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Link to original content: https://dx.doi.org/10.4000/cy.3398
Le cheval arabe chez les Mamelouks baḥriyya entre pragmatisme, symboles et représentations (XIIIe–XIVe siècles)
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Le cheval dans la péninsule Arabique

Le cheval arabe chez les Mamelouks baḥriyya entre pragmatisme, symboles et représentations (XIIIe–XIVe siècles)

The Arabian Horse and the Baḥriyya Mamluks between Pragmatism, Symbols and Representations (13th–14th centuries)
Mehdi Berriah

Résumés

À partir des sources narratives et didactiques arabes, cet article met en exergue l’engouement aussi bien des militaires, des lettrés que des oulémas pour le cheval arabe à l’époque mamelouke (xiiie et xive siècles). L’analyse du corpus utilisé montre que l’intérêt pour le destrier de la péninsule Arabique fut multiple. Ses qualités physiques en faisaient la monture idéale pour certaines opérations militaires. Des hommes de sciences l’étudièrent et explorèrent son univers tandis que les lettrés et les oulémas s’intéressaient tout particulièrement à sa place dans la tradition islamique. Le cheval arabe était considéré comme le véritable symbole du jihad et l’instrument par excellence des conquêtes arabo‑musulmanes du viie siècle. Il constitua à certains égards un substrat de l’idéologie du guerrier du début de l’époque mamelouke.

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Entrées d’index

Géographique :

EGY, SYR, IRQ

Chronologique :

XIIIe–XIVe s.
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Texte intégral

Je tiens ici à remercier Sylvie Denoix pour sa relecture et ses précieux conseils

Introduction

  • 1 Sur la différence entre les chevaux des Mongols et des Mamelouks voir Amitai, 1990, p. 217 ; Id., 2 (...)
  • 2 Al‑Maqrīzī, 2005, vol. 3, p. 728.
  • 3 Voir bibliographie.

1Bien que pour la plupart originaires de la steppe eurasiatique du Kipchak, région réputée pour son peuple de cavaliers et ses chevaux, les Mamelouks ne semblent pas avoir été intéressés par un approvisionnement en montures provenant de leurs régions natales. L’accès à des nouvelles races de chevaux comme celles des Mongols et des Turcomans, robustes et prisées, ne semble pas avoir amoindri l’intérêt des Mamelouks pour les chevaux arabes1. Ces derniers, recherchés auprès de tribus bédouines afin d’équiper certaines unités de l’armée, furent l’objet d’une grande passion de la part de certains sultans à l’instar d’al‑Nāṣir (dernier règne 709–741/1310–1341), qui dépensa des sommes colossales pour en acquérir les plus beaux spécimens2. Très prisé à l’époque mamelouke, le cheval arabe fut envoyé comme présent par les souverains étrangers ou encore offert comme marque d’honneur à des émirs ou des soldats. Cet engouement pour le destrier du désert arabique existe aussi bien au niveau pratique (avec l’utilisation de l’animal), théorique (traités de furūsiyya, d’hippologie et d’hippiatrie3), qu’idéologique (symboles et objet de représentations).

  • 4 Pour des définitions plus précises de la furūsiyya voir Al-Sarraf, 2002, p. 67 ; Id., 2004, p. 142  (...)

2Comment se traduisait cet engouement ? Quel symbole représentait cet animal pour les Mamelouks ? Quelle place occupe‑t‑il dans la littérature de l’époque ? Cette contribution tente de mettre en lumière l’intérêt pour le cheval arabe à l’époque mamelouke des xiiie–xive siècles et d’analyser de quelle manière il se manifestait mais aussi, et surtout, d’en comprendre les raisons. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur deux types de sources arabes. Tout d’abord, les chroniques, en particulier celle d’Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, qui livrent des anecdotes révélatrices de l’importance du cheval arabe pour les Mamelouks et notamment pour certains sultans. Ensuite, quelques traités de furūsiyya, terme complexe mais que l’on peut définir de manière très générale, pour l’époque mamelouke, comme l’ensemble des disciplines permettant au combattant d’acquérir une solide connaissance sur tout ce qui a trait au cheval (équitation, hippiatrie, hippologie) et une formation militaire complète4.

  • 5 Ibid., 2002, p. 67 ; Id., 2004, p. 142‑143 ; Zouache, 2015, p. 84 

3Bien qu’étant abondante, la littérature de la furūsiyya est encore peu utilisée par la communauté des chercheurs et cela pour deux raisons principales : la première est qu’elle reste, en grande partie, à l’état de manuscrits fragmentés, éparpillés et conservés dans différentes bibliothèques à travers le monde ; la seconde, corollaire de la précédente, est la difficulté d’analyse de ces manuscrits5. À cela peut s’ajouter la technicité du champ lexical et du langage utilisés.

4Ces difficultés ne peuvent néanmoins constituer une raison justifiant une mise à l’écart de ces traités de furūsiyya qui constituent, indéniablement, de véritables mines d’informations, notamment sur le cheval. Dans le cadre de cette étude, leur analyse combinée à celle des sources narratives s’avère indispensable pour faire la lumière sur le phénomène du cheval arabe à l’époque mamelouke aux xiiie et xive siècles.

Le cheval dans l’imaginaire arabe

Une littérature ancienne

  • 6 Pour plus de détails sur la place du cheval dans la poésie arabe, voir Mardam‑Bey, 2002a, p. 197‑20 (...)

5Le cheval occupe une place très importante dans la poésie arabe classique que personne ne pourrait contester ni remettre en cause : il y est décrit, contemplé, flatté. On vante ses mérites, il est mis sur un piédestal à nul autre pareil6. Combinant grâce, force, rapidité, agilité et puissance, il est à la fois un précieux instrument de guerre, mais aussi un signe de richesse, de fierté et d’honneur pour celui qui le possède. F. Viré décrit la fascination et le respect des Arabes pour cet animal :

  • 7 Viré, « Faras », EI, p. 803.

« L’immense intérêt que les Arabes portèrent, avant et après l’Islam, à leur race de chevaux et le rôle considérable que joua cet animal dans l’expansion musulmane fournirent à la longue un grand nombre de termes, souvent qualificatifs, pour compléter ce que faras ne précisait pas du sexe, de l’âge, de l’origine, des particularités extérieures et du tempérament ; de là naquit la philologie du cheval […]7. »

  • 8 Par exemple : C III, 14 ; VIII, 60 ; XVI, 8 ; XVII, 65. Cf. Mardam‑Bey, 2002b, p. 202‑203.
  • 9 Dans de nombreux hadiths, le Prophète complimente les chevaux et les considère comme source de bien (...)

