Le suppléant de parlementaire : personne non-identifiée

suppléant

Cet article a été initialement écrit et publié le jeudi 28 janvier 2016 à 17:05.

Le suppléant de député ou de sénateur est une sorte de curiosité institutionnelle tant la littérature le concernant est parcellaire.  

Le suppléant n’est pas un parlementaire à part entière, il n’est qu’un remplaçant au député qui a été élu et qui se retrouverait dans une position l’empêchant d’exercer son mandat de parlementaire. La Constitution de la Ve République, en son article 23, pose le principe de l’incompatibilité de l’exercice exécutif d’avec le pouvoir législatif, ce qui n’est finalement qu’une application du principe de la séparation des pouvoirs. Mais il ne fallait pas non plus l’accession à la fonction gouvernementale laisse une circonscription sans représentation parlementaire. Ainsi, par deux ordonnances, le remplacement d’un parlementaire a été organisé et l’élection d’un binôme de députés a été mise en place.

Mais que fait le suppléant ? Quels sont ses droits et ses devoirs ? C’est toute l’ambiguïté de son statut précaire : il n’y a pas – contrairement au député et au sénateur – un texte précis qui régirait la fonction de suppléant.

Bien sûr, aujourd’hui, l’article LO 176 du code électoral consacre son existence, mais quasiment par ricochet, car il énumère les cas où il y a remplacement. En l’espèce, un député ou un sénateur peut être remplacé par son suppléant :

  • En cas de décès en cours d’exercice du mandat ;
  • En cas de nomination à une fonction gouvernementale ;
  • En cas de nomination à une mission temporaire dont la durée excède six mois ;
  • En cas de nomination au Conseil Constitutionnel ;
  • En cas de nomination au Défenseur des Droits ;
  • Depuis la loi organique n°2014-125, à compter des élections législatives de 2017, le député démissionnaire peut être remplacé par son suppléant, si la démission intervient pour cause de cumul de mandats.

Si le député démissionne, son suppléant est « démissionné » en même temps. Ainsi, ni Xavier Bertrand, ni Valérie Pécresse ni Gérald Darmanin n’ont cédé la place à leurs suppléants même si existe de fortes présomptions que celui qui fut le suppléant de madame Pécresse se présente dans sa circonscription. En cas de démission, il y a législative partielle, c’est-à-dire une élection législative uniquement dans la circonscription où il n’y aurait plus de député, sauf si l’absence de député intervient dans les douze mois qui précèdent l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée Nationale. C'est pour cela que le siège de Benjamin Griveaux va rester vacant jusqu'aux prochaines élections législatives de 2022. 

De même, si une élection est invalidée par le Conseil Constitutionnel, le député est déchu de son mandat, de même que son suppléant.

Les règles sont quelque peu différentes pour les sénateurs, selon le mode de scrutin.

Dans la pratique, tout va dépendre du rapport que le parlementaire et son suppléant vont entretenir : certains vont être embauchés comme collaborateurs parlementaires des premiers, ce qui leur permet d’avoir une assise locale et une connaissance des dossiers, d’autres vont simplement représenter le parlementaire lors de cérémonies et d’autres encore ne vont rien faire. En effet, il n’y a pas de textes précis, libre à chacun de s’organiser comme il le souhaite. Néanmoins, il ne perçoit aucune indemnité parlementaire, ni participe pas aux scrutins ni ne peut prétendre aux droits du parlementaire puisqu’il n’est pas parlementaire et n’a évidemment pas les mêmes devoirs. Ainsi, il n’est pas concerné par le code de déontologie des parlementaires.

Mais il existe deux cas où il n’y a ni remplacement par un suppléant ni élection partielle : la maladie et la maternité.

Si un parlementaire est malade – nous parlons de maladie grave – rien n’est prévu. Il peut démissionner de lui-même, ce qui entraînera une élection partielle ou rester. Mais il n’y a pas de texte prévoyant qu’en cas de maladie grave, son suppléant puisse officiellement exercer les fonctions du premier. Même chose pour la maternité. Les députés et sénatrices enceintes en cours de mandat sont tout simplement absentes, ce qui assez curieux, car les Pays-Bas – notamment – ont organisé la suppléance de fonctions parlementaires en cas de congés maternité.

Il serait intéressant de réfléchir à un véritable statut du suppléant, qui organiserait ses droits, ses devoirs et qui moderniserait les conditions de suppléance, notamment pour prendre en compte la question des congés parentaux – les hommes aussi sont concernés – et celle de la maladie.  

Mise à jour du 12 mai 2021 ci-dessous.


