| CUISINE, subst. fém. A.− Pièce, lieu destiné à la préparation des aliments (v. arrière-cuisine). Dans le jardin, au pied du mur brodé de joubarbes, des foyers fument : la cuisine de toutes les escouades. Ici de la soupe, là du rata (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 74).Cherche à Paris (...) 2 p. cuisine, salle d'eau, WC (Le Monde, 25 mars 1976, p. 26, 7ecol.) : 1. ... une cuisine où il n'y a que la cuisinière noire, l'évier, les casseroles très propres dont on ne se sert pas, par terre un linoléum délavé (...) une table avec la toile cirée écaillée, usée, des chaises paillées, un placard qui sert de buffet et sur la cheminée, une série de pots en porcelaine, fleuris, avec dessus : poivre, sel, thé, farine...
Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 292. SYNT. Cuisine équipée; cuisine blanchie à la chaux, dallée, enfumée; cuisine de cantine; installation d'une cuisine; cuisine attenante à la salle à manger; cuisine voisinant avec les commodités. − De cuisine. Utilisé dans la cuisine ou pour faire la cuisine (sens B 1). Assiette, couteau, matériel, récipient, tablier, torchon de cuisine; buffet, carreaux, chaise, cheminée, éléments, fourneau, placard, poêle, réchaud, table de cuisine; batterie de cuisine (v. batterie ex. 10): 2. Depuis environ deux siècles, les architectes flamands se sont imaginé que rien n'était plus beau que des pièces de vaisselle et des ustensiles de cuisine élevés à des proportions gigantesques et titaniques.
Hugo, Le Rhin,1842, p. 48. Rem. Dans ce type de syntagmes, il est difficile de distinguer le sens A du sens B 1 de cuisine. ♦ Au fig. De mauvaise qualité. Compte de cuisine, latin de cuisine. Il prendra un parapluie de cuisine, je ne lui en donnerai pas un nouveau en soie (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Parapluie, 1884, p. 447).Un roman absurde, écrit en français de cuisine, intitulé : Janik d'Argent (Gyp, Raté,1891, p. 135). − Loc., vieilli ♦ Fam., la cuisine est bien froide, n'est guère échauffée dans cette maison, ,,On y fait mauvaise chère`` (Ac. 1835, 1878). ♦ Pop., Se ruer en cuisine, ,, Manger beaucoup et avidement, ou Faire beaucoup de dépense en bonne chère`` (Ac. 1835, 1878). − [Au plur., dans des maisons, des établissements importants] Les cuisines d'un hôpital, d'un hospice, d'un hôtel, d'un restaurant; les cuisines du Palais. Le feu des cuisines, des cuisines royales où les marmitons préparaient le festin du soir (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 250).Le cuisinier (...) prétendait avoir servi dans les cuisines de l'empereur (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 54). − P. ext. (Cuisine) roulante. Fourneau monté sur roues, qui suit une unité en campagne, et qui est parfois utilisé par les campeurs en plein air. Local où était installée la cuisine roulante de la ...ecompagnie du ...ebataillon (Barrès, Cahiers,t. 11, 1914-18, p. 280). B.− P. méton. 1. Préparation des aliments; art, manière d'apprêter les aliments. Faire la cuisine. Leur mère parlait de leur apprendre la cuisine afin qu'elles sussent bien ordonner un dîner (Balzac, Mais. chat,1830, p. 17): 3. La cuisine allemande ressemble assez à la cuisine anglaise par l'emploi de la farine cuite et des pâtes bouillies. Elle en diffère par l'absence presque totale des viandes rôties...
L.-E. Audot, La Cuisinière de la campagne et de la ville,1896, p. 590. SYNT. a) Cuisine bourgeoise, familiale, villageoise; cuisine chinoise, française; cuisine au beurre, à l'huile. b) Cours, livre, recette de cuisine; aide, chef, fille, garçon, servante de cuisine. ♦ Vieilli. Faire aller, faire rouler la cuisine, ,,Avoir soin de ce qui regarde la dépense ordinaire de la table, donner ordre que la table aille bien.`` (Ac. 1835-1878). Fonder la cuisine, ,,Pourvoir à ce qui regarde la subsistance, la nourriture`` (Ac. 1835-1878). ,,Dans les nouveaux établissements, il faut commencer par fonder la cuisine.`` (Ac.1835-1878). − P. anal., fam. Préparation d'un produit quelconque. Le patron descendit et se mit à faire sa cuisine dans des godets. Mais le ton cherché n'arrivait pas (J.-H. Fabre, Rom. peintre,1878, p. 142): 4. On avait eu beau donner un coup de balai, le soir, faire un bout de ménage, après la cuisine sanglante des opérations [à l'ambulance] : le sol mal essuyé gardait des traînées de sang...
