un autel (h. 1,10 m), trouvé en 1846 enclavé dans la voûte de la seconde arche, au couchant de notre vieux Pont de Pierre (Pont du Change), pour une célébration les 9- (CIL XIII, 1753).
La face principale ne porte que le texte. Les faces latérales portent chacune un harpè, une tête de taureau et une tête de bélier ornées d’infulae.
Autel de 197
[modifier | modifier le code]- un autel (h. 1,45 m) daté 4- (CIL XIII, 1754).
La face principale porte l’inscription. La face latérale gauche, un harpè (disparu), une tête de taureau et une de bélier avec infulae. Face latérale droite, harpè, tête de taureau et de bélier avec infulae.
Autel de 208
[modifier | modifier le code]- un fragment d’inscription mentionnant un taurobole, probablement en 208 (CIL XIII, 1755) ;
Autel non daté (deuxième siècle)
[modifier | modifier le code]- un autel (h. 1,10 m) lui aussi provenant d’un remploi au pont du Change, deuxième siècle (CIL XIII, 1756).
La face principale porte quatre lignes de texte, et présentait vraisemblablement une tête de taureau qui a été totalement martelée.
Notes
[modifier | modifier le code]- (en) Maarten Jozef Vermaseren, Corpus Cultus Cybelae Attidisque, Brill, 1997, pp. 133-134
- CIL XIII, 1751.
- Mot à mot, porteur de l’arbre ; officiant porteur du pin sacré associé à Attis, berger aimé de Cybèle
- Selon la notice du musée "Terme religieux dont la signification est inconnue". Généralement compris comme "testicules"
- Rüpke 2011, p. 90.
- Pierre Grimal, note dans le Satyricon de Pétrone
- Scheid 1998, p. 24.
- CIL X, 3698)
- CCCA, p. 132.
Sources
[modifier | modifier le code]- Musée gallo-romain de Fourvière
- Catalogues des inscriptions latines : CIL XIII, 1751 = ILS, 4131
- Amable Audin Le sanctuaire lyonnais de Cybèle, in Bulletin des musées et monuments lyonnais, 3, 1965. p. 65-75 et 299-308
- (en) Maarten Jozef Vermaseren, Corpus Cultus Cybelae Attidisque, Brill, 1997 [1]; inscriptions de Lugdunum en p. 132 et suivantes
- (en) Jörg Rüpke, A Companion to Roman Religion, Wiley-Blackwell, coll. « Blackwell Companions to the Ancient World », , 542 p. (ISBN 978-1-4443-3924-6, présentation en ligne)
- John Scheid, « Les livres Sibyllins et les archives des Quindécemvirs », Collection de l'Ecole Francaise de Rome, École Française de Rome, no 243 « La mémoire perdue, Recherches sur l'administration romaine », , p. 11-26 (ISBN 2-7283-0393-2)