Libye : les rebelles disent contrôler Tripoli, sauf le complexe de Kadhafi
Des Libyens célèbrent à Tripoli
Photo : AFP / GIANLUIGI GUERCIA
Prenez note que cet article publié en 2011 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les rebelles libyens affirment avoir pris le contrôle de Tripoli, à l'exception du complexe de Bab Al-Aziziah, où se trouve le quartier général du colonel Kadhafi.
Dans la nuit de dimanche à lundi, les insurgés ont atteint la place Verte, située au centre de la capitale. Ils ont été rejoints par une foule en liesse, qui a fêté leur arrivée.
Les Tripolitains agitaient des drapeaux rouge, noir et vert, aux couleurs de la rébellion, en dansant et scandant « Allah Akbar » (Dieu est grand) tout en tirant des coups de feu en l'air. Des clameurs de joie ont retenti tard dans la nuit sur cette place qui était jusque là réservée aux rassemblements des partisans du colonel Mouammar Kadhafi.
Les insurgés ont pénétré dans la capitale libyenne dans la journée de dimanche, sans rencontrer beaucoup de résistance de la part des forces fidèles à Mouammar Kadhafi. Cette poussée des insurgés intervient après des heures d'intenses affrontements contre les forces du régime dans des secteurs à l'est, l'ouest et au sud de la capitale.
Tout au long de l'avancée des rebelles, la foule est descendue dans les rues pour les saluer. Des images diffusées dimanche soir sur les ondes de la chaîne Al-Jazira montraient une foule en liesse dans le centre Tripoli. On y voyait, entre autres, certains Tripolitains sautant à coeur joie sur des affiches du colonel Kadhafi, ou s'essuyant les pieds sur le portrait de leur dirigeant.
Des scènes similaires sont rapportées à Benghazi, fief des rebelles.
Les Tripolitains ont fêté dans la nuit la prise de contrôle de Tripoli par les rebelles.
Photo : AFP / GIANLUIGI GUERCIA
Un des chefs de la rébellion demande aux insurgés de ne pas se venger
Lundi matin, Mahmoud Jibril, l'un des principaux responsables du CNT, a appelé les combattants rebelles à s'abstenir de toute vengeance à Tripoli.
« Aujourd'hui que nous célébrons la victoire, j'en appelle à votre conscience et à votre responsabilité. Le monde nous regarde, ne vous vengez pas, ne pillez pas, ne vous en prenez pas aux étrangers et respectez les prisonniers », a déclaré l'un des chefs de la rébellion, dans une allocution officielle à la télévision rebelle Libya al-Ahrar.
Je demande à tous mes frères Libyens de prouver que nous sommes responsables en ce moment critique. Les yeux du monde vous regardent : soit vous gagnez la démocratie, soit vous choisissez la vengeance.
« Je vous mets en garde. Des poches de résistance [des forces pro-Kadhafi] sont toujours localisées dans et autour de Tripoli », a souligné Mahmoud Jibril, enjoignant les forces de sécurité à rester à leur poste, et en alerte, pour protéger les biens et les personnes. « Les pillages et les violences seraient une insulte et une honte pour notre révolution », a-t-il poursuivi.
« Vous devez être prudents. Le combat n'est pas terminé. Mais si Dieu le veut, dans quelques heures notre victoire sera complète », a prévenu celui qui exerce les fonctions de premier ministre des rebelles.
Depuis le début de leur offensive, les rebelles disent avoir tué au moins 30 soldats loyaux au colonel Kadhafi, en plus d'en avoir capturé une quarantaine. Ils ont aussi annoncé plusieurs désertions dans les rangs des forces de sécurité loyales à Kadhafi.
Citant le CNT, les chaînes de télévision arabes Al-Jazira et Al-Arabiya annoncent que la garde chargée de la sécurité du colonel Kadhafi se serait rendue.
