iBet uBet web content aggregator. Adding the entire web to your favor.
iBet uBet web content aggregator. Adding the entire web to your favor.



Link to original content: http://journals.openedition.org/monderusse/8453
Les organes du contrôle d’État et les journaux dans l’URSS de Stalin : des auxiliaires de la police politique ?
Navigation – Plan du site

AccueilNuméros42/2-4Surveillance, information et rése...Les organes du contrôle d’État et...

Surveillance, information et réseaux d'indicateurs

Les organes du contrôle d’État et les journaux dans l’URSS de Stalin : des auxiliaires de la police politique ?

François-Xavier Nérard
p. 263-278

Résumés

Résumé
Dès 1928, le pouvoir stalinien banalise la pratique de la dénonciation : il la rend visible, quotidienne, « normale ». Cet article veut montrer comment les « signaux » deviennent un phénomène de masse en URSS. Les différentes campagnes menées, le discours tenu tendent à estomper les frontières morales : il n’y a plus de honte à dénoncer. Le système de recueil des dénonciations reflète également cette politique : le pôle secret (la police politique) est doublé d’un pôle public vaste et amplement « médiatisé ». Il s’agit de permettre à ceux que la dénonciation aux « organes » rebute de sauter quand même le pas. Pour autant, ce deuxième pôle n’est pas un simple supplétif de la police politique. Certes, certaines lettres sont systématiquement transmises à la GPU ou au NKVD (les lettres anonymes et celles qui mettent en cause les collaborateurs de ces organismes). D’autres le sont de façon beaucoup plus aléatoire sans qu’il soit possible de dégager de véritable logique. Parfois la police politique participe aux enquêtes du parti ou de l’Inspection ouvrière et paysanne : elle fournit le plus souvent des renseignements précieux sur l’origine sociale des individus. Elle intervient également en fin d’enquête comme organe de répression. Si la collaboration est réelle, les deux pôles travaillent cependant plus en parallèle qu’en synergie. Il ne s’agit donc pas d’un système uniquement tourné vers la répression politique.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Sur la notion de dénonciation au sens large du terme, on consultera utilement Luc Boltanski et al., (...)
  • 2 Cette étude est basée sur un corpus de près de 500 lettres de dénonciation (signaux) recueillies da (...)
  • 3 Ce système est mis en place dans les années 20 : l’Inspection ouvrière et paysanne est créée en 192 (...)
  • 4 Une étude récente du système de la justice est due à Peter H. Solomon, Soviet criminal justice unde (...)
  • 5 RKI ou Rabkrin - Raboče-Krest´janskaja Inspekcija : Inspection ouvrière et paysanne, ministère (nar (...)
  • 6 L’existence d’interfaces entre la population et les instances de répression n’est pas originale : J (...)

1La dénonciation1 dans l’URSS des années 1930 n’est pas un phénomène caché2. Bien au contraire, le pouvoir lui assure une visibilité importante. Les Soviétiques y sont confrontés quotidiennement : dans les journaux, à la radio, dans les réunions publiques... Il existe un réseau relativement vaste de capteurs de la dénonciation3 : ce réseau s’organise autour d’un pôle secret (la police politique) et d’un pôle public aux diverses ramifications. Comme dans la plupart des États modernes, on peut porter plainte -- une des modalités de la dénonciation -- auprès d’un tribunal4. Mais ce qui frappe surtout, c’est l’ampleur prise par d’autres capteurs de la dénonciation : le parti, les secrétariats de personnalités, les médias et les organes du contrôle d’État (Goskontrol´, RKI, CKK, KSK, KPK5). Leur nombre et la propagande que le pouvoir organise en faveur de la dénonciation constituent une réelle spécificité du régime bolchevik6. Pourquoi le pouvoir assure-t-il une telle place à cette pratique et la sort-il du secret qui est le plus souvent son lot ? Parmi ces capteurs, certains, comme les journaux, ne servent que de boîtes de réception, d’autres sont dotés de pouvoirs répressifs (OGPU/NKVD, CKK/RKI, parti, etc.) Pourquoi une telle architecture ? Quel est le fonctionnement interne de ce système complexe ? Quels sont les rapports entre les organes de sécurité et le pôle public de la dénonciation ? Quel est le rôle de la police politique dans la gestion de la dénonciation ? Comment la population, en permanence sollicitée, répond-elle à ces multiples appels à dénoncer (signalizirovat´) ?

I. Le système de recueil de la dénonciation

1. Promouvoir la dénonciation

  • 7 Formé sur l’ancien français, ce néologisme nous permet de désigner l’ensemble des auteurs des signa (...)

2Le pouvoir, avide de renseignements et de collaboration, multiplie pendant les années 30 les appels à la dénonciation ; mais ces derniers sont souvent très flous quant au destinataire des « signaux ». L’historien peine aujourd’hui à trouver une homogénéité dans les instructions du pouvoir : il n’y a pas, à notre connaissance, de texte canonique qui indiquerait, en fonction du sujet de la dénonciation, l’organisme auquel elle doit être adressée. Plutôt que d’aiguiller les dénonceurs7, on préfère des phrases très générales qui insistent surtout sur la transmission de l’information. Cette attitude est bien résumée par une formule du président de la Commission de contrôle soviétique (KSK), Nikolaj Antipov :

  • 8 GARF, f. 7511, op. 1, d. 193, l. 115.

« Tout citoyen d’Union soviétique, s’il voit ou s’il estime quelque chose d’irrégulier, peut écrire à qui il veut, au président du Conseil des commissaires du peuple, ou au Comité central de notre parti, ou au Comité central des syndicats, bref où il veut. [...]. »8

  • 9 Voir en particulier l’organe du mouvement des correspondants ouvriers et paysans, le Raboče-krest´j (...)
  • 10 À l’occasion de laquelle Stalin publie un article « O značenii i zadačah Bjuro žalob » (Du sens et (...)
  • 11 I. Ingulov, Bol´ševistskaja samokritika - osnova partijnogo dejstvija (L’autocritique bolchevique e (...)
  • 12 Certains aspects de ces campagnes sont traités par Nicolas Werth, « L’appel au petit peuple selon S (...)

3La liste serait longue de ces campagnes où la participation des masses passe par la dénonciation : autocritique9 (1928), mise à jour des listes de lišency lors des élections aux soviets de 1930, « semaine des bureaux des plaintes »10 en 1932, attaques de Stalin contre les bureaucrates à la tribune du XVIIe congrès, relance du mot samokritika en 193711, appels à la vigilance lors des purges du parti12.

  • 13 Povol´žskaja pravda, 29 janvier 1930, p. 1.

4Leur objet varie, mais le message reste le même. Il faut signaler au pouvoir toutes les irrégularités constatées. C’est l’acte même d’information du pouvoir qui importe. L’aspect concret de la démarche (« où faut-il adresser les signaux ? ») passe le plus souvent au second plan. Ainsi, l’appel du Comité central, texte fondateur de la campagne de la samokritika (autocritique) publié par la Pravda le 3 juin 1928 désigne bien les maux à dénoncer (alcoolisme, bureaucratisme...), il n’oublie pas de préciser que la samokritika doit viser des personnes concrètes mais ne dit pas réellement où doit s’exercer cette critique (même si certaines instances, notamment la RKI, sont évoquées). De même, lorsque l’organe du Comité régional (krajkom) du parti de la région de Saratov13 incite ses lecteurs à « comptabiliser et [à] démasquer les étrangers », il ne mentionne que les « bureaux d’archives et les autres administrations des organes ».

