| JAMBON, subst. masc. A. − CHARCUT. Cuisse (jambon de derrière) ou épaule (jambon de devant) comestible du porc ou parfois d'un autre animal de haut goût, préparée pour être conservée, soit crue, soit cuite. 1. [Suivi d'un compl. déterminatif désignant un animal] Jambon d'ours, de porc, de renne, de sanglier. On conserva les jambons de cabiai, en les fumant au-dessus d'un feu de bois vert, après les avoir aromatisés avec des feuilles odorantes (Verne, Île myst.,1874, p. 117). 2. [Sans compl. déterminatif désignant un animal] Jambon de porc. Un milicien apportait un magnifique jambon aux tomates, cuit à l'huile d'olive (Malraux, Espoir,1937, p. 601).Nous avons fumé un jambon. Eugénie va vous en couper quelques tranches (Giraudoux, Ondine,1939, I, 4, p. 33): 1. Aux grands dîners, dans la galerie de Diane, Louis-Philippe se faisait apporter un jambon et découpait des tranches minces comme du papier qu'il envoyait à ses hôtes favoris.
Maurois, Disraëli,1927, p. 155. ♦ Foire aux jambons. Foire de Paris, célèbre depuis le Moyen Âge, où l'on vend des spécialités de charcuterie et des produits régionaux. Un type (...) qui courait (...) la foire aux puces de Saint-Ouen et a fait ses plus belles trouvailles à la foire aux jambons du boulevard Richard-Lenoir (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 393).La foire aux jambons s'est perpétuée jusqu'à nos jours boulevard Richard-Lenoir et depuis quelques années à la Villette, associée à la brocante (Almanach de la mémoire et des coutumes 1980, Paris, Hachette, 1979). SYNT. a) Jambon + adj. Jambon braisé, cru, cuit, fumé; jambon blanc; jambon entier; jambon maigre, dégraissé, désossé; jambon haché, coupé en dés; jambon glacé; jambon persillé; un bon, un gros jambon. b) Jambon + compl. déterm. Jambon à l'os, au talon; jambon en tranches; jambon en gelée; jambon à la poêle, au naturel, aux épinards, aux œufs, au madère, sauce madère. c) Subst. + de/au jambon. Couenne, entame, tranche, lard, gras, maigre de jambon; endives, omelette, sandwich au jambon. d) Verbe + jambon. Acheter, découper, entamer, faire cuire, faire dessaler, fumer, saler, suspendre un jambon; acheter, couper, manger du jambon. 3. En partic. [Pour désigner une spécialité région. de jambon cuit ou cru] a) Jambon de + n. propre de lieu.Jambon de Bayonne (p. ell. du Bayonne), de Mayence, de Parme (p. ell. du Parme), de Westphalie; jambon des Ardennes, d'Auvergne, de Bretagne. Sur le verre noir des tables, la tache jaune des œufs brouillés, le rose tendre du jambon sucré de Virginie et les touffes fraîches du céleri cru (Morand, New-York,1930, p. 199).Les jambons de Parme et de Bayonne sont séchés, les jambons des Alpes fumés. Les jambons de Westphalie sont fumés et désossés (Les grandes recettes de la cuisine légère, Paris, Sélection du Reader's Digest, 1978, p. 487): 2. la cartomancienne :
Les demoiselles de New York
Ne cueillent que les mirabelles
Ne mangent que du jambon d'York
C'est là ce qui les rend si belles...