Un fils du colonel Kadhafi, Seïf al-Islam, a été arrêté tandis qu'un autre, Mohamed, s'est rendu aux rebelles.
Les Tripolitains célébrent l'arrivée des rebelles dans la capitale libyenne.
Photo : AFP / GIANLUIGI GUERCIA
Kadhafi ouvre la porte à des négociations...
Lors d'un point presse, le porte-parole du régime a annoncé dimanche soir que le colonel Kadhafi était « prêt à négocier lui-même » avec le chef des rebelles. En contrepartie, le gouvernement demande aux insurgés de mettre fin à leur offensive sur Tripoli, a-t-il ajouté.
Moussa Ibrahim a indiqué que 1300 personnes étaient mortes ces dernières 24 heures à Tripoli, qualifiant les combats de « véritable tragédie ». Il a par ailleurs affirmé que le « régime est toujours fort et que des milliers de volontaires et de soldats sont prêts à se battre ».
Toujours à l'antenne d'Al-Arabiya, Moustapha Abdeljalil a répondu aux propos du porte-parole du régime, assurant que « les rebelles libyens sont prêts à cesser le combat si Mouammar Kadhafi accepte de quitter le pouvoir. Kadhafi et ses fils seront dans ce cas autorisés à quitter le pays », a souligné le chef de file du CNT.
... puis la referme en appelant ses partisans à prendre les armes
Malgré les déclarations du porte-parole du régime, semblant ouvrir la voie à des négociations entre Mouammar Kadhafi et les insurgés, le colonel a de nouveau appelé ses partisans à prendre les armes.
Dans un message sonore diffusé dans la nuit de dimanche à lundi par la télévision publique, le chef de l'État libyen a encouragé les Tripolitains à « sortir maintenant pour nettoyer la capitale ». « C'est une question de vie ou de mort », a-t-il insisté, répétant qu'il n'y avait « pas de place pour les agents du colonialisme à Tripoli et en Libye ».
Dans un message diffusé plus tôt, il a appelé les Libyens à se rendre dans la capitale pour combattre les rebelles. Il a affirmé qu'il ne se rendra pas et n'abandonnera pas Tripoli, ajoutant qu'il sortira « victorieux » de cette bataille décisive.
Les rebelles libyens célébrent leur victoire avec les Tripolitains.
Photo : AFP / GIANLUIGI GUERCIA
La fin du régime est proche, dit l'OTAN
L'OTAN a réagi dimanche soir au déclenchement de l'offensive des rebelles libyens à Tripoli. « Le régime de Kadhafi s'effondre clairement », a déclaré dans un communiqué le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen. « Plus tôt Kadhafi réalisera qu'il ne peut vaincre son propre peuple, mieux ce sera », a-t-il ajouté.
Partant du principe que les heures du colonel sont comptées, le secrétaire de l'OTAN affirme qu'« il est temps à présent de créer une nouvelle Libye, un État basé sur la liberté, pas sur la peur, sur la démocratie, pas sur la dictature, sur la volonté de tous, pas les caprices de quelques-uns ».
« Le peuple libyen a énormément souffert sous la direction de Kadhafi pendant plus de quatre décennies », a-t-il jugé. « Maintenant, il a la chance de réaliser un nouveau départ », a-t-il ajouté, exhortant les insurgés à ne pas chercher vengeance contre les forces loyalistes et les partisans du régime. « Ils doivent garantir que la transition se fera dans le calme et sur une base inclusive, que le pays reste uni et que l'avenir soit fondé sur la réconciliation et le respect des droits de l'Homme ».
Les pays occidentaux s'inquiètent en effet du risque de voir le pays évoluer vers une forme de partition entre l'Est contrôlé par le Conseil national de transition basé à Benghazi, et l'Ouest, du fait de rivalités entre les nombreuses tribus qui composent la Libye.
Le régime en est clairement à son stade ultime.