  • 14 Pravda, 18 juillet 1937.
  • 15 Certains profitent de l’aubaine sans aucun doute car nombreux sont ceux qui écrivent au NKVD à ce m (...)
  • 16 Pravda, 18 juillet 1937.

5Il serait exagéré de dire que, dans ce concert d’appels à dénoncer, les « organes » ont une place privilégiée. Il n’y a certes pas besoin de leur faire une publicité excessive, leur notoriété est suffisante : signaler des personnes déviantes à la police politique, c’est signaler « là où il faut » (kuda sleduet) ! De temps à autre, le pouvoir rappelle à son devoir le bon citoyen, mais c’est à l’époque de la « Grande Terreur » que la dénonciation auprès du NKVD bénéficie de la visibilité la plus grande. En juillet 1937, Nikolaj Ežov est décoré de l’ordre de Lenin14, en décembre le pays fête le vingtième anniversaire, très médiatisé, des organes. Les journaux regorgent alors d’appels à collaborer avec le NKVD15. Pour célébrer Ežov, la Pravda soutient que « [...] le NKVD dispose déjà de millions d’yeux, de millions d’oreilles, de millions de mains de travailleurs [...] et en disposera d’autres encore. »16 Mikojan affirme : « Chez nous, chaque travailleur est un collaborateur du NKVD. » C’est aussi cette année-là, et pas avant, que, dans le courrier conservé dans les archives, les correspondants se vantent d’avoir à un moment ou à un autre dénoncé des gens au NKVD ou à la GPU. Toutefois, pour obtenir des renseignements, le pouvoir doit franchir un obstacle de taille, à savoir celui de la réticence à dénoncer à la police politique.

6En effet, dénoncer à la GPU ou au NKVD reste dans les années 30 un acte difficile à accomplir. Une forte pression sociale continue à s’exercer autour de cette pratique moralement condamnée. Nombreux sont ceux qui renâclent à la coopération avec les « organes ». Le sentiment de franchir une ligne est net dans le cas de ce père rapportant les hésitations de son fils :

  • 17 RGASPI, f. 610, op. 1, d. 223, l. 15.

« S. me conseilla de déclarer (zajavit´) à l’OGPU. Mihail ne voulait pas, mais j’ai insisté. J’ai estimé qu’il fallait révéler cette affaire, même s’ils devaient le tuer. J’ai pensé qu’un citoyen honnête était obligé de déclarer les saloperies qui se trament, même si la mort menace [...]. Nous avons déclaré à l’OGPU. Là, Mihail a encore demandé qu’on ne dévoile pas le nom du déclarant. »17

  • 18 GARF, f. 374, op. 28, d. 2995, l. 12 v°. Voir également la même méthode de discréditation : GARF, f (...)

7De plus, au début des années 30, cet opprobre tend à contaminer tout acte de transmission d’information. « Signaler » au pouvoir demeure synonyme de « dénoncer aux organes ». Ainsi, un dénonceur des malversations commises dans son entreprise est rejeté par ses collègues après que ses victimes ont fait courir le bruit qu’il les avait dénoncées à la GPU. Il s’en défend et affirme n’avoir écrit qu’au krajkom et à la RKI18. Le pouvoir tente de répondre à ces hésitations en offrant l’impunité aux dénonceurs et en faisant de la dénonciation un acte ordinaire.

2. Favoriser la pratique de la dénonciation

8La peur des représailles étant vivace, l’anonymat des dénonceurs est garanti. De plus, l’État s’engage à les protéger s’ils sont victimes de sanctions à la suite de leur démarche. Dans un opuscule consacré à promouvoir l’envoi de correspondances aux journaux, on insiste sur cette protection de l’informateur trois fois en 23 pages !

  • 19 Kak i o čem pisat’ v gazetu ? (De quelle façon et à quel propos écrire au journal ?), Moscou, Izdan (...)

« Sache que la rédaction gardera ton nom secret et ne le révélera à personne sauf aux organes judiciaires. Si l’on te persécute à cause de tes entrefilets (zametki), la protection de tous les organes du parti et de l’État ainsi que de la presse t’est assurée. Les lois soviétiques punissent ceux qui persécutent les collaborateurs des journaux. »19

9Plus loin on rappelle la décision de la Cour suprême de la RSFSR (31-1-1925) qui assimile le dévoilement des noms des dénonceurs à une violation du secret de l’instruction. Cette promesse de protection revient comme un leitmotiv dans toute la littérature et correspond à une véritable demande. S’il y a peu de lettres anonymes parmi les signaux, nombreux sont les dénonceurs qui réclament avec insistance la non-divulgation de leur identité.

  • 20 RGASPI, f. 613, op. 3, d. 36, l. 2 v°.

« Ensuite je demande à tous les organes d’enquête de ne transmettre à personne mon adresse et mon nom de famille même à ceux que j’ai cités ici [...] et j’espère également que nul ne saura que j’ai écrit cette déclaration et que mes nerfs fragiles n’en souffriront pas. »20

10Dans les faits, l’anonymat du dénonceur est souvent conservé, mais les exceptions sont nombreuses. La protection de l’informateur n’est pas un moyen suffisant pour convaincre les citoyens de franchir la ligne. Pour achever de persuader les réticents à la dénonciation, le pouvoir en banalise la pratique.

  • 21 I. I. ·itc, Dnevnik « velikogo pereloma », mart 1928 - avgust 1931 (Journal du « Grand Tournant », (...)

11Ce phénomène est en effet attesté par de nombreux témoignages. Ainsi, un intellectuel moscovite, Ivan Ivanovič ·itc, dans des notes rédigées lors des quatre premières années de la « révolution stalinienne », souligne bien la visibilité que le pouvoir donnait aux dénonciations21. Il rapporte souvent, tout au long de son journal, et en particulier en 1929 et 1930, des cas de dénonciations. Dans ses notes du 12 juin 1929, il insiste sur le caractère massif et visible du phénomène :

  • 22 Ibid., p. 123.

« Des dénonciations et des dénonciations sans fin. De tous sur tous. Orales et même publiées. Ils jugent nécessaire de trouver de la place dans les journaux pour des faits importants comme celui-ci : un étudiant, non seulement “continue d’avoir des relations” avec sa famille, mais mange à “la même table” que son père, “pope” (cf. Večernjaja gazeta, le 4 juin). Des nouvelles comme celle-là, il y en a quotidiennement autant qu’on veut. »22

12Or, sans accès aux dossiers de l’OGPU ou des autres organisations, il n’a d’autre source pour estimer l’ampleur du phénomène que la publicité que lui donne le pouvoir. Cette présence importante de la dénonciation dans la société soviétique est fondamentale : le pouvoir soviétique cherche à affaiblir l’interdit moral qui pèse sur la dénonciation.

  • 23 Dans neuf des douze cas de dénonciation évoqués par ·itc dans son journal, il s’agit d’exemples rel (...)