Voici un récapitulatif des cas qui se sont présentés sous la XVe législature :

  • Le député devient maire → Le suppléant prend le siège | Sauf si le suppléant refuse de siéger, auquel cas élections législatives partielles, dans un délai de trois mois ⇒ Ludovic Pajot;
  • Le député voit sa mission temporaire prolongée au-delà de six mois → Le suppléant prend le siège | Sauf si le suppléant refuse de siéger, auquel cas élections législatives partielles, dans un délai de trois mois ⇒ Brune Poirson;
  • Le député décède → Le suppléant prend le siège | Sauf si le suppléant refuse de siéger, auquel cas élections législatives partielles, dans un délai de trois mois ⇒ Marielle de Sarnez;
  • Le député devient sénateur → Le suppléant prend le siège | Sauf si le suppléant refuse de siéger, auquel cas élections législatives partielles, dans un délai de trois mois ⇒ Valérie Boyer;
  • Le député prend la tête d'une institution →  Élections législatives partielles dans un délai de trois mois ⇒ Maurice Leroy;
  • Le député membre du Gouvernement →  Le suppléant prend le siège | Sauf si le suppléant refuse de siéger, auquel cas élections législatives partielles, dans un délai de trois mois ⇒ Joël Giraud;
  • Le député devient député européen → Le suppléant prend le siège | Sauf si le suppléant refuse de siéger, auquel cas élections législatives partielles, dans un délai de trois mois ⇒ Gilbert Collard;
  • Le député voit son élection annulée par le Conseil Constitutionnel → Élections législatives partielles dans un délai de trois mois ⇒ Isabelle Muller-Quoy;
  • Le député démissionne pour raisons personnelles → Élections législatives partielles dans un délai de trois mois | Sauf si la démission intervient moins de douze mois avant l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ⇒ Benjamin Griveaux;
  • Le député devient inéligible → Élections législatives partielles dans un délai de trois mois ⇒ Thierry Robert

Ainsi qu'une infographie :

Infographie suppléance et partielles

Infographie suppléance et partielles


Mise à jour du 16 septembre 2021 à 14 h 35 : Brice Lacourieux a procédé à un résumé de certaines situations complexes dans cet article.

Commentaires

Pour quand cette proposition du statut du suppléant

Effectivement, il existe un gouffre entre le candidat député et son suppléant. Celui-ci est très souvent élu grâce au suppléant surtout lorsque le député n’est pas de la circonscription. Le député a un rôle national et local. Il lui est souvent difficile de mener à bien les 2. Il serait cohérent de reconnaître le suppléant comme représentant local tandis que le député pourrait se consacrer à son rôle de parlementaire en priorité. Il me semble qu’en cette période de réforme, il serait important de reconnaitre un statut local au suppléant. Dans le cas où il serait AP la reconnaissance serait de fait mais ceci n’empeche pas la créaction d’ un statut.
Seul problème, on parle de réduction du nombre de députés. Comment serait reçue cette mesure de création de nouveaux postes ?

Bonne question. A ma connaissance, le statut du suppléant n'est toujours pas à l'ordre du jour, malheureusement.

UN suppléant peut-il démissionner? Que se passe-t-il si il déménage ou décède? Si il a un point de vue divergent avec son député? Le député peut-il désigner un nouveau suppléant? Si le député n'a plu de suppléant et qu'il est appelé à d'autres fonctions que se passe-t-il?

Bonjour, techniquement, non il ne peut pas démissionner et rares sont les suppléants qui ont des avis divergeants du député élus. Par contre, le député ne peut pas désigner de nouveau suppléant et si le député n'a plus de suppléant, comme cela est le cas pour certains députés actuels, car leurs suppléants sont devenus sénateurs, le siège reste vacant et on organise une nouvelle élection.

un suppleant senateur a t il droit d etre Maire d un village

Bonjour,

s'il n'est que suppléant, donc non pas sénateur ou député, il peut tout à fait être un exécutif local. Il faut bien comprendre que le suppléant n'est actionné que lorsque le député ou le sénateur n'est plus en situation d'être en parlementaire.

Par contre, si un suppléant est maire, qu'il devient parlementaire de plein droit, il a alors 30 jours pour choisir. Après expiration de ces 30 jours, il n'aura plus qu'un seul mandat.

Si un député suppléant (de droite) ne peux démissionner, en revanche peut-il ou peut-elle se présenter sur une liste aux municipales dite de Gauche

Bonjour,

oui, sans difficulté.

Bonjour. Et si, lors des prochaines municipales, le député et le suppléant sont tous les deux élus maires, et qu'ils choisissent de rester maires ? On organise une législative partielle ?
Merci !

Bonjour,

en effet, législatives partielles et je ne sais pas pourquoi mais je sens qu'à l'issue des municipales 2019, on va avoir beaucoup de nouvelles têtes.

Merci ! On peut noter que lors du passage de la loi sur le non-cumul, le statut de suppléant aurait mérité quelques éclaircissements…

Le suppléant d’un senateur peut-il se présenter à une élection senatoriale dans le meme departement avant la fin du mandat du titulaire ?

Bonjour, 

ça dépend apparemment. Voir ici

Député et remplaçant de sexe obligatoirement opposé ? Le cas est soulevé à l'île de la Réunion.

Bonjour, oui, parité oblige. Sinon, le parti est financièrement sanctionné.