Zola, La Débâcle,1892, p. 396. − Au fig., fam. Manœuvres, intrigues (généralement obscures et malhonnêtes). La cuisine louche d'une assurance; la basse cuisine de ce monde; la cuisine intellectuelle. Cuisine du savoir-faire (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 7, 1863-69, p. 373): 5. − Je ne t'ai jamais dit que je ne tenais pas à Paule.
− Tu as pitié d'elle et tu as des remords; toutes ces cuisines sentimentales, c'est tellement dégueulasse. Quand on n'a plus de plaisir à voir les gens, on laisse tomber, c'est tout.
Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 156. ♦ Spécialement [Dans un cont. pol.] Cuisine diplomatique, ministérielle, parlementaire. Je vois d'ici [de Cannes] un échantillon de la cuisine électorale (Mérimée, Lettres Viollet-le-Duc,1870, p. 91): 6. ... cela bouleversait le monde de la peinture et de la sculpture; une véritable fièvre électorale s'était déclarée, les ambitions, les coteries, les intrigues, toute la basse cuisine qui déshonore la politique.
Zola, L'Œuvre,1886, p. 293. [Dans le lang. des journalistes] Manière de présenter l'information, de l'accommoder au goût du public. Le sel de la cuisine journalistique. Il écrit quelquefois des articles courts, sur un sujet ou un autre, cuisine de journal, plutôt (Léautaud, Journal littér.,1893, p. 22).2. Plats préparés d'une certaine manière. Cuisine épicée. Un excellent déjeuner de perdreaux qui nous a consolés un instant de l'ordinaire cuisine espagnole (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 179): 7. Les volumes des œuvres complètes de Stendhal, sortis tout doucement du quai Malaquais et de la vieille boutique de France Thibaut arrivent sur notre table comme les plats d'un restaurant où le service est lent, la cuisine parfaite, les vins admirables et l'atmosphère heureuse.
Thibaudet, Réflexions sur la littérature,1936, p. 254. ♦ Vieilli. Être chargé de cuisine. ,,Être fort gras et avoir un gros ventre`` (Ac. 1835, 1878). Rem. Supra B 1 syntagmes b. 3. Personnel affecté à la préparation des plats, des repas. Il a aussitôt proposé de faire porter le dîner dans la forêt (...) les ordres ont été donnés à la cuisine de tout préparer (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1725): 8. − Lorsque t'es accouchée de ton premier [dit Victoire], c'est-il par devant ou par derrière que tu l'as fait? Toutes les cuisines se tordirent, dans un accès de gaieté canaille...
Zola, Pot-Bouille,1882, p. 268. Prononc. et Orth. : [kɥizin]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1155 « préparation des aliments », « art de les apprêter » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 10468); 2. ca 1170 « pièce où l'on prépare les aliments » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 488); 3. ca 1170 « mets cuisinés » ([Chrétien de Troyes], G. D'Angleterre, 451 ds T.-L.); 4. p. ext. 1740 « personnel qui travaille à la cuisine » (Ac.); 5. av. 1778 « manière de préparer la matière, en littérature, manœuvres politiques » (Voltaire ds Lar. 19e). Du b. lat. cocina, altération de coquina « cuisine, art culinaire ». Fréq. abs. littér. : 4 280. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 317, b) 6 890; xxes. : a) 8 721, b) 7 287. DÉR. Cuisinette, subst. fém.Petite cuisine (cf. Mathiot, Éduc. mén., 1957, p. 72). Cour. (en Suisse). À louer meublé 3 pièces et cuisinette (Tribune de Genève,29 juin 1971).− 1reattest. 1936 (M. Dekobra, Mimi Broadway. Les Mousquetaires d'Ellis Island, 154 ds Quem. Fichier); de cuisine, suff. -ette* (déjà attesté au xiiies. ds T.-L. au sens de « nourriture cuite »). BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 322. − Hasselrot 1957, p. 202 (s.v. cuisinette). − Lew. 1960, p. 52. − Lumbroso (G.). Latin de cuisine. In : Rendiconti della R. Acad. naz. dei Lincei. 1924, pp. 183-185. − Rog. 1965, p. 80. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 89. − Termes techn. sous le premier Empire. Vie Lang. 1969, p. 371. |