13Comme le note bien ·itc23, la presse soviétique joue un rôle clef. Non pas tant par la publication de lettres de dénonciation stricto sensu que par la tonalité des matériaux publiés. On y multiplie les exemples, les attaques ad hominem. Ainsi, pendant le mois de janvier 1930, plus d’un numéro sur deux (13 sur 24) de l’organe du krajkom de Saratov, la Povol´žskaja pravda, contient des matériaux dénonciateurs (19 articles au total). Il s’agit de textes variés : reproduction de lettres de lecteurs, textes officiels faisant ou bien allusion à la pratique de la dénonciation ou bien l’encourageant, articles de journalistes dénonçant soit une pratique soit des personnes. Ces différents types de textes sont le quotidien de la presse soviétique : en juillet 1937, seuls sept numéros de la Pravda en sont exempts. Les 23 autres rassemblent 56 articles de ce genre, soit de deux à trois par numéro.

14La dénonciation s’opère également lors des réunions publiques ou des réunions du parti. C’est bien sûr au cours des sessions de purge (au sens large du terme) que les appels à la dénonciation et les passages à l’acte lors des prenija (débats) rendent le phénomène très apparent. ·itc le note en juillet 1929 au sujet des « réélections » dans « l’enseignement supérieur » :

  • 24 Ibid., pp. 128-129.

« Les dénonciations [...] sont encouragées par tous les moyens, jusqu’à l’affichage dans des lieux visibles d’annonces où l’on demande de signaler (signalizirovat´), même sans signature, des informations sur l’activité des professeurs. »24

15Cette pratique est également attestée lors de la purge de l’Académie des sciences en 1929.

  • 25 GARF, f. 374, op. 28, d. 3063, l. 664.

« Nous espérons recevoir de nombreuses déclarations (zajavlenija) écrites, au sujet du travail de l’Académie. Pour cela nous mettrons en place des boîtes spéciales, scellées, que personne ne pourra ouvrir sauf les membres de la commission. On acceptera aussi les déclarations anonymes, dans lesquelles de nombreux faits seront mentionnés. Ces faits, nous les vérifierons et, s’ils sont avérés, nous les porterons pour examen devant l’assemblée générale des collaborateurs. [...] Si les collaborateurs le souhaitent, nous ne donnerons pas leur nom même si, je le répète, chacun se trouvera sous notre protection. »25

  • 26 C’est le cas, en particulier, lors des réunions des militants du VLKSM (Vsesojuznyj Lenin-skij Komm (...)

16Ce système d’appel à la dénonciation perdure tout au long des années 30 et en particulier en 1937 26.

  • 27 Zametki v stennoj gazete : rabočij material dlja seminarov redaktorov stennyh gazet (Entrefilets da (...)

17Les journaux muraux (stengazety), fabriqués sur les lieux de travail, représentent le dernier moyen par lequel les Soviétiques sont en contact régulier et proche avec la dénonciation. Composés de courts articles pas toujours signés, certains « entrefilets accusateurs » (razoblačitel´nye zametki) peuvent être extrêmement violents. On insiste en effet pour qu’ils soient concrets. Ainsi, une sorte de mode d’emploi, publié par la Gor´kovskaja kommuna en janvier 1937, indique que ces textes doivent préciser « qui est le porteur concret du mal », « un entrefilet dans lequel il n’y a pas de critique concrète ne sert à rien »27.

  • 28 Pour des remarques plus précises quant au choix du vocabulaire, voir F.-X. Nérard, art. cit., pp. 1 (...)

18La dénonciation publique exclut, par définition, la police secrète qui travaille à l’abri des regards. Mais la multiplication des cas de dénonciation hors du système de la police politique et, surtout, leur visibilité, produit une accoutumance. On s’habitue à cet acte qui n’est plus systématiquement associé à la police politique. Renseigner le pouvoir devient une chose normale. La banalisation de la dénonciation est renforcée par le choix du vocabulaire28. Le mot russe habituel pour signifier dénonciation (donos) est rayé du vocabulaire pour faire place à une série de mots plus ou moins interchangeables (žaloba, zajavlenie, zametka : plainte, déclaration, remarque ou entrefilet) et surtout à celui de signal. Le mot donos, et la condamnation morale qu’il induit, restent associés au passé, au tsarisme. Il n’y a pas de donos dans la Russie soviétique.

3. La participation de la population

  • 29 Sur les lettres au pouvoir, on consultera : Sheila Fitzpatrick, « Supplicants and citizens : Public (...)
  • 30 Le secrétariat de Molotov par exemple reçoit toute sorte de courrier : une partie importante est co (...)

19Cette politique pour obtenir de la population des renseignements rencontre un certain succès. La dénonciation, tous capteurs confondus, est très répandue en URSS dans les années 30. On ne dispose bien sûr que de peu de chiffres (aucun pour les services OGPU/NKVD) cependant, chaque jour, ce sont des centaines de milliers de lettres qui parviennent au pouvoir : Kalinin en reçoit près de 160 000 par an entre 1929 et 1934, le journal du parti pour la région de Gorki en reçoit 12 000 en 1934, le Bureau central des plaintes 32 000 en 1932... Si toutes les lettres29 ne sont pas des « signaux », les dénonciations représentent néanmoins une proportion importante du total (entre une lettre sur 5 et une lettre sur 3 selon les fonds et selon les périodes)30.

  • 31 Dans notre corpus, les exemples -- une quinzaine -- d’auteurs qui signalent s’être déjà adressés à (...)
  • 32 GARF, f. 5446, op. 82, d. 56, l. 163.

20Les Soviétiques écrivent donc pour dénoncer. Le plus souvent - et ce, quelle que soit la période31 -, ils ont une approche extrêmement utilitaire du système qui est mis en place. Ils utilisent tous les capteurs. Une même lettre peut ainsi être adressée simultanément à plusieurs instances ; de même, au cours d’un conflit, différentes administrations peuvent être successivement contactées. C’est également le cas des « organes » : au début des années 30, comme le souligne avec peut-être trop d’emphase une correspondante de Molotov32, dénoncer à la GPU, c’est faire preuve d’un « courage inouï et d’audace » (neslyhannaja smelost´ i derzost´). Avec le temps, le recours à la police politique se banalise : ce n’est plus que l’une des instances qu’il faut savoir utiliser à bon escient.

  • 33 GARF, f. 7511, op. 1, d. 171, ll. 6 sq.

21On perçoit bien le caractère « interchangeable » des différents capteurs dans l’exemple suivant33. En 1935, un cadre d’un trust de machines-outils de la région de Smolensk détecte des dysfonctionnements dans son organisation (gaspillage des moyens d’État, alcoolisme, corruption de l’appareil) et les dénonce au NKVD de la région. L’affaire est enterrée à la suite de l’enquête de la police politique. Le dénonceur éconduit s’adresse alors par deux fois à la Commission de contrôle soviétique (KSK) qui finit par envoyer un représentant sur place. Celui-ci confirme les faits dénoncés. Pour l’auteur du signal, le NKVD et la KSK sont perçus comme des instances susceptibles de traiter la même information de déviance. Les Soviétiques semblent donc bien avoir intégré la leçon : écrire aux « organes » devient pour beaucoup un acte comparable à l’envoi d’une lettre à un journal ou au dépôt d’une plainte auprès d’un tribunal.

  • 34 E. Dvinskoj, Bjuro žalob v bor’be za uluščenie apparata (Le Bureau des plaintes en lutte pour l’amé (...)
  • 35 Voir par l’exemple les dénonciations reçues par la commission chargée de la purge de la rédaction d (...)
  • 36 Leurs archives, tant au niveau central qu’au niveau local, sont soit beaucoup moins bien conservées (...)