Apoll., Tirésias,1918, II, 7, p. 910. ♦ Jambon de Paris. Jambon cuit, peu salé et non fumé, présenté en bloc désossé qui se vend en tranches. Synon. jambon blanc, jambon de régime.Elle a même acheté l'autre jour tout un jambon d'importation américaine, d'un goût bien plus savoureux que celui du jambon de Paris (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 244). b) Jambon de campagne, de montagne, de pays. Jambon fumé ou salé à la manière paysanne. − Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir à manger chez la Lyonnaise? (...) − Rien. Des tomates, et du jambon de pays (Colette, Naiss. jour,1928, p. 57). 4. [P. réf. à la chair du jambon] Couleur (de) jambon(s), rose de jambon. Canards laqués couleur de jambons (Malraux, Conquér.,1928, p. 31).Un de ces blonds tirant sur le rouquin, qui ont une peau d'un rose de jambon, plus rose au nez, aux paupières et aux oreilles (Pourrat, Gaspard,1930, p. 36). − P. métaph. Yeux bordés, encadrés de jambon. Yeux aux paupières rouges, enflammées. Sa tignasse graisseuse et ces gros yeux chassieux, encadrés de jambon, auxquels on reconnaît un Maltais (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 33). B. − P. anal., pop. 1. Gén. au plur. Cuisse. Exposition de jambons (au soleil). La petite mâtine (...) montrait déjà à qui voulait les voir une superbe paire de jambons (France1907). 2. Arg. mus. Guitare, mandoline; violon. Racler le jambon, du jambon. Je claque des castagnoles Et chatouille le jambon (Corbière, Âm. jaunes,1873, p. 80).Un éculé chevelu vint jouer du violon en souriant de façon servile (...). Le racleur de jambon vint fourrer sa sébile sous le nez des gens (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 176). C. − Arg. milit., vx. Faire un jambon, façonner son jambon. Briser son fusil par indiscipline ou pour qu'il ne tombe pas aux mains de l'ennemi. Moi j'avais façonné mon jambon, − casser son fusil − (...) le caporal m'avait puni indûment (...) j'ai fait deux morceaux de l'arme (A. Camus, Bohèmes,1863, p. 23). REM. 1. Jambonique, adj.,rare. Qui se rapporte au jambon (d'apr. Guérin 1892). À toi, Tyran, cet os jambonique auquel pend encore un lambeau de chair (Gautier, Fracasse,1863, p. 157). 2. Jambonnard, adj. masc.,hapax. Qui rappelle le jambon. Le maréchal Mugh Bigfort, puissant par la corpulence, et jambonnard par le visage (L. Daudet, Napus,1927, p. 204). 3. Jambonnerie, subst. fém.,hapax. Charcuterie. En semaine de Pâques (...) même plus besoin de voler, toutes gens ont saigné le cochon et donnent, plutôt que de perdre la jambonnerie! (La Varende, Contes sauv.,1938, p. 11). Prononc. et Orth. : [ʒ
ɑ
̃bɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié du xiiies. « cuisse ou épaule de porc, de sanglier, etc., préparée pour être conservée » (Le Flabel d'Aloul, 856 ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 1, p. 283); 2. a) mil. xiiies. [ms.] « haut de la jambe (d'un animal) » (Renaut de Montauban, Quatre fils Aymon, ms. Oxford, Bodl. Douce 14 ds Gdf. Compl.); b) xves. « cuisse » (Gloss. Lille, 15a ds T.-L.); 3. 1852 arg. mus. « guitare » (Gautier, Émaux, p. 37). Dér. de jambe*; suff. -on1*. Le sens 3 s'explique par une analogie de forme. Fréq. abs. littér. : 341. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 214, b) 690; xxes. : a) 438, b) 633. DÉR. Jambonné, -ée, adj.,vx. Noirci (comme un jambon fumé). C'est seulement à partir de la Renaissance que la crasse s'est implantée en France. (...) cette délicieuse reine Margot avait le corps macéré de parfums mais jambonné tel qu'un fond de poêle! (Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 28).La couleur du chancre est rouge sombre, jambonnée (Nicolasds Nouv. Traité Méd., fasc. 4, 1925, p. 614).− [ʒ
ɑ
̃bɔne]. − 1reattest. 1891 (Huysmans, loc. cit.); de jambon, suff. -é. BBG. − Quem. DDL t. 16. |