Un peu plus tôt, la porte-parole de l'Alliance atlantique, Oana Lungescu, avait déclaré que l'OTAN ne prenait « aucune coordination officielle sur le terrain. Toutefois, évidemment, nous suivons ce qui se passe au sol et si nous voyons des chars ou d'autres équipements sortir pour attaquer, nous tirons », a-t-elle précisé, soulignant que les alliés ont vu ces derniers jours « des gens faisant leurs bagages, trois personnes de haut rang ayant fait défection ces derniers jours, et le territoire contrôlé par Kadhafi rétrécir sous nos yeux ».
Ahmed Jibril, porte-parole du Conseil national de transition (CNT), a indiqué que l'« opération sirène », pour isoler le colonel Kadhafi, « se déroule en coordination entre le CNT et les combattants rebelles dans et autour de Tripoli ». Il a ajouté que l'OTAN « est également impliquée dans l'opération ».
Le règne de Kadhafi est terminé dit Obama
Le président des États-Unis, Barack Obama a déclaré que régime de Mouammar Kadhafi avait atteint le « point de non retour » appelé le dirigeant libyen à quitter le pouvoir.
« La façon la plus sûre de mettre un terme au bain de sang est simple : Mouammar Kadhafi et son régime doivent reconnaître que leur règne est terminé. Kadhafi doit regarder la réalité en face, il ne contrôle plus la Libye. Il doit abandonner le pouvoir une fois pour toutes », a indiqué dimanche le chef de la Maison-Blanche dans un communiqué.
« Cette nuit le mouvement contre le régime Kadhafi a atteint un point de non-retour. Tripoli se libère de la poigne du tyran », a-t-il ajouté.
Des scénarios de fin de règne
Ahmed Jibril prévoit deux scénarios : « qu'il [Kadhafi] se rende, ou qu'il s'échappe de la ville » pour trouver refuge à l'étranger ou dans une autre ville du pays. « Au cas où il exprime son souhait de quitter la Libye, nous accueillerons positivement cette proposition et nous l'accepterons », a-t-il souligné.
Plus tôt samedi, le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, qui dit avoir des contacts avec le premier cercle de Kadhafi, a affirmé que la fin du colonel Kadhafi était « très proche ». Il a dit s'attendre à « une fin catastrophique pour [Kadhafi] et les siens. Je m'attends aussi à ce qu'il crée une situation (d'anarchie) dans Tripoli. J'espère que je me trompe ».
L'ex-numéro deux du régime libyen Abdessalem Jalloud, qui a officiellement rejoint la rébellion après avoir réussi à fuir Tripoli, se trouve depuis vendredi en Italie. En disgrâce depuis les années 1990, l'ex-compagnon de route de Mouammar Kadhafi a appelé la tribu du colonel à « renier ce tyran », tout en exhortant les habitants de Tripoli à se joindre à la rébellion.
Dans une interview à la chaîne de télévision publique italienne TG3, Abdessalem Jalloud a estimé dimanche soir qu'il était trop tard pour que le colonel Kadhafi négocie son départ et que ce dernier risquait d'être tué. « Je crois qu'il reste une semaine, au maximum dix jours au régime et peut-être moins », a-t-il déclaré.
L'ancien bras droit de Kadhafi, qui avait participé au putsch du colonel en 1969, affirme que le chef de l'État libyen « n'a aucun moyen de quitter Tripoli. Toutes les routes sont bloquées. Il peut seulement partir sur la base d'un accord international et je pense que cette porte est fermée ».
La Tunisie reconnaît le CNT
Par ailleurs, la Tunisie reconnaît désormais le Conseil national de transition libyen comme représentant légitime du peuple libyen, selon l'agence de presse officielle TAP, qui cite le ministre tunisien des Affaires étrangères.
Il s'agit d'un changement important dans la politique du voisin occidental de la Libye, qui est demeuré neutre tout au long du conflit.
Des rebelles libyens à l'assaut de Tripoli
Photo : AFP / FILIPPO MONTEFORTE