22Il faut compléter ce tableau en insistant sur la volatilité des dénonceurs, très sensibles aux sollicitations du pouvoir. À la suite de la campagne de publicité autour des bureaux des plaintes en avril 1932, le Bureau central des plaintes à Moscou, qui avait reçu 4 000 plaintes en 1927, en reçoit plus de 32 000 en 1932 et près de 23 000 lors du premier semestre 193334. Les commissions ad hoc mises en place pour inspecter et purger les administrations concentrent les dénonciations35. En 1934, l’appareil de la Commission centrale de contrôle et de l’Inspection ouvrière et paysanne, l’une des instances fondamentales dans le traitement des dénonciations, est supprimé. Le XVIIe congrès, qui estime qu’il a « déjà joué son rôle positif », le remplace par deux institutions jumelles (KPK et KSK) moins indépendantes du Comité central. Il est difficile de déterminer les conséquences de ce changement. Certes moins puissantes, ces structures auraient dû moins attirer les dénonceurs pragmatiques. Pourtant, autant que l’on puisse en juger36, elles ont continué à jouer leur rôle de capteur.

  • 37 Voir par exemple GARF, f. 3316, op. 39, d. 94, ll. 7 sq. (déc. 1937), GARF, f. 5446, op. 82, d. 56, (...)

23Il est également indéniable que la visibilité donnée au NKVD en 1937-1938 attire les dénonciations. Des lettres qui ne lui auraient pas forcément été adressées en d’autres temps le sont sans aucun doute à ce moment-là. En 1937, plusieurs lettres de notre corpus adressées à de grands dignitaires du régime (Stalin, Molotov ou Kalinin) sont en même temps envoyées à Ežov37 alors qu’auparavant l’appel à Kalinin ou à un autre dirigeant semblait se suffire à lui-même.

24On peut bien sûr, dans cette pratique de la dénonciation, constater une relative spécificité thématique : on dénoncera les cas de bureaucratisme plutôt à un Bureau des plaintes et un complot au NKVD ou à la GPU. Au besoin, on modifiera la forme de la dénonciation en fonction du destinataire. Les lettres de dénonciation adressées aux « organes » mettent plus facilement en cause la fiabilité politique de l’accusé mais tout cela est très ténu. L’impression générale est quand même celle d’une relative homogénéisation des différents capteurs dans l’esprit des dénonceurs. À la marge, jouent un effet d’aubaine, une certaine rationalité de la dénonciation, mais globalement on peut tout dénoncer, partout. Il importe maintenant d’analyser le fonctionnement de ces structures qui recueillent les dénonciations. Comment coopèrent-elles ? Les capteurs publics sont-ils des auxiliaires de la police politique ?

II. La gestion des dénonciations

1. Le domaine réservé de la police politique

  • 38 Il faut distinguer, parmi les capteurs, ceux qui sont également des instances d’instruction (comme (...)
  • 39 Pour un rare cas de saisie d’une instance civile sur « dénonciation » par le NKVD voir Centr Hranen (...)

25Il existe sans aucun doute une collaboration entre les « organes » et les capteurs publics38. Celle-ci est néanmoins souvent unilatérale. On trouve en effet peu de « signaux » qui auraient été reçus par le NKVD et transmis à d’autres instances pour instruction39. De plus, cette collaboration est limitée : les capteurs civils de la dénonciation instruisent la grande majorité des signaux qu’ils reçoivent. Les bureaux des plaintes, les comités du parti, les représentants des organes de contrôle d’État sont autant d’instances qui traitent toutes les étapes de la dénonciation : réception, enquête, sanctions. Un certain nombre de lettres qui leur sont adressées sont pourtant systématiquement communiquées à la GPU ou au NKVD. C’est à ces dernières que nous nous intéresserons ici.

26Deux catégories de lettres sont concernées : les lettres anonymes (anonimki) et celles qui mettent en cause des collaborateurs de la police politique.

  • 40 Pour se faire une idée de ce type de littérature, on consultera le fonds du secrétariat de Stalin e (...)

27Les lettres anonymes que l’on trouve dans les archives disponibles renferment dans leur grande majorité des attaques contre le pouvoir : insultes, menaces, critiques de la politique menée40 (en particulier au moment de la collectivisation mais également au moment de la Grande Terreur). Ainsi, en 1932, Kalinin reçoit des lettres où l’on peut lire :

  • 41 GARF, f. 1235, op. 66a, d. 80, l. 78.

« Le soviet municipal de Sevsk, son conseil exécutif, sa milice, l’OGPU et aussi le conseil municipal, la milice et l’OGPU de Trubčevsk, ne sont qu’une bande de types culottés (nahaly) ! Dans ces trois districts (rajony) règne un chaos total, qui porte atteinte au pouvoir soviétique. Ils organisent des perquisitions nocturnes, des vols et puis, après les raids, des arrestations et des passages à tabac de tranquilles citoyens. » 41

  • 42 GARF, f. 374, op. 2, d. 46, l. 71.

28Ces lettres souvent très violentes sont parfois tout simplement classées (« v arhiv »), mais, le plus souvent, elles sont confiées aux organes de sécurité pour identification et répression des auteurs. De façon plus générale, les lettres trop acerbes (même si elles sont signées) sont transmises à la police politique qui apparaît comme l’instrument de la répression de la « mauvaise » critique. Ainsi, pendant la campagne de samokritika, un secrétaire d’okružkom menace un journaliste qui critique avec trop d’enthousiasme d’une formule cassante : « Les “critiquards”, on les attrape avec la GPU. »42

  • 43 C’est également vrai pendant d’autres périodes, par exemple en 1929 : GARF, f. 374, op. 28, d. 4036 (...)
  • 44 RGASPI, f. 17, op. 120, d. 318, ll. 79 sq. Lorsqu’un individu se présente à la rédaction de la Prav (...)

29Les lettres qui dénoncent l’action des organes font l’objet d’un traitement qui s’inscrit dans cette même logique de répression politique. Le responsable du secteur courrier de la Pravda explique, fin 1938, que les lettres, le plus souvent anonymes, qui dénoncent pendant la Grande Terreur l’emploi de la torture par le NKVD sont mises de côté lors d’un premier tri43. Visées par Manujlskij qui, à la direction de la Pravda, couvre le secteur lettres, elles sont transmises directement au secrétariat de Ežov et circulent le moins possible dans le but avoué de maintenir secret leur contenu. Elles sont traitées comme des « calomnies » qui visent le NKVD. Le secrétariat de Stalin n’en est même pas informé44.

  • 45 Merle Fainsod, Smolensk under the Soviet rule, Londres, MacMillan, 1959, pp. 169-171.
  • 46 Pour un échantillon de lettres reçues par le secrétariat de Kalinin en 1930 et transmises à l’OGPU (...)
  • 47 GARF, f. 374, op. 2, d. 23, l. 234.

