Toulouse s'étend, Toulouse change. Au fil des ans, la ville s'organise aussi. Elle vient de dessiner 17 quartiers, comme d'autres ont 20 arrondissements. A force de la voir unie derrière les larmes, de joie pour les rouge et noir, de deuil pour AZF, on finirait presque par oublier que la Ville rose représente un patchwork de secteurs à l'architecture aussi hétéroclite que la population. Même si elle se donne tout entière à un maire tous les six ans, Toulouse n'est pas une et indivisible. Parce qu'on ne vit pas de la même manière aux Minimes et à Pouvourville, L'Express publie une enquête consacrée à chacun des 17 quartiers de la ville. Une radioscopie sans concession, appuyée sur une batterie de 45 indicateurs, du commerce aux transports en passant par la culture et l'environnement (lire la méthodologie).


Bien sûr, tout n'est pas quantifiable. Aucune statistique ne pourra jamais rendre compte de la beauté d'un coucher de soleil sur le canal du Midi, du charme de Saint-Sernin ou de la rue du May qui tournicote, ni? des embouteillages de la rocade au petit matin. Bien sûr, il faudrait observer plus finement encore cette ville compliquée, avec ses faubourgs (Bonnefoy, Saint-Michel, les Minimes) et ses noyaux villageois (Saint-Simon, Croix-Daurade, Saint-Martin-du-Touch), des entités qui parlent aux Toulousains mais pour lesquelles il n'existe aucune donnée disponible. Il n'empêche: cette approche par quartier suffit à apporter son lot de surprises et à laisser deviner les fractures qui traversent Toulouse.

Les surprises? Combien de Toulousains savent que le quartier 13 (Ancely, Saint-Martin-du-Touch) est le mieux équipé pour l'accueil des jeunes enfants et que le quartier 17 (le Mirail, la Reynerie, Bellefontaine) est le plus riche en services publics (ANPE, bureau de poste, commissariat, centre médico-social, mairie de quartier, etc.).

Quant aux fractures, elles sont patentes. Le quartier 1 (autour du Capitole) affiche? 10 fois plus de commerces de proximité par habitant que le quartier 17. Celui-ci compte deux tiers de logements sociaux, contre seulement 4% pour le quartier 2. Et ses habitants doivent vivre avec des revenus trois fois moins élevés que ceux du quartier 2. Phénomène classique de l'urbanisation, les équipements culturels se sont concentrés au fil du temps en centre-ville alors que les activités sportives s'épanouissaient en périphérie. Pour les transports, un clivage différent oppose les secteurs disposant d'un mode de transport en site propre, métro ou TER cadencé, et les autres. Après l'ouverture de la ligne B du métro, en 2007, seuls les quartiers 8 et 11 demeureront privés de station de métro. Pas sûr que les prix de l'immobilier continuent de grimper à la Côte-Pavée?

Après bien des interrogations, L'Express a décidé de retenir pour le découpage de la ville celui de la mairie. Il est certes contesté, mais aucun autre ne s'imposait, comme le souligne la géographe Marie-Christine Jaillet: «Le découpage cantonal est très imparfait, avec notamment une coupure en deux des Minimes, entre les quartiers 4 et 6. Mais il est certain qu'on aurait eu du mal, même entre géographes, à se mettre d'accord sur un découpage de la ville plus pertinent.»

Le c?ur du débat concerne en réalité le fonctionnement de la démocratie de proximité. Pour les élus d'opposition, qui avaient mené campagne en 2001 sur ce thème, la politique de la mairie n'est que de la poudre aux yeux. Madeleine Dupuis, présidente du groupe PS au conseil municipal, dénonce la composition des conseils consultatifs de quartier où «la mairie a choisi elle-même ses interlocuteurs, évitant les plus dérangeants. Et les réunions de ces commissions ne sont même pas publiques!». François Simon, tête de liste du PS en 2001, en rupture de ban aujourd'hui, renchérit: «Ces conseils ne sont que des courroies de transmission de la municipalité; on est dans le faire-savoir, pas dans la concertation.» Salah Amokrane, le dirigeant des Motivé-e-s, se dit d'autant plus déçu du résultat qu'il en partageait les principes: «L'idée de base était bonne, on aurait pu mettre en place une vraie caisse de résonance du tissu associatif. Sauf que les gens représentatifs ne sont pas écoutés, il suffit de voir la moyenne d'âge des conseils.»

Le maire, Jean-Luc Moudenc, balaie ces objections (lire l'entretien). Françoise de Veyrinas, première adjointe et maire des quartiers 12 et 17, s'échauffe quand on conteste la qualité des débats dans les conseils: «Prenez mon agenda, vérifiez. J'ai présidé au moins 13 réunions dans le quartier 12 depuis le début de l'année 2005. Ce n'est pas suffisant, peut-être? Et la plupart étaient ouvertes au public, j'y avais veillé personnellement.» Autre grand élu municipal, Jean Diebold, deuxième adjoint et maire du quartier 3, le plus peuplé de Toulouse, souligne qu'il a «volontairement créé quatre sous-quartiers, avec leurs propres réunions de commissions, pour aller au plus près de la population. Et, pour chaque projet, j'envoie un courrier à tous les habitants concernés».

Alors, sincère ou non, cette démocratie de proximité dans les quartiers? Pas si simple? Tous se félicitent de l'état des lieux très complet dressé alors par l'agence d'urbanisme, des brochures distribuées dans les boîtes aux lettres des Toulousains. Bon point aussi pour les nouvelles maisons ou mairies de quartier, qui ont rapproché les services municipaux du public. Pour ce qui est de la concertation, on restera plus circonspect. En gros, cela dépend des sujets et surtout des 17 maires de quartier. Certains jouent le jeu, d'autres moins. Mais, lorsqu'on interroge les responsables associatifs, ils répondent invariablement: «Vous savez, avant, la mairie ne nous demandait jamais notre avis sur ses projets.» C'est déjà un progrès.