6L’apparition de l’islam renforça la place du cheval chez les Arabes. Plusieurs versets du Coran font référence à l’animal8 ; une sourate, la centième, intitulée « les coursiers », lui est consacrée. Dans la tradition prophétique, on trouve aussi nombre de hadiths faisant son éloge, vantant ses mérites et ses bienfaits9.

  • 10 Al‑Sarraf, 2004, p. 141‑142.
  • 11 Pour plus d’informations sur ce personnage et son œuvre voir Ibid., p. 148‑152 et Heide, 2008.
  • 12 Voir bibliographie.

7Entre le viiie et le ixe siècle, une véritable littérature largement consacrée au cheval — celle de la furūsiyya —, s’est développée10, l’ouvrage de référence étant celui d’Ibn Akhī Ḥizām11. C’est sous les Abbassides que des experts en hippiatrie et en hippologie mais aussi des lettrés et des savants tels qu’Abū ‘Ubayda Ma‘mar b. al‑Muthannā (m. 824), Hishām b. Kalbī (m. 819), al‑Asmā‘ī (m. 828), Abū ‘Abd Allāh b. al‑‘Arābī (m. 845), Ibn Qutayba (m. 889) ou encore plus tardivement Abū Muḥammad al‑‘Arābī, plus connu sous le nom d’al‑Aswad al‑Ghundijānī (m. 1038), s’intéressèrent au cheval et tout particulièrement au cheval arabe12. Noms, races, qualités et défauts, maladies, traitements… : tout l’univers de l’animal est exploré.

  • 13 Haarmann, 1998, p. 175.
  • 14 Carayon, 2012, p. 323‑457.
  • 15 Zouache, 2013 et 2015.

8Plus tard, à l’époque mamelouke, la redécouverte de manuels d’époques antérieures (en grande partie abbassides), la production de traités et leur diffusion, de même qu’une grande pratique de la furūsiyya, attestée dans les sources narratives de cette période, corroborent l’idée d’une véritable passion pour cet art. D’ailleurs, il semble que l’élite guerrière ait tenté d’en faire à la fois sa « chasse gardée »13 ainsi qu’une distinction sociale par sa pratique14. Néanmoins, comme les sources didactiques et narratives le confirment, la furūsiyya ne fut pas l’apanage exclusif des militaires ; des hommes de religions et des lettrés l’ont pratiquée et ont composé des traités. C’est dans ce contexte de redécouverte de la furūsiyya que le cheval arabe a suscité une réelle passion sous les Mamelouks et a été abordé comme un véritable objet d’étude par des lettrés d’origines sociales diverses15.

Sacralisation des origines et supériorité des aptitudes du cheval arabe

9Des auteurs d’époque mamelouke, à l’instar d’Ibn Mundhir, s’intéressèrent au cheval arabe en s’inspirant de traités antérieurs. Pour Ibn Mundhir, le cheval arabe est supérieur à tous les autres chevaux par la sacralisation de ses origines. Pour étayer ses propos, il cite un hadith rapporté par Wahb b. Munabbih (m. 728–732 ?) :

  • 16 Al‑Dimyāṭī, 2013, p. 99‑100 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 15. Ibn Hudhayl, 2001, p. 31, rapporte ce (...)

« Quand Dieu Tout Puissant a voulu créer le cheval, il dit au vent du Sud : je crée à partir de toi un être dont je fais un honneur pour mes élus, une humiliation pour mes ennemis, et une beauté pour ceux qui m’obéissent. Puis il a attrapé une poignée de vent et en a créé un cheval, et a dit : « Je t’ai appelé Cheval, et je t’ai fait arabe […]16. »

  • 17 Al‑Dimyāṭī, 2013, 97 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 15. Voir aussi Ibn Hudhayl, 2001, p. 36.
  • 18 Le hadith en question est : « Les djinn‑s ne tourmentent pas la personne qui possède dans sa maison (...)

10Bien que l’authenticité de ce hadith reste à confirmer, ces propos suffirent pour justifier à la fois l’origine noble de l’animal, sa puissance, mais aussi son arabité. Ce dernier concept est renforcé d’ailleurs par un autre récit que rapporte l’historien al‑Wāqidī selon lequel le fils d’Abraham, Ismail, aurait monté des chevaux arabes sauvages et les aurait domptés17. La primauté du cheval arabe se retrouve quant à elle dans d’autres traditions et paroles prophétiques. En particulier, on racontait que le prophète Muḥammad lui avait attribué deux parts de mérite contre une seule pour le cheval non arabe. Une autre tradition considérait que le prophète avait certifié que la maison de tout possesseur de cheval arabe était protégée contre les turpitudes des djinns18.

  • 19 Terme général désignant toute bête de somme et monture. Dīf, 2008, p. 76.
  • 20 Abū Bakr ibn Badr, 2006, p. 45 ; Anonyme, 2003, p. 36.
  • 21 Ibid., p. 45 ; Ibid., p. 36.
  • 22 Abū Bakr ibn Badr, 2006, p. 17.
  • 23 Ibn Mundhir remarque qu’ils ne sont pas opiniâtres et ne donnent pas de coups de sabots, comporteme (...)

11Au‑delà de sa sacralisation par ses références dans le Coran et les traditions prophétiques, les auteurs arabes véhiculent aussi l’idée d’une supériorité du cheval arabe sur les autres montures, (البهائم / bahāʾim)19, au niveau des qualités et des performances physiques20. C’est ce qu’atteste l’anecdote, que l’on retrouve dans plusieurs traités de furūsiyya, selon laquelle le cheval arabe peut porter une charge de plus de mille livres tout en galopant pendant une journée sans pour autant être fatigué, se nourrir ou s’abreuver21. De même en termes d’élevage, selon Ibn Mundhir, les chevaux arabes « sont les meilleurs produits d’élevage, de par leurs bonnes proportions, leur haute stature, leur pied ferme et leur course rapide22 ». En outre, Ibn Mundhir vante leur caractère docile23.

Les spécificités du cheval arabe dans la documentation d’époque mamelouke

  • 24 Ibid., p. 44.
  • 25 Anonyme, 2003, p. 35 ; Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 130‑131.
  • 26 Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 128‑129 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 45; Anonyme, 2003, p. 35 (...)

12Les auteurs d’époque mamelouke s’étant intéressés au cheval arabe se sont surtout efforcés, essentiellement à partir de sources antérieures, de répertorier les traits caractéristiques permettant de reconnaitre l’animal que les Arabes de l’époque préislamique avaient évoqués dans leur poésie24. Certains sont d’ordre morphologique, d’autres d’ordre comportemental, et présentent le cheval en mouvement ou à l’arrêt25. Parmi ces signes morphologiques les plus distinctifs, on trouve une robe d’un noir prononcé, un cou étiré dont la base est mince, une tête assez fine, une langue de grande taille, un regard perçant et des yeux bien écartés, un large chanfrein, des naseaux et un poitrail larges, des cuisses et des hanches musclées, de longues oreilles, un front bien plat, une crinière douce ou encore des sabots bien solides26.