30Comme l’a déjà noté Merle Fainsod45, les lettres de dénonciation de collaborateurs du NKVD ou de l’OGPU qui parviennent à des capteurs publics y sont systématiquement renvoyées pour instruction46. Lorsqu’un tchékiste est accusé de malversations ou soupçonné d’être d’origine sociale douteuse, la RKI confie l’enquête (qui, pour tout autre citoyen, entrerait dans ses attributions) à la police politique. Même quand le dénonceur semble utiliser la RKI pour essayer de contrer la GPU en l’accusant de bureaucratisme, la lettre est envoyée à cette dernière. C’est ce qui arrive à cet habitant de Sébastopol qui envoie une première lettre à la CKK-RKI pour y dénoncer des « défauts dans le travail et dans le mode de fonctionnement (byt´) de l’OGPU ». Sa lettre est alors transmise « pour instruction (dlja razbora dela) » à un responsable de l’OGPU. Peu de temps après, il est arrêté. Sa deuxième lettre à la RKI où il dénonce le précédent dysfonctionnement est, encore une fois, transmise à l’OGPU47!

31Tout ce qui concerne l’activité de l’OGPU ou du NKVD et leurs agents semble donc un domaine réservé, les capteurs civils de la dénonciation ne doivent pas s’en mêler. L’ensemble des capteurs agit là indéniablement dans le même but : étouffer toute contestation du pouvoir et surtout assurer la domination de la police politique. Dans ce cas, les capteurs civils, simples leurres, sont bien les auxiliaires de cette dernière.

  • 48 Voir par exemple GARF, f. 374, op. 28, d. 2994, affaire Deev. La dénonciation d’origine fut envoyée (...)
  • 49 Par exemple, une lettre reçue par la direction politique de l’armée porte l’instruction manuscrite (...)

32Les lettres transmises à la police politique ne se limitent pas aux catégories précédemment mentionnées. Il est cependant très difficile de déterminer une logique de transmission des dossiers aux « organes ». Il semble bien qu’une certaine latitude soit laissée aux administrations compétentes. D’autre part, le nombre de cas avérés de transmission définitive du dossier à la GPU ou au NKVD dans notre corpus est relativement faible (une dizaine, soit environ 2 % ). Dans ces conditions, il est très difficile de parvenir à des conclusions définitives. Il semble néanmoins que l’OGPU soit le destinataire final des signaux lorsque la dénonciation porte sur une menace de résistance ouverte contre le régime (activité contre-révolutionnaire, accusation de banditisme, etc.)48. Les lettres de délation pure (X est un ennemi du peuple), lorsqu’elles sont reçues par d’autres instances, sont, elles aussi, souvent transmises49. Pour le reste, l’intervention est plus aléatoire.

2. La participation de la police politique aux enquêtes des capteurs publics

33Lors de l’instruction de certains signaux, les différents organes d’enquête (contrôle d’État et parti) et la police politique peuvent collaborer. Cette dernière devient alors un auxiliaire précieux du parti ou de l’Inspection ouvrière et paysanne. Cette coopération s’exerce essentiellement dans le but de réunir des renseignements sur un individu et surtout sur son origine sociale. Le capteur récepteur de ce genre de signaux s’adresse souvent à l’OGPU ou au NKVD pour vérifier la véracité des accusations portées sur le passé des individus.

  • 50 GARF, f. 374, op. 28, d. 4038, ll. 61-63.
  • 51 GARF, f. 374, op. 28, d. 4037, l. 150.

34Une grande partie des documents émanant des organes que l’on trouve dans les archives des capteurs civils sont des fiches de renseignement sur l’origine sociale de tel ou tel. Parallèlement à l’instruction sur le fond de la plainte, on pouvait se renseigner sur l’origine sociale du plaignant. Le recours à l’OGPU est particulièrement fréquent lors des contestations de licenciements. À la fin des années 20, sur la base de renseignements fournis par la police politique, certains directeurs d’usine licenciaient leurs ouvriers ou leurs cadres à l’origine sociale douteuse50. Mais le motif de ce licenciement restait secret. L’intéressé, face à ce qu’il considérait (naïvement ou pas) être un acte injustifié saisissait souvent les organes de la RKI en attaquant ceux qu’il estimait responsables de sa « persécution ». Les inspecteurs de la rabkrin devaient se renseigner auprès de la GPU pour vérifier l’origine sociale du plaignant. Le secrétariat de Syrcov, président du Sovnarkom de la RSFSR, le dit explicitement en 1930. Le dénonceur est un ancien cadre d’une usine de tabac de la région de Saratov. Licencié, selon ses propres termes, « par la faute d’un élément étranger », il saisit le président du SNK dans une lettre qui mêle autodéfense et attaque contre ceux qu’il estime responsables de son licenciement et qu’il accuse d’être d’origine sociale douteuse. L’affaire concernant un licenciement, elle est transmise par le secrétariat au Bureau du travail de la province de Saratov qui répond n’avoir aucun moyen de savoir si les accusations d’appartenance à l’Armée blanche sont fondées. Excédé par cette réponse, le secrétariat dénonce dans ses conclusions « [...] le comportement formel du Bureau du travail de la province de Basse-Volga dans l’affaire du licenciement de I. et son manque d’attention inadmissible pour les données sur S., qu’il aurait dû vérifier par l’intermédiaire des organes de l’OGPU. »51

  • 52 GARF, f. 374, op. 2, d. 23, l. 98. Pour d’autres exemples, voir par exemple GARF, f. 374, op. 28, d (...)
  • 53 Rossijskij Gosudarstvennyj Arhiv Ekonomiki (RGAE), f. 396, op. 10, d. 143.

35En dehors du simple échange d’informations (facile à détecter dans les archives puisqu’il y laisse une trace écrite), on dispose également de quelques indices de cas d’enquêtes menées en commun par le contrôle d’État ou le parti et la GPU ou le NKVD. Il est difficile d’en déterminer l’ampleur et les raisons. La plainte d’une institutrice de 18 ans en poste dans un petit village de Sibérie et victime de persécutions de la part de koulaks en juin 1928 est ainsi instruite par une commission d’enquête au niveau de l’okrug composée d’un membre de la Commission de contrôle, d’un instructeur du Comité du parti et d’un collaborateur de l’OGPU de Ačinsk52. Ces institutions semblent toutefois fonctionner plus souvent en parallèle qu’en synergie. Cela peut parfois déboucher sur des situations ubuesques : l’auteur d’une lettre-article adressée à la Krest´janskaja gazeta est arrêté par le NKVD en 1937 comme élément socialement dangereux. Dans le même temps, l’enquête menée par le rajkom démontre que sa plainte est fondée et conduit au licenciement du président de l’artel´ qu’il dénonçait53 !

36En plus de cette coopération avec la police politique au cours de l’instruction, il peut y avoir collaboration après l’instruction. Dès lors le NKVD ou l’OGPU deviennent le bras répressif des organes civils.

3. La répression

37La majorité des dénonciations qui parviennent à ces organisations sont des dénonciations spontanées qui arrivent régulièrement avec des variations en fonction des campagnes du pouvoir. Dans la majorité des cas, les organes civils prennent des mesures eux-mêmes ou transmettent les dossiers pour sanction au parquet. La transmission à l’OGPU de dossiers déjà instruits reste exceptionnelle.

  • 54 GARF, f. 374, op. 28, d. 2998, l. 58.
  • 55 GARF, f. 374, op. 28, d. 4040, ll. 37-41.

