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Le musée George-Eastman
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AccueilNuméros21L'éveil des muséesLe musée George-Eastman

L'éveil des musées

Le musée George-Eastman

Une autre histoire de la photographie américaine ?
Larisa Dryansky
p. 74-93

Texte intégral

1A bien des égards la vision que l'on peut avoir en France de l'histoire de la photographie américaine est dominée par le rôle du Museum of Modern Art (MoMA) de New York, perçu comme l'institution ayant permis l'affirmation du médium en tant qu'art. Réductrice, cette interprétation méconnaît l'importance du musée George-Eastman de Rochester, l'autre grand pôle photographique américain dont l'impact a été déterminant tant pour l'éclosion de styles nouveaux que pour le développement d'une véritable politique de défense de la photographie par la voie de publications, de l'enseignement et d'une réflexion soutenue sur l'histoire de ce mode de création. Situé sur les bords du lac Ontario, loin de la grande métropole qu'est New York, le musée n'en est pas moins à l'avant-garde de la redéfinition de l'art photographique, et ce en particulier au cours de la période charnière des années 1960 et 1970.

2Peu étudiée de ce côté de l'Atlantique, l'approche développée à Rochester est en premier lieu le fait d'une personnalité phare du milieu photographique aux États-Unis, Nathan Lyons. Conservateur au musée tout au long des années 1960, Lyons, tout en s'inscrivant dans la continuité de la photographie créative américaine, défend des pratiques très diverses allant de la veine humaniste au paysage social (pour reprendre l'expression de Lee Friedlander employée dans le titre de l'exposition “Toward a Social Landscape” organisée par Lyons en 1966) en passant par une image de type expérimental. L'ouverture voulue par Lyons, puis poursuivie par ses successeurs directs, a permis à Rochester de devenir au début des années 1970 un des creusets de la rencontre entre la photographie élaborée par des artistes ne se définissant pas a priori comme photographes et le milieu proprement photographique.

  • 1 Cf.A. D. Coleman, “The Directorial Mode : Notes Toward a Definition”, Artforum, sept. 1976, repris (...)

3Deux tendances s'affirment alors dans la programmation du musée. La plus connue en France s'exprime dans la neutralité descriptive mise en avant par l'exposition “New Topographics : Photographs of a Man-altered Land­scape” organisée à la George Eastman House en 1975. Consacrant la naissance d'une nouvelle photographie de paysage, cette manifestation trouve de nombreuses répercussions en Europe, et notamment en France avec la Mission photographique de la Datar. À l'inverse − du moins en apparence − la seconde tendance met l'accent sur l'aspect fictionnel de la photographie. On peut en trouver des échos en France également par l'exposition dès le milieu des années 1970 de l'œuvre de Les Krims et de sa « directorial photography » (approche de la photographie comme mise en scène) pour reprendre la définition qu'en donne le critique A. D. Coleman en 19761.

4Il reste cependant indéniable que le poids institutionnel du MoMA a largement éclipsé Rochester dans la connaisance du public français. Ce fait ne manque pas de sembler paradoxal si l'on rappelle que les liens avec la France sont décisifs dans la genèse du musée George-Eastman dont un des points forts est la collection Gabriel Cromer, achetée en 1939, et constituée au début du vingtième siècle autour de la photographie des primitifs français, notamment Daguerre et les daguerréo­typistes. Joyau du musée américain, cet ensemble dont Cromer souhaitait faire la pierre d'angle d'un musée français de la photographie, illustre de façon exemplaire par son destin la problématique du transfert de l'historiographie photographique aux États-Unis et de la mise en place de l'hégémonie américaine dans ce domaine.

5De cette occasion manquée pour la France à la méconnaissance actuelle de l'action du musée George-Eastman, l'étude de cette institution permet ainsi de dresser un portrait par défaut des relations transatlantiques dans le champ de la photographie. On trouvera ici une esquisse de ce projet sous la forme de quelques pistes de réflexion dont on espère qu'elles susciteront la curiosité d'autres chercheurs.

L'historique du musée George-Eastman : un rêve français parti aux Etats-Unis ?

6Si le MoMA est le premier musée à avoir fondé un département de la photographie, le musée George-Eastman de Rochester est quant à lui perçu comme le premier musée de la photographie proprement dit. De fait, cette appellation n'est pas exacte, le premier musée de la photographie étant du point de vue chronologique l’American Museum of Photography fondé par Louis Walton Sipley à Philadelphie en 1940. Ce lieu, cependant, ne dure que peu de temps et ses collections, suite à la mort de Sipley en 1968, sont acquises par la George Eastman House. On parlera donc plus justement de « premier musée de la photographie encore en activité ».

  • 2 Cet historique de la fondation du musée George-Eastman s'appuie sur deux sources : Beaumont Newhall(...)