  • 27 Anonyme, 2003, p. 35 :
  • 28 Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 130‑131 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 46. S’il plie ou lève un (...)
  • 29 Anonyme, 2003, p. 35 ; Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 131.

13Certains comportements semblent être aussi propres au cheval de la péninsule Arabique, tel que le rapprochement et la convergence, au galop, de ses pattes, comme s’il en n’avait qu’une seule27, ou encore le fait qu’il ne plie pas le genou lorsqu’il s’abreuve28. Au galop, l’élévation de son cou, l’absence de va‑et‑vient effectués avec celui‑ci afin de gagner de la vitesse ainsi que la stabilité de sa tête pendant la course permettent aussi de distinguer le pur‑sang arabe des autres races29.

  • 30 Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 15.

14Parmi les dix races qu’Ibn Mundhir cite dans son traité, cinq sont arabes : la ḥijāzī, la najdī, la yamanī, la jāzirī et la khaffājī30. Chacune a ses propres caractéristiques :

  • 31 Ibid., p. 47.

« Les chevaux du Hedjaz ont le plus beau regard, une robe noire, un nez et des lèvres fins, des oreilles longues, des sabots solides, et des paturons parfaits. Les chevaux du Nedjd ont les encolures les plus longues, les joues les moins charnues, la tête ronde, les épaules larges, l’abdomen large, les membres fins et les cuisses larges. Les chevaux du Yémen ont le corps convexe, les membres grossiers et épais, les épaules fines, les flancs légers et l’encolure brève […]. Les chevaux de la presqu’île arabique ont d’excellentes arrière‑mains, un poil dense, des bras larges, des avant‑bras solides, des épaules larges et un regard excellent […]. Les chevaux khafajiens ont un front glabre, une tête courte, des joues peu charnues, des épaules arrondies, des jarrets verticaux, des genoux effacés et des lèvres fines31. »

Le cheval arabe, symbole et instrument du jihad par excellence

15Vu comme le destrier des premiers combattants arabes — parmi lesquels se trouvaient de nombreux Compagnons du Prophète — et comme le véritable instrument de la conquête, le cheval arabe devient rapidement dans la conscience collective islamique, le symbole du triomphe de l’Islam conquérant des premiers siècles.

  • 32 Bien que les États Latins d’Orient, réduits et affaiblis, n’aient pas constitué à eux seuls une rée (...)
  • 33 Sur l’image des sultans mamelouks, voir Holt, 2005, p. 144‑148.

16Lorsqu’ils devinrent maitres de l’Égypte, les sultans mamelouks, à cause de leur origine servile, durent à tout prix légitimer leur pouvoir et son maintien. L’élément qui allait le leur permettre fut principalement leur capacité à mener le jihad et à défendre les territoires orientaux du Dār al‑Islām menacés à la fois par les Mongols et les Francs32. Comme les Ayyoubides avant eux, les Mamelouks se présentèrent comme les fervents défenseurs de l’application du droit musulman (al‑sharī‘a) et les légitimes successeurs des combattants des débuts de l’Islam considérés comme les mujāhidūn par excellence33. Les Mamelouks ayant réussi d’une part à faire échouer la croisade de Saint‑Louis en 1250 et d’autre part à stopper la plus grande menace que le Dār al‑Islām ait jamais connue, à savoir les invasions mongoles du xiiie siècle, sont présentés par plusieurs auteurs de l’époque mamelouke comme les parangons du jihad. C’est dans ce cadre de la légitimation de leur pouvoir, par leur capacité à mener le jihad, que la figure du cheval arabe semble avoir été intégrée dans leur idéologie guerrière.

  • 34 Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 13‑14.
  • 35 Al‑Ṣāḥib Tāj al‑Dīn, 1984, vol. 1, p. 55.
  • 36 Ibid., p. 55.
  • 37 Al‑Dimyāṭī, 2013, p. 51‑101.

17Ce symbole du jihad par excellence qu’est le cheval arabe se retrouve dans plusieurs traités de furūsiyya, en particulier ceux d’hippologie et d’hippiatrie. Ibn Mundhir consacre le premier chapitre de son traité à l’intérêt du cheval dans l’effort de guerre ; il cite des versets coraniques et des paroles prophétiques allant dans ce sens34. Au début du Kitāb al‑Bayṭara, al‑Ṣāḥib Tāj al‑Dīn (m. 1307) rapporte qu’à l’époque préislamique, l’utilisation d’un cheval arabe dans la guerre donnait un avantage à son cavalier sur ses ennemis35. Selon lui, la tradition islamique continue et renforce la tradition arabe préislamique qui attribuait déjà à l’animal une place importante dans la société de l’époque36. Ce phénomène est aussi présent dans le Kitāb al‑khayl du grand spécialiste du hadith de l’époque bahrite, Sharaf al‑Dīn ‘Abd al‑Mu’min b. Khalaf al‑Dimyāṭī (m. 1305). Le premier chapitre de cet ouvrage porte aussi sur ce sujet. Al‑Dimyāṭī rapporte de nombreux hadiths, dont il cite les chaînes de transmission, des paroles de Compagnons et de « pieux prédécesseurs » (al‑tābi‘ūn), qui vantent les mérites du cheval arabe comme instrument du jihad des débuts de l’Islam37.

  • 38 Badr al‑Dīn b. Jamā‘a, 2008, p. 68. D’après Ibn Mundhir, « les mâles retiennent leur urine jusqu’à (...)
  • 39 Badr al‑Dīn b. Jamā‘a, 2008, p. 68.
  • 40 Vient du verbe faḥala qui désigne le fait de lâcher un étalon au milieu des femelles à fin de fécon (...)
  • 41 Badr Al‑Dīn b. Jamā‘a, 1985, p. 137, d’après Rashīd b. Sa‘d.
  • 42 Ibid., p. 137.
  • 43 Badr al‑Dīn b. Jamā‘a, 2008, p. 68. La castration permet d’éviter au mâle d’être tenté de s’accoupl (...)

18Le grand cadi Badr al‑Dīn b. Jamā‘a (m. 1333) s’intéresse aussi à cet animal. Il revient, en particulier, sur les préférences et habitudes de certains conquérants des débuts de l’Islam tel Khālid b. al‑Walīd, dont il rappelle qu’il ne combattait que sur le dos d’une jument car, contrairement au mâle, celle‑ci pouvait uriner au galop et hennissait peu38. Il affirme aussi que l’on préférait aussi utiliser la jument lors des attaques de jour et les raids nocturnes (al‑bayāt)39. Néanmoins, à ses yeux, les « pieux prédécesseurs » préféraient le mâle (al‑fakhūla40) lorsqu’ils chargeaient car il était censé être plus hardi et courageux41 ; c’est pour cette raison que les cavaliers des premières conquêtes le montaient en vue d’une bataille rangée42. Enfin, Badr al‑Dīn b. Jamā‘a rapporte que les chevaux châtrés étaient utilisés par les troupes d’éclaireurs et/ou pour tendre une embuscade car ils étaient plus endurants et plus résistants dans l’effort43.