38Là encore il semble qu’une certaine latitude soit laissée aux responsables et il est difficile de définir des règles précises pour la transmission de dossiers instruits. La mauvaise humeur de Rozalinda Zemljačka, responsable du Bureau des plaintes, excédée par l’insistance d’un plaignant est, par exemple, à l’origine du transfert d’un dossier au Département spécial (Osobyj otdel) de l’OGPU sous bordereau « secret ». Il s’agissait d’un plaignant pour licenciement abusif qui, après avoir été éconduit par de nombreuses instances dont le Bureau central des plaintes, se mit à harceler les collaborateurs de la RKI allant même jusqu’à les traiter de « bandits blancs ». Zemljačka estime que son « comportement est excessivement suspect et inhabituel pour un plaignant ». Elle fournit alors à l’OGPU des renseignements plus précis et lui demande de prendre des « mesures adéquates »54. Le cas est exceptionnel mais symptomatique. Dans cette autre affaire, la transmission à l’OGPU plutôt qu’à la justice est probablement dictée par la nécessité de faire un exemple rapide : à la suite de la dénonciation d’un « communiste » qui se serait approprié les biens de koulaks pendant la collectivisation dans la région de Tula, la RKI mène l’enquête et conclut à sa culpabilité. Elle transmet le dossier à l’OGPU pour « prise de mesures » car, d’après le responsable du Bureau central des plaintes signataire, l’activité de l’intéressé a un caractère « clairement contre-révolutionnaire ». Le dénoncé est arrêté55.

39Dans la plupart des cas que nous avons pu découvrir dans les archives, le transfert du dossier après instruction à la GPU ou au NKVD semble ainsi relever plus du libre arbitre que de règles bien précises.

  • 56 C’est le cas de la commission du Comité central pour la purge de la rédaction de la Pravda qui rass (...)

40Un deuxième type de dénonciations est plus exceptionnel, il est le fruit des moments de crise. Ce sont les dénonciations que provoquent les différentes purges qui rythment la vie de l’État et du parti. Ces dénonciations sont limitées dans le temps à de courtes périodes. Induites par la volonté du pouvoir, elles bénéficient d’un traitement particulier. Là encore, les instances de réception des dénonciations ne jouent pas seulement le rôle d’antichambre du NKVD. Souvent les commissions ad hoc se contentent de rassembler les dénonciations pour les utiliser en fonction de leurs besoins56. En 1937 pourtant, le lien entre les deux instances peut être extrêmement efficace. Le secrétaire du Comité du parti d’une usine de meubles de Himki, dans la banlieue de Moscou, raconte comment, lors d’une réunion de discussion sur les conséquences du premier procès de Moscou, on examina une dénonciation selon laquelle un komsomol aurait propagé des idées trotskistes. L’accusé nia tout en bloc puis petit à petit reconnut les faits :

  • 57 CHDMO, f. 1, op. 23, d. 1236, ll. 38-39. Le « trotskiste » ne sera pourtant arrêté que trois jours (...)

« Pendant la réunion, lorsqu’il fut clair qu’il fallait l’arrêter rapidement, j’ai appelé deux fois au téléphone le secrétaire du Comité du district du VKP(b), [...] je lui ai raconté le déroulement la réunion et je lui ai demandé de prendre des mesures pour l’arrestation. J’ai appelé deux fois le responsable du NKVD, le cam. A., en lui demandant d’arrêter M. [...]. »57

41Dans tous les cas, c’est la fonction répressive du NKVD ou de la GPU qui est à l’origine de la transmission du dossier aux « organes ».

42Ainsi, le pouvoir stalinien, en s’appuyant sur des institutions mises en place après la révolution bolchevique, diffuse la pratique de la dénonciation dans la société soviétique. Tout dysfonctionnement, tout manquement de loyauté doivent être signalés. Pour recueillir ces informations en dehors du cercle restreint des psychopathes, des idéalistes et des envieux, le régime banalise une pratique qui, au début des années 30, restait moralement condamnée et assimilée à la collaboration avec la police politique. En écrivant à un journal ou à un Bureau des plaintes, le Soviétique dénonceur n’a plus réellement le sentiment de franchir une ligne. La dénonciation devient un phénomène de masse dans l’URSS stalinienne. Il ne s’agit pas pour autant d’un système entièrement tourné vers la répression politique et destiné à masquer l’action de la GPU ou du NKVD. Il y a une sphère de la dénonciation à l’écart de la police politique. En effet, si les rapports entre les organes de sécurité et les organes publics de la dénonciation existent, ils sont relativement limités. Certes, sur certaines questions, les destinataires publics de signaux peuvent s’adresser à la police politique au cours de leur enquête. À la fin de l’instruction, ils peuvent également avoir recours à la force répressive des organes plutôt qu’à la justice ou à leurs propres mécanismes de sanction. Mais en dehors de certains domaines extrêmement précis (l’action du NKVD/GPU) et de cas avérés d’opposition au régime (lettres anonymes), les organes publics de réception de la dénonciation ne servent pas d’antichambre à la police politique. Il semble donc abusif de les qualifier d’auxiliaires de la police politique.

43e- mail : nerard@ivry.cnrs.fr

Haut de page

Notes

1 Sur la notion de dénonciation au sens large du terme, on consultera utilement Luc Boltanski et al., « La dénonciation », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 51, mars 1984, pp. 3-40. Pour l’application de cette notion au cas soviétique, cf. François-Xavier Nérard, « Entre plainte et délation : les “signaux” en URSS (1928-1939) », Revue d’Études comparatives Est-Ouest, 30, 1, mars 1999, pp. 5-30. On reprend ici la définition élaborée dans cet article (p. 9) : la dénonciation que nous étudions est à la fois celle qui est « synonyme de délation (révélation des actes répréhensibles d’un individu aux autorités) et celle, plus large, qui évoque également la dénonciation d’une injustice ou d’une situation jugée insupportable. » Elle correspond, dans l’URSS de Stalin, à celle du « signal ».

2 Cette étude est basée sur un corpus de près de 500 lettres de dénonciation (signaux) recueillies dans différentes archives russes aussi bien centrales (Archives d’État (Gosudarstvennyj Arhiv Rossijskoj Federacii -- GARF), Archives du Parti (Rossijskij Gosudarstvennyj Arhiv Social´no-Političeskoj Istorii -- RGASPI), Archives du Komsomol (Centr Hranenija Dokumentov Molodežnyh Organizacii-- CHDMO) et Archives de l’Armée (Rossijskij Gosudarstvennyj Voennyj Arhiv -- RGVA)) que provinciales (Régions de Saratov et surtout de Nijni-Novgorod.) Elles couvrent la période des années 30 au sens large, c’est-à-dire de 1928 à 1941. Ce corpus rassemble donc des lettres d’origines géographiques très diverses (même si Moscou et Nijni-Novgorod sont surreprésentées). Il est difficile de se prononcer sur les auteurs des lettres car on dispose généralement de peu de renseignements à leur sujet.
La représentativité de ce corpus est discutée dans F.-X. Nérard, art. cit., n. 9, p. 7. Pour effectuer ces recherches, nous n’avons pas eu accès aux archives de la police secrète et des autres organes de répression politico-judiciaire. Cet article est donc construit sur des matériaux provenant des administrations civiles. Cette restriction limite bien évidemment notre recherche : le devenir des lettres de dénonciation transmises à la police politique n’est, par exemple, pas abordé. On ne dispose pas, en effet, d’informations fiables à ce sujet.