7Installé dans la résidence du fondateur de l'entreprise Kodak, George Eastman, le musée ouvre officiellement ses portes au public le 9 novembre 19492. L'idée d'un musée de la photographie date, quant à elle, d'une dizaine d'années auparavant. Il s'agit au départ de conserver et exposer les appareils photographiques, photographies, caméras, films et documents rassemblés par l'entreprise Kodak sous George Eastman, lequel est décédé en 1932. Mettant l'accent sur l'histoire technique et non pas artistique du médium, cette collection a d'abord pour but de valoriser le statut d'inventeur d'Eastman.

  • 3 Clark participe également au développement du département photographique du MoMA en rejoignant le A (...)
  • 4 Sur l'historique de la collection Cromer, voir Walter Clark, “The Cromer Collection at Eastman Hous (...)

8La conception du musée se concrétise vers 1939-1940. Elle est surtout le fait d'un homme, Walter Clark. Celui-ci dirige le département de photographie appliquée des laboratoires de recherche Kodak, et se trouve chargé de la collection historique de photographie Eastman3. C'est lui qui négocie en 1939 pour Eastman Kodak l'acquisition de la collection de Gabriel Cromer auprès de sa veuve, donnant de ce fait au musée de Rochester à venir une dimension qui dépasse la simple mise en valeur du fonds Eastman4.

  • 5 Cf.annotations de la main de madame Cromer sur une lettre de Charles Peignot à la même, 9 janvier 1 (...)
  • 6 Sur cette transaction, voir ibid., l'ensemble de la boîte 92, en particulier les pièces 1, 13 et 20 (...)

9Membre de la Société française de photographie, Gabriel Cromer a jusqu'à sa mort en 1934 amassé un ensemble remarquable de documents liés aux premiers temps de la photographie en France, riche tant du point de vue de l'histoire des techniques que de celui de l'art. Dès 1925, à l'occasion de l'exposition du centenaire de la photographie organisée par la SFP, Cromer a émis le vœu que cette collection serve à la constitution d'un musée national de la photographie. Cette proposition a été reçue avec intérêt. Mais ce n'est qu'après le décès de Cromer que les institutions françaises entreprennent des démarches dans ce sens. Non sans hésitations, cependant. Dans des notes, la veuve de Cromer fait ainsi état de craintes du gouvernement quant à la situation internationale en ces années de crise, lesquelles auraient retardé le projet5. L'argument financier paraît peut-être plus probant, du moins en ce qui concerne l'avenir de la collection Cromer elle-même. L'offre finale du gouvernement français s'est avérée bien trop basse (plus de la moitié de l'estimation faite par madame Cromer). À l'été 1939, alors que la menace de la guerre se concrétise, les représentants de Kodak l'emportent en offrant une somme convenable à madame Cromer (500 000 francs) et l'assurance que l'héritage de son mari sera conservé et mis en valeur dans le cadre du premier vrai musée de la photographie6. La collection Cromer quitte la France à la fin novembre 1939, alors que les hostilités sont déjà ouvertes avec l'Allemagne.

  • 7 Des pièces du fonds Cromer sont entrées dans les collections de la Bibliothèque nationale entre 194 (...)
  • 8 Ibid., p. 193-195. Le point fort de la collection a trait à Daguerre et au daguerréotype. Elle cont (...)
  • 9 Cf. lettre de W. Clark à Pierre Clément, de KPathé, 22 février 1978, Gabriel Cromer Manuscript Coll (...)
  • 10 Henri Langlois, avant-propos, inInitiation au cinéma américain 1893-1961: A Tribute to George Eastm (...)

10Une partie des trésors amassés par Cromer restera en France, et se trouve conservée aujourd'hui à la Bibliothèque nationale7. Mais les pièces acquises par les représentants d'Eastman Kodak constituent un ensemble incomparable à la fois par le nombre et la qualité8. Aussi, comme le résumera rétrospectivement Clark en 1978, sans la collection Cromer il n'y aurait jamais eu de musée George-Eastman9. De la même manière, en 1963, Henry Langlois à l'occasion d'une exposition organisée par la Cinémathèque française en hommage aux collections cinématographiques de la George Eastman House, déclare : « Le fonds Cromer fait de ce musée américain l'un des plus riches en souvenirs de Daguerre et comme une fenêtre sur la France où s'affirme la place unique qu'elle occupe dans l'origine de la photographie10… »

  • 11 Sur ce point, voir à nouveau B. Newhall, op. cit., chapitre “My Last Days at MoMA and After”, p. 13 (...)
  • 12 « (a) George Eastman is the most important man in the history of photography. (b) The whole aim and (...)