  • 44 Pour un récit détaillé de l’évènement voir Ibn ‘Abd Al‑Ẓāhir, 1976, p. 405‑409.
  • 45 Ibid., p. 408‑409.
  • 46 Al‑Ṭabarī, 1967, vol. 4, p. 8‑16 ; Al‑Balādhūrī, 1982, p. 366‑368.
  • 47 Al‑Ṭabarī, 1967, vol. 4, p. 8‑16 ; Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 406‑409.

19On faisait aussi volontiers référence aux conquérants des premiers siècles de l’islam en comparant leurs exploits militaires à ceux des Mamelouks. En 1272, 5 000 Mongols assiégèrent la place forte d’al‑Bīra, sur l’Euphrate. Après être arrivés sur place, Baybars et son armée prirent positon près d’un gué dont l’entrée était surveillée par des Mongols. Afin d’atteindre l’autre rive tenue par ces derniers, les Mamelouks se jetèrent à l’eau avec leurs chevaux et traversèrent l’Euphrate. Une fois arrivés de l’autre côté de la rive, ils mirent en déroute les Mongols qui furent contraints de quitter précipitamment et dans le désordre leur campement, abandonnant vivres et matériel de guerre44. Au‑delà de cette nouvelle victoire sur les Mongols, c’est bien la traversée de l’Euphrate par les Mamelouks avec leurs chevaux qui est mise en avant par Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir. Après les éloges faits aux chefs mamelouks pour leur héroïsme, en particulier à Qalāwūn (qui s’est jeté à l’eau le premier) et à Baybars, la description de la traversée est magnifiée. D’une certaine manière, Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir « sacralise » l’évènement en le comparant à un fait marquant des conquêtes arabo‑musulmanes, la prise d’al‑Madāʾin, ancienne capitale de l’empire perse sassanide, en 63645. En effet, six siècles avant celle des Mamelouks, l’armée arabo‑musulmane avait aussi traversé l’Euphrate avec ses chevaux et battu les forces sassanides de l’autre côté de la rive46. Dans les deux récits, la figure du cheval est mise en avant : c’est lui qui permet aux soldats de traverser le fleuve pour aller combattre et vaincre l’ennemi47.

  • 48 Baybars al‑Manṣūrī, 1998, p. 331 :
  • 49 Ibid., p. 331. Les vers sont tirés du Kāmil fī‑l‑tārīkh d’Ibn al‑‘Athīr.

20Il est même fait référence au début de l’Islam dans les récits de défaite. En 1299, à Wādī al‑Khāzindār, alors qu’ils avaient initialement réussi à prendre le dessus sur les troupes de Ghazan, les Mamelouks furent finalement mis en déroute. Face à la tentative d’encerclement des Mongols, le centre de l’armée où se trouvait le sultan al‑Nāṣir tenta de résister mais fut contraint de reculer avant de fuir. Pour Baybars al‑Manṣūrī (m. 1325), qui était à la fois général de l’armée mamelouke et lettré, cette retraite était la meilleure chose qui fût : le centre n’avait pas été encerclé et le pire avait été évité. Il considère que si le centre avait été détruit et le sultan tué ou capturé, les conséquences pour le sultanat auraient été très lourdes48. Pour justifier cette fuite, l’auteur prend comme référence là aussi un fait des débuts de l’Islam, en l’occurrence le retrait d’al‑Ḥārith b. Hishām b. al‑Mughīra al‑Makhzūmī lors de la bataille de Badr. Baybars al‑Manṣūrī rapporte que ce dernier avait justifié son acte dans des vers de poésie en arguant que, dans la position dans laquelle il se trouvait pendant la bataille, combattre Quraysh jusqu’à la mort n’aurait été d’aucune utilité49.

21Bien que non exhaustives, les quelques informations découlant de l’analyse de sources didactiques et narratives permettent de constater qu’à l’époque mamelouke, la passion pour le cheval arabe reste vive. Cette passion s’exprime dans l’attention littéraire et scientifique dont il fait l’objet, mais aussi dans le rôle qu’il joue en tant que vecteur de l’idéologie guerrière des Mamelouks. En outre, les sources narratives attestent aussi de son utilisation, en particulier en contexte militaire.

Le cheval arabe et les Mamelouks dans les sources narratives

L’utilité militaire du cheval arabe dans l’armée mamelouke

  • 50 Baybars Manṣūrī, 1998, p. 46. Noter que Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, dans son Kitāb al‑furūsiyya wa (...)
  • 51 L’expression est de Reuven Amitai. Amitai, 1990, p. 71.

22Bien que Quṭuz (m. 1260) ait joui d’une réputation de grand cavalier et de chef de guerre, les sources ne font pas mention d’un intérêt particulier de ce sultan pour les chevaux arabes, peut‑être en raison de la brièveté de son règne (11 novembre 1259–22 octobre 1260). Il n’en est pas moins parfois loué, dans les sources, pour son expertise en furūsiyya. Baybars al‑Manṣūrī affirme même que cette expertise explique en partie pourquoi une partie des émirs acceptèrent qu’il accédât au sultanat50. Cependant, c’est bien à partir du règne de Baybars (m. 1277) que l’on peut trouver des informations relatives à l’utilisation de chevaux arabes à des fins militaires. Elles s’inscrivent dans un contexte d’affrontement avec les Mongols et de transformation de l’armée mamelouke. En effet, malgré la victoire de ‘Ayn Jālūt, le 3 septembre 1260, la menace mongole était loin d’être écartée définitivement. Les Mongols ilkhanides étaient présents dans le pays de Rūm qu’ils contrôlaient et où ils pouvaient bénéficier de l’aide de leurs alliés arméniens. Surtout, il apparaissait évident qu’ils souhaitaient venger l’affront qu’ils avaient subi en lançant une nouvelle attaque sur la Syrie. Très conscient de cette menace, Baybars lança une série de grandes réformes. Les moyens consacrés à la surveillance et à la défense de la frontière furent décuplés et les effectifs de l’armée augmentés. Elle devint une véritable « machine de guerre »51.