3 Ce système est mis en place dans les années 20 : l’Inspection ouvrière et paysanne est créée en 1923, l’appel à collaborer avec les journaux et le mouvement des correspondants ouvriers et paysans date également de la même période. Sur le contrôle d’État, on consultera en particulier E. A. Rees, State control in Soviet Russia, The rise and fall of the Peasants’ and Workers’ Inspectorate, Londres, MacMillan, 1987, 315 p., coll. « Studies in Soviet History and Society » et Sergej N. Ikonnikov, Sozdanie i dejatel´nost´ ob´´edinennyh organov CKK-RKI v 1923-1934 g. (Création et activité des organes unifiés CKK-RKI, 1923-1934), Moscou, Nauka, 1971, 480 p. Sur les correspondants ouvriers, on dispose de la thèse non publiée de Maria Ferretti, Le mouvement des correspondants ouvriers, 1917-1931. Révolution culturelle et organisation du consensus dans l’Union Soviétique des années 20, Paris, EHESS, 1998, 866 f.

4 Une étude récente du système de la justice est due à Peter H. Solomon, Soviet criminal justice under Stalin (Cambridge : Cambridge University Press, 1996), coll. « Russian, Soviet and Post-soviet Studies ». Les mécanismes de saisie de la justice par le citoyen ordinaire sur dénonciation au sens large sont consignés dans l’article 91 du code de procédure pénale : Ugolovno-processual´nyj kodeks s izmenenijami na 1 dekabrja 1938 g., Moscou, Juridičeskoe izdatel´stvo NKJu SSSR, 1938, p. 23.

5 RKI ou Rabkrin - Raboče-Krest´janskaja Inspekcija : Inspection ouvrière et paysanne, ministère (narkomat) supprimé en 1934 ; CKK - Central´naja Kontrol´naja Komissija : Commission centrale de contrôle ; KSK - Komissija Sovetskogo Kontrolja : Commission de contrôle soviétique ; KPK - Komitet Partijnogo Kontrolja : Comité de contrôle du parti.

6 L’existence d’interfaces entre la population et les instances de répression n’est pas originale : Jean-François Gayraud montre bien comment, dans le monde contemporain, la police et les médias jouent ce même rôle. Cf. J.-F. Gayraud, La dénonciation, Paris, PUF, 1995, pp. 44-53.

7 Formé sur l’ancien français, ce néologisme nous permet de désigner l’ensemble des auteurs des signaux de la manière la plus neutre possible. L’administration fiscale française parle d’« aviseurs ».

8 GARF, f. 7511, op. 1, d. 193, l. 115.

9 Voir en particulier l’organe du mouvement des correspondants ouvriers et paysans, le Raboče-krest´janskij korrespondent, par exemple le n° 12 (1928), pp. 3-5 ou le n° 22 (1928), pp. 5-8 mais également toute la campagne lancée autour de l’appel du 3 juin.

10 À l’occasion de laquelle Stalin publie un article « O značenii i zadačah Bjuro žalob » (Du sens et des tâches du bureau des plaintes) dans la Pravda du 7 avril 1932.

11 I. Ingulov, Bol´ševistskaja samokritika - osnova partijnogo dejstvija (L’autocritique bolchevique est la base de l’action du parti), Moscou, Partizdat CK VKP(b), 1937. Il rappelle (p. 19) que « la vérification par le haut doit obligatoirement être complétée par une vérification par le bas, par la plus sérieuse attention aux signaux venus d’en bas. Une démocratie scrupuleuse au sein du parti, l’électivité, la responsabilité, le développement de la critique et de l’autocritique dans les réunions des membres du parti et des sans-parti aideront à découvrir bientôt les ennemis du parti et du peuple pas encore démasqués, les Janus de toutes sortes. »

12 Certains aspects de ces campagnes sont traités par Nicolas Werth, « L’appel au petit peuple selon Staline », Vingtième Siècle, 56, oct.-déc. 1997, pp. 132-141.

13 Povol´žskaja pravda, 29 janvier 1930, p. 1.

14 Pravda, 18 juillet 1937.

15 Certains profitent de l’aubaine sans aucun doute car nombreux sont ceux qui écrivent au NKVD à ce moment-là. Un correspondant du secrétaire du parti de la région de Saratov justifie son courrier par le fait que « le NKVD a démasqué des ennemis dans des endroits tellement inattendus » que la personne qu’il dénonce pourrait bien être un de ces ennemis. Il adresse pourtant sa lettre à Krinickij à l’obkom plutôt qu’au NKVD. Ce n’est que ce dernier qui transmet la lettre à Ežov. RGASPI, f. 17, op. 120, d. 289, p. 21.

16 Pravda, 18 juillet 1937.

17 RGASPI, f. 610, op. 1, d. 223, l. 15.

18 GARF, f. 374, op. 28, d. 2995, l. 12 v°. Voir également la même méthode de discréditation : GARF, f. 374, op. 28, d. 2999, Affaire Tomaševič.

19 Kak i o čem pisat’ v gazetu ? (De quelle façon et à quel propos écrire au journal ?), Moscou, Izdanie gazety Pravda, 1928.

20 RGASPI, f. 613, op. 3, d. 36, l. 2 v°.

21 I. I. ·itc, Dnevnik « velikogo pereloma », mart 1928 - avgust 1931 (Journal du « Grand Tournant », mars 1928 - août 1931), Paris, YMCA Press, 1991.

22 Ibid., p. 123.

23 Dans neuf des douze cas de dénonciation évoqués par ·itc dans son journal, il s’agit d’exemples relevés dans la presse. Pour les trois derniers exemples, il ne mentionne pas sa source.

24 Ibid., pp. 128-129.

25 GARF, f. 374, op. 28, d. 3063, l. 664.

26 C’est le cas, en particulier, lors des réunions des militants du VLKSM (Vsesojuznyj Lenin-skij Kommunističeskij Sojuz Molodeži) qui suivent le IVe Plenum du Comité central du Komsomol en juillet (?) 1937. Cf. CHDMO, f. 1, op. 23, d. 1213, l. 1.

27 Zametki v stennoj gazete : rabočij material dlja seminarov redaktorov stennyh gazet (Entrefilets dans le journal mural : matériel de travail pour les séminaires des rédacteurs de journaux muraux), Gor´kij, Rabsel´korovskij otdel « Gor´kovskoj Kommuny », 1938, pp. 21-24.

28 Pour des remarques plus précises quant au choix du vocabulaire, voir F.-X. Nérard, art. cit., pp. 10-12.

29 Sur les lettres au pouvoir, on consultera : Sheila Fitzpatrick, « Supplicants and citizens : Public letter-writing in Soviet Russia in the 1930s », Slavic Review, 55, 1, 1996, pp. 78-105 et Aleksandr Livšin, Igor´ Orlov, « Revoljucija i social´naja spravedlivost´ : ožidanija i realnost´ (“Pis´ma vo vlast´” 1917-1927 godov) », Cahiers du Monde russe, 39, 4, 1998, pp. 487-514.

