Aux concours externes de professeurs des écoles de l'année 2012, les femmes ont représenté 87,2% des admis, une proportion encore en hausse de 2,4 points par rapport à 2011. Serait-on parvenu au point de saturation ?
De 2004 à 2011, le taux de féminisation de reçus aux concours externes avait varié entre 83% et 85%. Et celui de l'ensemble du corps enseignant du premier degré public s'élève actuellement à 82%.
C'est le fruit d'une longue évolution, avec ses moments d'accélération puis de stabilisation. Dès 1880, au moment de Jules Ferry, le taux de femmes parmi les enseignants du primaire atteint 54%. Il s'élève à hauteur de 59% en 1914 puis de 66% en 1932, avant de stagner pendant plus de trente ans. Du milieu des années 1960 jusqu'au milieu des années 1970, le taux de féminisation croît de 10% et atteint ce que l'on croit être un taux record : 76%. On reste à ce niveau pendant une quinzaine d'années (de 1975 à 1990), puis le taux de féminisation reprend son ascension pour arriver à 82% actuellement dans le primaire public (87,2% à la session 2012 des concours externes).
Cela n'aurait sans doute pas particulièrement préoccupé Jules Ferry qui a déclaré lors du congrès pédagogique des instituteurs et institutrices de France du 14 avril 1881 : « Messieurs, je suis profondément convaincu de la supériorité de la femme en matière d'enseignement ; cette supériorité se démontrera plus clairement de jour en jour. Il y a certes des pères qui sont capables de montrer la tendresse et le dévouement d'une mère ; il a certes des pédagogues qui peuvent avoir, et les grands pédagogues ont tous en eux quelque chose de maternel. Mais enfin, la loi générale, c'est que le sentiment maternel est le plus profond ressort de l'éducation, c'est que la mère qui se fait enseignante apporte à l'éducation les conseils et les révélations de sa propre et précieuse expérience ; c'est que l'institutrice qui reste fille trouve dans l'éducation des enfants d'autrui la satisfaction de ce sentiment maternel, de ce grand instinct de sacrifice que toute femme porte en elle et que la nature a gravé profondément dans vos cœurs, mesdames ».
Il ne faudrait cependant pas croire que cette position emportait l'adhésion de tout le monde; loin s'en faut si l'on en juge (entre autres) par cette forte préoccupation exprimée par l'un des trois délégués français au congrès international de 1889 chargé de débattre de « la part qu'il convient de faire aux femmes dans l'enseignement, comme institutrices ou directrices d'établissement » : « La femme dans une école mixte donne à tous les élèves- garçons ou filles- sans distinction une éducation qui convient exclusivement à la femme. Elle ne prépare pas les garçons à leur destination de soldats, de citoyens, de chefs de famille. Elle ne leur donne pas l'éducation virile qui leur convient et développe chez eux, au détriment de l'énergie du caractère et de la volonté, une sensibilité exagérée et souvent la sensiblerie. Il y a grand danger que les garçons, dans des classes mixtes encadrées par des femmes, grandissent sans être des hommes ».