  • 52 Il faut avoir à l’esprit que même si le gros de l’armée mamelouke était constituée en grande partie (...)
  • 53 Terme venant du verbe kashafa signifiant « découvrir ». On trouve aussi dans certains manuels de gu (...)
  • 54 Sur le rôle et les caractéristiques de la kashshāfa voir Al‑Harthamī, 1995, p. 48‑49 ; Muḥammad al‑ (...)
  • 55 Étant donné le contexte de l’époque, il est difficile de penser que l’objectif était autre que le s (...)
  • 56 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 135. Sur le service d’espionnage des Mamelouks, voir ‘Adwan, 2008 ; et (...)
  • 57 Titre de l’émir mamelouk en charge de l’arsenal militaire et de l’armement.
  • 58 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 135‑136. Kazimirzki, 2004, t. I, p. 1170 ; Dīf, 2008, p. 484.

23Baybars eut recours aux chevaux arabes pour équiper une partie des cavaliers de son armée. Il semblerait que le nombre restreint de ce type de monture et l’hétérogénéité de l’armée mamelouke n’aient pas freiné ce type de projet52. Certes, l’information manque dans les sources médiévales. Cependant, quelques indices laissent penser que l’endurance et la vitesse de course des chevaux arabes furent mises régulièrement à profit dans des unités militaires à effectifs limités et mobilisées pour des opérations requérant une grande rapidité d’action. C’était le cas des troupes d’éclaireurs appelées, dans les sources, al‑kashshāfa 53. Ces troupes de cavaliers avaient comme principale tâche de récolter des informations relatives aux mouvements, intentions et effectifs de l’ennemi. Pour réaliser au mieux leur mission, elles devaient nécessairement être dotées des chevaux les plus rapides et les plus endurants, le but étant d’apporter l’information le plus rapidement possible54. Ainsi, au cours de l’année 1260‑1261, Baybars apprit de la part de ses informateurs présents à Bagdad que Hulagu rassemblait d’importants effectifs militaires en vue d’une campagne qui visait probablement55 la conquête des territoires syriens du sultanat mamelouk56. Une fois informé, Baybars envoya une troupe d’éclaireurs dirigée par le silāhdār57 Jamāl al‑Dīn al‑Rūmī. Selon Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, elle était constituée de cavaliers turcs légers qui montaient des chevaux musawwama, « marqués »58. Ce dernier terme désigne les chevaux arabes. L’expression khayl al‑musawwama se retrouve dans le Coran, notamment au verset 14 de la sourate 3, dans lequel Dieu s’adresse aux Arabes :

« On a magnifié aux yeux des gens l’amour des choses qu’ils désirent : femmes, enfants, trésors thésaurisés d’or et d’argent, chevaux marqués, bétail et champs ; tout cela est l’objet de jouissance pour la vie présente, alors que c’est près d’Allah qu’il y a bon retour. »

  • 59 Al‑Ṭabarī, 2004, t. 3, p. 226‑228. Les autres avis sont que l’expression peut désigner soit les che (...)

24En toute logique, il ne peut être fait référence ici qu’au cheval de la péninsule Arabique. L’expression khayl al‑musawwama a fait l’objet d’interprétations de la part des exégètes coraniques. Ainsi, dans son Jāmi‘ al‑bayān fī taʾwīl al‑qurʾān, Abū Ja‘far al‑Ṭabarī (m. 923) rapporte plusieurs avis d’oulémas dont la majorité considère que cette expression renvoie aux caractéristiques qui permettaient de reconnaître les chevaux de bonne race chez les Arabes59.

  • 60 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 136. « […] et avec lui, parmi les chevaux de la troupe, des juments de (...)
  • 61 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 136 : « […] chaque cheval valait mille dinars ou plus […] ».
  • 62 Al‑Maqrīzī, 2005, vol. 3, p. 728.

25Il faut souligner que dans le même récit consacré aux éclaireurs du sultan, Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir évoque aussi la présence de juments khaffājī, race réputée pour sa pureté, élevée par la tribu bédouine des Khaffāja60. Autre élément important montrant qu’il s’agit bien de chevaux arabes : le prix. Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir affirme que pour acquérir un cheval khaffājī, il fallait dépenser un minimum de mille dinars61. D’autres montures pouvaient être achetées à des prix exorbitants. Ainsi, al‑Maqrīzī rapporte que le sultan al‑Nāṣir aurait dépensé 100 000 dinars pour acquérir une jument62.

  • 63 Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 69 : « Et leurs chevaux [ceux des éclaireurs], il convient qu’ils soi (...)

26L’utilisation de chevaux arabes par les troupes d’éclaireurs est aussi mentionnée de manière implicite dans certains traités didactiques. Les caractéristiques du cheval arabe énumérées dans les traités d’hippologie et d’hippiatrie (une belle apparence, de bons sabots, un caractère docile, l’absence d’opiniâtreté…) sont en fait, selon l’auteur du Tafrīj al‑Kurūb, les critères de sélection des chevaux alloués aux troupes d’éclaireurs et qui, par déduction, devaient être de préférence arabes63.

27On voit donc que, par souci d’efficacité militaire et de renseignement, Baybars équipa ses éclaireurs de chevaux arabes réputés pour leur vitesse et leur endurance, (qualités prépondérantes pour des missions de ce type) et achetés au prix fort auprès des tribus bédouines qui les élevaient.

  • 64 Sur la poste (al‑barīd) à l’époque mamelouke, voir Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 28‑29 ; Ibn Shaddā (...)
  • 65 Sauvaget, 1941, p. 13. Adam Silverstein est d’avis qu’il faut aussi prendre compte de l’héritage de (...)
  • 66 Des fumées pouvaient être aussi utilisées dans ce cas‑là. Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 25 ; Ibn Fa (...)
  • 67 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 149. De telles contreparties pouvaient aussi être demandées à des tribu (...)

28Le cheval arabe a aussi été utilisé dans la poste aux chevaux (al‑barīd)64 que le sultan Baybars modernisa et rendit plus efficace en s’inspirant du système de la poste mongole65. La modernisation du barīd visait à transmettre le plus rapidement possible les informations importantes à toutes les principales villes du sultanat, en particulier lorsque des mouvements de troupes mongoles avaient été repérés aux frontières. C’est pourquoi le cheval arabe, dont les qualités de vitesse étaient vantées, fut utilisé pour ces missions de communication66. Baybars s’appuya d’ailleurs volontiers, en Syrie, sur des tribus arabes, qui pouvaient être chargées de prendre en charge le barīd. Ainsi, Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir rapporte qu’au cours d’un voyage pour la Syrie au début de l’année 1263, le sultan fit une halte à Gaza où il convoqua les chefs des tribus ‘Āʾid, Jaram et Tha‘laba afin de leur confier la gestion de sa région. En échange, ces derniers devaient s’engager à intervenir aux côtés de l’armée mamelouke en cas de guerre, à s’occuper de la poste et à fournir des chevaux67.