30 Le secrétariat de Molotov par exemple reçoit toute sorte de courrier : une partie importante est composée d’un courrier de complaisance (soutien, affirmation de soutien...). Dans les archives que nous avons dépouillées la proportion des signaux sur le total du courrier reçu est d’environ 20 %. Néanmoins, il est difficile de dire dans quelle mesure cette proportion est représentative. Les échanges que nous avons pu avoir avec les archivistes ne nous ont pas permis de comprendre le principe qui a présidé à la constitution de ces dossiers. Les lettres ont-elles été conservées proportionnellement à l’ensemble des lettres reçues ? Parmi celles-ci, les proportions entre les différents thèmes ont-elles été respectées ? De plus, ces proportions dépendent des destinataires du courrier (pour la Krest´janskaja gazeta, Sheila Fitzpatrick estime les dénonciations et les plaintes à 35 % du total) et du moment (le courrier de Kalinin augmente régulièrement de 1926 à 1930 pour atteindre un sommet pendant la collectivisation puis diminue à nouveau : - 32,9 % en 1931). Certains événements provoquent un courrier abondant sans dénonciations : les élections au Soviet suprême en 1937 suscitent une avalanche de lettres de soutien ; dès 1937, les services de la Commission de contrôle du parti à Saratov sont inondés de demandes de réhabilitation. À cette occasion, la proportion de dénonciation baisse probablement. Il est donc extrêmement risqué de se prononcer quant à l’ampleur réelle du phénomène.

31 Dans notre corpus, les exemples -- une quinzaine -- d’auteurs qui signalent s’être déjà adressés à d’autres instances ou qui mentionnent dans l’intitulé de leur lettre ou dans le corps du texte d’autres destinataires sont répartis sur l’ensemble de la période 1928-1937.

32 GARF, f. 5446, op. 82, d. 56, l. 163.

33 GARF, f. 7511, op. 1, d. 171, ll. 6 sq.

34 E. Dvinskoj, Bjuro žalob v bor’be za uluščenie apparata (Le Bureau des plaintes en lutte pour l’amélioration de l’appareil), Moscou, Partizdat, 1934, pp. 8-9.

35 Voir par l’exemple les dénonciations reçues par la commission chargée de la purge de la rédaction de la Pravda en 1938 (Ådanov, ·kirjatov, Malenkov) : RGASPI, f. 17, op. 120, d. 318-319.

36 Leurs archives, tant au niveau central qu’au niveau local, sont soit beaucoup moins bien conservées soit très difficiles d’accès (en particulier celles de la Commission de contrôle du parti composées pour l’essentiel de dossiers personnels à l’accès limité par la loi).

37 Voir par exemple GARF, f. 3316, op. 39, d. 94, ll. 7 sq. (déc. 1937), GARF, f. 5446, op. 82, d. 56, ll. 245-246 ou GARF, f. 5446, inv. 82, d. 66, l. 18.

38 Il faut distinguer, parmi les capteurs, ceux qui sont également des instances d’instruction (comme la CKK, la RKI ou la KSK et le KPK) et ceux qui sont uniquement des réceptacles (comme les journaux et les secrétariats).

39 Pour un rare cas de saisie d’une instance civile sur « dénonciation » par le NKVD voir Centr Hranenija Dokumentacii Novejšej Istorii Saratovskoj Oblasti (CHDNISO), f. 594, op. 1, d. 1215, l. 18, il s’agit du cas d’un président de kolkhoz examiné par le KPK après réception d’une note du NKVD. Par ailleurs, les rares lettres directement (et exclusivement) adressées aux « organes » que l’on peut retrouver dans les fonds des autres capteurs sont des pièces du dossier. Voir par exemple RGASPI, f. 610, op. 1, d. 224. Voir également GARF, f. 374, inv. 28, d. 3328, ll. 3-10 v° pour un cas de licenciement abusif.

40 Pour se faire une idée de ce type de littérature, on consultera le fonds du secrétariat de Stalin en 1927 : RGASPI, f. 17, op. 85, d. 529 sq. ou celui du secrétariat de Kalinin en 1932 : GARF, f. 1235, op. 66a, d. 80, ll. 86 sq. Le secrétariat du président du Comité exécutif central a ainsi reçu 408 lettres anonymes en deux mois et demi (août - octobre 1932) (environ 1,5 % du total, soit un peu moins de 2 000 par an). Cf. GARF, f. 5446, op. 82, d. 66, ll. 287-288 pour une lettre anonyme pendant la Grande Terreur.

41 GARF, f. 1235, op. 66a, d. 80, l. 78.

42 GARF, f. 374, op. 2, d. 46, l. 71.

43 C’est également vrai pendant d’autres périodes, par exemple en 1929 : GARF, f. 374, op. 28, d. 4036, p. 152 sq. (il s’agit d’une lettre qui dénonce l’emploi de la torture dans les camps de l’OGPU et qui est adressée à la RKI par le père du plaignant).

44 RGASPI, f. 17, op. 120, d. 318, ll. 79 sq. Lorsqu’un individu se présente à la rédaction de la Pravda, porteur d’une lettre collective dénonçant l’emploi de la torture, il est « transmis » aux organes du NKVD en même temps que la lettre. Le responsable du secteur lettres dispose même d’un « reçu » (sic).

45 Merle Fainsod, Smolensk under the Soviet rule, Londres, MacMillan, 1959, pp. 169-171.

46 Pour un échantillon de lettres reçues par le secrétariat de Kalinin en 1930 et transmises à l’OGPU voir GARF, f. 1235, op. 66a, d. 38. Pour des lettres de 1935, voir GARF, f. 1235, op. 66a, d. 160. Pour le secrétariat de Molotov en 1938, on consultera GARF, f. 5446, op. 82, d. 56, 61, 66.

47 GARF, f. 374, op. 2, d. 23, l. 234.

48 Voir par exemple GARF, f. 374, op. 28, d. 2994, affaire Deev. La dénonciation d’origine fut envoyée d’abord à la CKK VKP(b) puis transmise à la RKI de Tula qui, elle, confia l’instruction à l’OGPU.

49 Par exemple, une lettre reçue par la direction politique de l’armée porte l’instruction manuscrite suivante : « au NKVD, pour action » : RGVA, f. 9, op. 39, d. 44, l. 51. On peut également consulter GARF, f. 5446, op. 82, d. 56.

50 GARF, f. 374, op. 28, d. 4038, ll. 61-63.

51 GARF, f. 374, op. 28, d. 4037, l. 150.

52 GARF, f. 374, op. 2, d. 23, l. 98. Pour d’autres exemples, voir par exemple GARF, f. 374, op. 28, d. 4038, ll. 41 sq.

53 Rossijskij Gosudarstvennyj Arhiv Ekonomiki (RGAE), f. 396, op. 10, d. 143.

54 GARF, f. 374, op. 28, d. 2998, l. 58.

55 GARF, f. 374, op. 28, d. 4040, ll. 37-41.

56 C’est le cas de la commission du Comité central pour la purge de la rédaction de la Pravda qui rassemble des « données compromettantes » sur plus de 120 personnes tout en utilisant seulement les renseignements dont elle a besoin.

57 CHDMO, f. 1, op. 23, d. 1236, ll. 38-39. Le « trotskiste » ne sera pourtant arrêté que trois jours plus tard.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

François-Xavier Nérard, « Les organes du contrôle d’État et les journaux dans l’URSS de Stalin : des auxiliaires de la police politique ? »Cahiers du monde russe, 42/2-4 | 2001, 263-278.

Référence électronique

François-Xavier Nérard, « Les organes du contrôle d’État et les journaux dans l’URSS de Stalin : des auxiliaires de la police politique ? »Cahiers du monde russe [En ligne], 42/2-4 | 2001, mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 16 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/monderusse/8453 ; DOI : https://doi.org/10.4000/monderusse.8453

Haut de page

Auteur

François-Xavier Nérard

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search