  • 68 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 219.
  • 69 Ibn Faḍl Allāh al‑‘Umarī, 2001‑2004, t. 3, p. 303.
  • 70 Al‑Maqrīzī, 2005, vol. 3, p. 728. Ibn Mundhir nomme cette race la barqī. Abū Bakr ibn Badr, 2006, p (...)
  • 71 Abū al‑Fidāʾ, s. d., p. 82.
  • 72 Al‑Maqrīzī, 1997, t. 5, p. 351.
  • 73 Viré, « Faras », EI, p. 803‑806. Cf. aussi Roux, 1987 ; Gouraud, 2002.

29Certaines tribus bédouines des régions ouest du sultanat telle celle de Barqa qui nomadisait dans la région d’Alexandrie, étaient aussi connues pour l’élevage de leurs chevaux qu’elles vendaient avec leur bétail68. Comme le rapporte Ibn Faḍl Allāh al‑‘Umarī (m. 1349), les chevaux des Barqa étaient réputés pour leur solidité et les soldats de l’armée mamelouke les appréciaient, leur prix n’atteignant pas ceux des tribus arabes de la péninsule Arabique et de Syrie69. D’après al‑Maqrīzī, le sultan Qalāwūn avait lui aussi une certaine préférence pour les chevaux des Barqa70. Abū al‑Fidāʾ, prince de Hama, affirme en avoir reçu un de la part d’al‑Nāṣir en guise de présent71. Ce type de monture était aussi utilisé dans l’armée mamelouke au début de la période circassienne. Dans sa réponse à la lettre de Tamerlan, le sultan Barqūq, dans un langage martial, met en avant le fait que les chevaux de sa cavalerie sont des barqiyya72. Néanmoins il est important de préciser que le cheval des Barqa tout comme celui des autres tribus du nord‑ouest de l’Égypte, ne peut être considéré comme purement arabe à cause du large croisement qui s’était opéré, depuis la conquête de la région au viie siècle, entre le cheval de la péninsule Arabique et le barbe, race chevaline originaire d’Afrique du Nord73.

30La consultation de quelques sources permet de confirmer que le cheval arabe, de par sa vitesse et son endurance, était utilisé par les Mamelouks à des fins militaires et de communication. Cependant, au‑delà de cet intérêt que l’on peut qualifier de pragmatique, le cheval de la péninsule Arabique avait aussi une importance symbolique pour les Mamelouks.

Le cheval arabe comme cadeau de choix et marque d’honneur

31Bien que rares, on trouve dans les sources narratives quelques anecdotes qui dénotent une passion des Mamelouks voire, en ce qui concerne le sultan al‑Nāṣir, une véritable fascination. Envoyé comme présent, l’animal était un objet de convoitise et constituait une marque d’honneur pour quiconque se le voyait offrir. Entretien, dépenses colossales, organisations de courses : les coûts qu’il générait sont un indicateur de cet engouement considérable.

  • 74 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 176‑177.
  • 75 Ibid., p. 177.
  • 76 La passion de ce sultan pour les chevaux arabes fait l’objet de l’article d’A. Carayon dans ce doss (...)
  • 77 Baybars al‑Manṣūrī, 1998 p. 389. La somme d’argent mise en jeu s’élevait d’après l’auteur à 7000 di (...)

32Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir livre d’ailleurs une anecdote à ce sujet. En 1263, quittant Alexandrie pour retourner au Caire, Baybars décida de s’arrêter à Tarūja, une petite bourgade de la région d’al‑Buḥayra où il demanda aux Bédouins de la localité de participer à une course avec leurs chevaux. Pas moins de mille cavaliers arabes concoururent. Baybars prit position sur une colline, à une certaine distance de la troupe, et planta une lance au bout de laquelle était suspendu un vêtement de grande valeur contenant une somme d’argent et que les concurrents devaient attraper en premier74. Bien qu’Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, l’historien‑panégyriste de Baybars, mette en avant l’image d’un sultan tellement passionné qu’il contemplait les chevaux et ne regardait rien d’autre75, ce récit reste tout de même révélateur de l’attachement du sultan pour ce type de monture élevée par les bédouins76. D’autres chroniqueurs font état de courses de chevaux organisées, cette fois, par des émirs mamelouks et impliquant aussi des bédouins. Ainsi, Baybars al‑Manṣūrī rapporte que Sayf al‑Dīn Salār remporta une course face à d’autres émirs au Caire77.

  • 78 Al‑Maqrīzī, 1958, vol. 1, p. 563.
  • 79 Il reçoit en même temps un rhinocéros. Cf. Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1961, p. 117.
  • 80 Baybars alManṣūrī, 1998, p. 381. D’autres exemples sont connus. Voir Housni, 2013, p. 67‑68.

33Le cheval arabe était aussi un présent de choix. Les sultans mamelouks s’en voyaient offrir, dans le cadre de marques d’honneur ou de pratiques diplomatiques, par d’autres souverains du Moyen‑Orient et du bassin méditerranéen. En 1267, le sultan du Yémen offrit à Baybars vingt chevaux, probablement de race yéménite78 ; en 1284, le même sultan offrit aussi des chevaux de choix à Qalāwūn79, et le souverain mérinide fit de même avec al‑Nāṣir en 1304–130580.

  • 81 Baybars alManṣūrī, 1998, p. 183.

34Marque d’honneur et de respect de la part des souverains étrangers, le cheval arabe pouvait symboliser l’octroi du pardon de la part du sultan. Par exemple, après avoir échoué dans sa rébellion contre Qalāwūn en 1280, l’émir Sunqur al‑Ashqar prit la fuite en direction des territoires ilkhanides, et les émirs qui avaient été ses soutiens furent faits prisonniers et envoyés au Caire. Lorsqu’ils comparurent devant Qalāwūn, ce dernier leur pardonna en leur offrant, entre autres, des chevaux arabes81.

Conclusion

35Le cheval de la péninsule Arabique a suscité un réel engouement à l’époque mamelouke, en particulier aux xiiie et xive siècles, et cela aussi bien chez les combattants, que chez les hommes de cheval, les lettrés et les oulémas. Les capacités physiques du cheval arabe, qui était élevé par les tribus bédouines dans le cadre d’accords avec les autorités du sultanat, en faisaient le destrier idéal pour, d’une part, les troupes d’éclaireurs de l’armée mamelouke chargées de récolter et d’apporter rapidement toute information relative à l’ennemi, et, d’autre part, la poste. En outre, il était très prisé et constituait une marque d’honneur pour les sultans mamelouks à qui des souverains étrangers en envoyèrent à plusieurs reprises, ainsi que pour les émirs qui s’en voyaient offrir par le sultan à diverses occasions.

36De par ses références dans le Coran et les traditions prophétiques mais aussi ses qualités physiques, le cheval arabe a fasciné les hommes de science et de religion. Les premiers lui consacrèrent des traités dans lesquels l’animal et son univers sont explorés dans les moindres détails ; origines, races, caractéristiques, noms, tout est bon à savoir pour mieux le connaitre et le reconnaitre. Outre ses spécificités qui en font une monture recherchée et d’exception, le cheval de la péninsule Arabique représente un symbole fort : celui de l’instrument du jihad par excellence et de l’expansion de l’Islam des premiers siècles. Symbole d’un Islam triomphant et victorieux, la figure du cheval arabe est intégrée par certains oulémas dans l’appel au combat pour la défense du sultanat mamelouk et, d’une manière générale, pour celle des territoires orientaux du Dār al‑Islām.

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Bibliographie

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Notes

1 Sur la différence entre les chevaux des Mongols et des Mamelouks voir Amitai, 1990, p. 217 ; Id., 2006, p. 39‑41 ; 2007, p. 129 ; Smith, 1984, p. 307‑345 ; Id., 1998, p. 58‑59 ; Nicolle, 2014, p. 24‑25.

2 Al‑Maqrīzī, 2005, vol. 3, p. 728.

3 Voir bibliographie.

4 Pour des définitions plus précises de la furūsiyya voir Al-Sarraf, 2002, p. 67 ; Id., 2004, p. 142 ; Carayon, 2012, p. 14.

5 Ibid., 2002, p. 67 ; Id., 2004, p. 142‑143 ; Zouache, 2015, p. 84 

6 Pour plus de détails sur la place du cheval dans la poésie arabe, voir Mardam‑Bey, 2002a, p. 197‑201.

7 Viré, « Faras », EI, p. 803.

8 Par exemple : C III, 14 ; VIII, 60 ; XVI, 8 ; XVII, 65. Cf. Mardam‑Bey, 2002b, p. 202‑203.

9 Dans de nombreux hadiths, le Prophète complimente les chevaux et les considère comme source de bien. Il assure que leur élevage, leur entretien, ainsi que leur prise en charge sont récompensés dans la vie future. L’un des hadiths les plus connus et révélateurs est celui rapporté par al‑Bukhārī et Muslīm d’après ‘Abdallāh b. ‘Umar : « Les chevaux ont le bien noué en leurs toupets jusqu’au jour de la résurrection ». Pour plus de détails sur les hadiths liés au cheval, voir Mardam‑Bey, 2002b, p. 202‑203.

10 Al‑Sarraf, 2004, p. 141‑142.

11 Pour plus d’informations sur ce personnage et son œuvre voir Ibid., p. 148‑152 et Heide, 2008.

12 Voir bibliographie.

13 Haarmann, 1998, p. 175.

14 Carayon, 2012, p. 323‑457.

15 Zouache, 2013 et 2015.

16 Al‑Dimyāṭī, 2013, p. 99‑100 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 15. Ibn Hudhayl, 2001, p. 31, rapporte ce hadith d’après ‘Alī b. Abī Ṭālib.

17 Al‑Dimyāṭī, 2013, 97 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 15. Voir aussi Ibn Hudhayl, 2001, p. 36.

18 Le hadith en question est : « Les djinn‑s ne tourmentent pas la personne qui possède dans sa maison un cheval pur‑sang ». Abū Bakr ibn Badr, 2006, p. 48.

19 Terme général désignant toute bête de somme et monture. Dīf, 2008, p. 76.

20 Abū Bakr ibn Badr, 2006, p. 45 ; Anonyme, 2003, p. 36.

21 Ibid., p. 45 ; Ibid., p. 36.

22 Abū Bakr ibn Badr, 2006, p. 17.

23 Ibn Mundhir remarque qu’ils ne sont pas opiniâtres et ne donnent pas de coups de sabots, comportement répandu chez les autres races. Ibid., p. 17.

24 Ibid., p. 44.

25 Anonyme, 2003, p. 35 ; Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 130‑131.

26 Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 128‑129 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 45; Anonyme, 2003, p. 35 et 44.

27 Anonyme, 2003, p. 35 :

واجتماع قوائمه في حُضره، فلم تتفرَق، وبسط يديه جميعًا، وقبض رجليه جميعاً حتى كأنهما حافر واحد. وكأنما يرفع قائمة واحدة.

28 Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 130‑131 ; Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 46. S’il plie ou lève une de ses pattes, Najm al‑Dīn considère que le cheval est croisé.

29 Anonyme, 2003, p. 35 ; Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 131.

30 Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 15.

31 Ibid., p. 47.

32 Bien que les États Latins d’Orient, réduits et affaiblis, n’aient pas constitué à eux seuls une réelle menace, les places côtières syro‑palestiniennes qu’ils occupaient pouvaient faciliter le débarquement de forces armées venues d’Occident. Cette possibilité était prise très au sérieux par les sultans mamelouks, en particulier par Baybars.

33 Sur l’image des sultans mamelouks, voir Holt, 2005, p. 144‑148.

34 Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 13‑14.

35 Al‑Ṣāḥib Tāj al‑Dīn, 1984, vol. 1, p. 55.

36 Ibid., p. 55.

37 Al‑Dimyāṭī, 2013, p. 51‑101.

38 Badr al‑Dīn b. Jamā‘a, 2008, p. 68. D’après Ibn Mundhir, « les mâles retiennent leur urine jusqu’à la mort ». Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 46.

39 Badr al‑Dīn b. Jamā‘a, 2008, p. 68.

40 Vient du verbe faḥala qui désigne le fait de lâcher un étalon au milieu des femelles à fin de fécondation et de production d’une race spécifique. Ce terme s’emploie aussi pour d’autres animaux. Kazimirzki, t. II, p. 549.

41 Badr Al‑Dīn b. Jamā‘a, 1985, p. 137, d’après Rashīd b. Sa‘d.

42 Ibid., p. 137.

43 Badr al‑Dīn b. Jamā‘a, 2008, p. 68. La castration permet d’éviter au mâle d’être tenté de s’accoupler, donne au cheval mâle un tempérament plus calme et le rend donc beaucoup plus facilement contrôlable. Il est à signaler que plusieurs hadiths prohibent la castration des animaux.

44 Pour un récit détaillé de l’évènement voir Ibn ‘Abd Al‑Ẓāhir, 1976, p. 405‑409.

45 Ibid., p. 408‑409.

46 Al‑Ṭabarī, 1967, vol. 4, p. 8‑16 ; Al‑Balādhūrī, 1982, p. 366‑368.

47 Al‑Ṭabarī, 1967, vol. 4, p. 8‑16 ; Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 406‑409.

48 Baybars al‑Manṣūrī, 1998, p. 331 :

وكان الصواب في الرجوع الصدور وولاة الأمور لما رأوا العساكر مفلولة والأيدي عن التمكن من العدو مغلولة ولو تربصوا في ذلك الوقت لكان نوعًا من الإلقاء بالأيدي إلى التهلكة وسببًا لفساد المملكة [...].

49 Ibid., p. 331. Les vers sont tirés du Kāmil fī‑l‑tārīkh d’Ibn al‑‘Athīr.

50 Baybars Manṣūrī, 1998, p. 46. Noter que Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, dans son Kitāb al‑furūsiyya wa‑l‑manāṣib al‑ḥarbiyya, lui attribue la paternité d’un procédé militaire. Cf. Najm al‑Dīn Ḥasan al‑Rammāḥ, 2007, p. 275.

51 L’expression est de Reuven Amitai. Amitai, 1990, p. 71.

52 Il faut avoir à l’esprit que même si le gros de l’armée mamelouke était constituée en grande partie d’éléments serviles originaires de la région du Kipchak, elle était complétée par des forces auxiliaires telles que les tribus bédouines (en particulier les Banū Faḍl), turcomanes ou kurdes (comme les Shahrazūriyya), ces dernières possédant leurs propres chevaux (notamment des chevaux turcomans). Ce phénomène fait de l’armée mamelouke une force militaire ethniquement mêlée. Pour plus d’informations voir Ayalon, 1988, p. 13‑37. Sur les chevaux des Mamelouks voir Carayon, 2012, p. 242‑289 ; Amitai, 2006, p. 39.

53 Terme venant du verbe kashafa signifiant « découvrir ». On trouve aussi dans certains manuels de guerre le terme ṭalī‘a, pl. ṭalāʾi‘. Al‑Harthamī, 1995, p. 48‑49 ; Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 69‑71.

54 Sur le rôle et les caractéristiques de la kashshāfa voir Al‑Harthamī, 1995, p. 48‑49 ; Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 69‑71.

55 Étant donné le contexte de l’époque, il est difficile de penser que l’objectif était autre que le sultanat mamelouk : les Seldjoukides de Rūm, tout comme les Arméniens, étaient les vassaux des Mongols ; la guerre entre les Ilkhanides et la Horde d’Or de Berke Khān n’avait pas encore éclaté ; la défaite de ‘Ayn Jālūt, vue comme un affront, ne pouvait être « effacée » que par la destruction du sultanat mamelouk considéré comme « rebelle » dans l’idéologie impériale mongole.

56 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 135. Sur le service d’espionnage des Mamelouks, voir ‘Adwan, 2008 ; et Amitai, 1988, p. 173‑181.

57 Titre de l’émir mamelouk en charge de l’arsenal militaire et de l’armement.

58 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 135‑136. Kazimirzki, 2004, t. I, p. 1170 ; Dīf, 2008, p. 484.

59 Al‑Ṭabarī, 2004, t. 3, p. 226‑228. Les autres avis sont que l’expression peut désigner soit les chevaux que l’on fait paître, appelés en arabe al‑rā‘iyya, soit ceux utilisés pour le jihad.

60 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 136. « […] et avec lui, parmi les chevaux de la troupe, des juments de race des Khaffāja […] ». Pour Ibn Mundhir, le khaffājī (cheval des Banū Khaffājā) est la race la plus pure parmi les cinq races de chevaux arabes qu’il cite dans son traité. Abū Bakr ibn Badr, 2006, p. 15. Les Banū Khaffāja sont une tribu arabe bédouine d’Irak. Ils ont souvent été alliés aux Mongols Ilkhanides. Baybars a tenté de les attirer dans son camp avec plus ou moins de succès.

61 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 136 : « […] chaque cheval valait mille dinars ou plus […] ».

62 Al‑Maqrīzī, 2005, vol. 3, p. 728.

63 Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 69 : « Et leurs chevaux [ceux des éclaireurs], il convient qu’ils soient des coursiers, qu’ils aient une belle apparence, de bons sabots, qu’ils ne soient ni rétifs ni indisciplinés car la mission première des éclaireurs est d’apporter l’information le plus rapidement. Si le cheval est rétif, indiscipliné ou caractérisé par ce genre de comportement, alors la mission des éclaireurs est compromise. » Voir aussi Abū Bakr b. Badr, 2006, p. 45.

64 Sur la poste (al‑barīd) à l’époque mamelouke, voir Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 28‑29 ; Ibn Shaddād, 1983, p. 311‑313 ; Ibn Faḍl Allāh al‑‘Umarī, 1988, p. 241‑253 ; Sauvaget, 1941 ; Ragheb, 2002, p. 29‑49 ; Silverstein, 2007, p. 165‑185.

65 Sauvaget, 1941, p. 13. Adam Silverstein est d’avis qu’il faut aussi prendre compte de l’héritage de la poste abbasside et de l’influence des traditions administratives antérieures de l’Égypte et de la Syrie. Cf. Silverstein, 2007, p. 165‑166, 170.

66 Des fumées pouvaient être aussi utilisées dans ce cas‑là. Muḥammad al‑Rashīdī, 1995, p. 25 ; Ibn Faḍl Allāh al‑‘Umarī, 1988, p. 259‑262.

67 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 149. De telles contreparties pouvaient aussi être demandées à des tribus turcomanes. Cf. aussi Housni, 2013, p. 61.

68 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 219.

69 Ibn Faḍl Allāh al‑‘Umarī, 2001‑2004, t. 3, p. 303.

70 Al‑Maqrīzī, 2005, vol. 3, p. 728. Ibn Mundhir nomme cette race la barqī. Abū Bakr ibn Badr, 2006, p. 15.

71 Abū al‑Fidāʾ, s. d., p. 82.

72 Al‑Maqrīzī, 1997, t. 5, p. 351.

73 Viré, « Faras », EI, p. 803‑806. Cf. aussi Roux, 1987 ; Gouraud, 2002.

74 Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1976, p. 176‑177.

75 Ibid., p. 177.

76 La passion de ce sultan pour les chevaux arabes fait l’objet de l’article d’A. Carayon dans ce dossier.

77 Baybars al‑Manṣūrī, 1998 p. 389. La somme d’argent mise en jeu s’élevait d’après l’auteur à 7000 dinars.

78 Al‑Maqrīzī, 1958, vol. 1, p. 563.

79 Il reçoit en même temps un rhinocéros. Cf. Ibn ‘Abd al‑Ẓāhir, 1961, p. 117.

80 Baybars alManṣūrī, 1998, p. 381. D’autres exemples sont connus. Voir Housni, 2013, p. 67‑68.

81 Baybars alManṣūrī, 1998, p. 183.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Mehdi Berriah, « Le cheval arabe chez les Mamelouks baḥriyya entre pragmatisme, symboles et représentations (XIIIe–XIVe siècles) »Arabian Humanities [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 30 avril 2017, consulté le 23 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/arabianhumanities/3398 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cy.3398

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Auteur

Mehdi Berriah

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et IRSEM/SHD

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