11L'ambition des fondateurs du futur musée de la photographie est donc d'emblée de donner une envergure internationale à leur projet. Pour s'assurer de la qualité de l'entreprise, ils font appel à une des figures clefs de la photographie, Beaumont Newhall. Initiateur du département de la Photographie du MoMA, Newhall fait le pont entre l'institution new-yorkaise et le musée à venir. Engagé dans l'armée pendant la guerre, il s'est vu peu à peu évincé du MoMA par Edward Steichen dont la conception de la photographie comme outil de communication, voire de propagande, sied particulièrement bien au musée en cette période de triomphalisme patriotique. Acculé à la démission en 1946, suite à la nomination officielle de Steichen à la tête du département de la Photographie, Newhall accepte peu après l'invitation de Rochester, espérant pouvoir y poursuivre son engagement en faveur de la photographie comme art11. Déçu dans un premier temps par l'attitude des représentants de Eastman Kodak, pour qui, selon une formule de son épouse Nancy Newhall, « (a) George Eastman est l'homme le plus important de l'histoire de la photographie. (b) L'instantané [snapshot] est l'alpha et l'oméga de la photographie12 », Newhall crée bientôt les conditions qui feront de la George Eastman House un bastion de la photographie créative en même temps qu'une plate-forme incontournable pour la valorisation de la recherche en photographie.

Une autre photographie américaine : Nathan Lyons et son action au musée de Rochester

  • 13 Installé également à Rochester, le Visual Studies Workshop est un centre de formation, de recherche (...)

12Dans les premières années du musée, Beaumont Newhall, dont le titre est alors celui de conservateur − il ne deviendra directeur qu'en 1958 et le restera jusqu'en 1971 − a pour collaborateur Minor White. Héritier de la veine symboliste d'Alfred Stieglitz, le directeur de la revue Aperture confirme par sa présence l'orientation créative voulue par Newhall. Cependant, ce n'est qu'au tournant des années 1960 que le musée de Rochester parvient à élargir véritablement son action au-delà de la mise en valeur de ses collections historiques pour assumer une place centrale dans l'épanouissement de nouveaux courants photographiques. Cette orientation est surtout le fait du successeur de Minor White, Nathan Lyons. Venu à la photographie après des études de littérature, Lyons rejoint le musée George-Eastman en 1957. Il est alors chargé de diriger la publication mensuelle de l'institution, le magazine Image ainsi que les relations publiques, Walter Chappell héritant des fonctions de conservateur de White. Après le départ de Chappell et la nomination de Newhall comme directeur du musée, Lyons devient conservateur de la photographie et directeur adjoint. Il gardera ce titre jusqu'en 1969, moment où il quitte le musée pour fonder, à Rochester toujours, le Visual Studies Workshop13.

  • 14 Cette information ainsi que celles qui suivent sur les activités de Nathan Lyons au musée George-Ea (...)
  • 15 Il s'agit de l'“Invitational Teaching Conference at George Eastman House”.
  • 16 Cf. correspondance électronique avec Nathan Lyons, et Jacob Deschin, “History of Photography Is The (...)

13À partir de la nomination de Lyons comme conservateur, une division naturelle des tâches se fait entre Newhall et lui : au premier la valorisation de la photographie historique, au second la promotion de la photographie contemporaine14. L'activité de Lyons prend plusieurs formes. En plus de monter des expositions de photographes contemporains, il met en place un programme éditorial avec la publication d'ouvrages portant sur des photographes de la jeune génération (la série “Contemporary Photographers”). Afin de promouvoir le musée de Rochester hors les murs, il fonde un bureau chargé spécifiquement de faire circuler les expositions sur le plan national et international (le “Office of Extension Activities”). Enfin, il est particulièrement engagé dans la réflexion sur le développement de l'enseignement et de la recherche historique en photographie. La première question est abordée en détail lors d’un colloque organisé par Lyons à la George Eastman House en 196215 dont naît la Society for Photographic Education (SPE) l’année suivante. Dans la continuité de cette action, le musée de Rochester accueille en 1964, en collaboration avec la SPE, le premier colloque international sur l’histoire de la photographie (“International Symposium on the History and Criticism of Photography”) auquel participent des historiens, des conservateurs, des enseignants et des photographes tels Minor White, Walter Rosenblum, Van Deren Coke, Arthur Siegel, John Szarkowski ou encore Barbara Morgan16. Lyons aborde également ces problèmes de manière pratique en créant un cursus de muséographie spécialisé en photographie et des ateliers pour les enseignants de cet art et les étudiants du cycle avancé.

  • 17 Cf.Candida Finkel, “Photography as Modern Art: The Influence of Nathan Lyons and John Szarkowski”, (...)

14La stratégie de Lyons est couronnée de succès. Comme le relève une étude comparative de l’action mise en œuvre par John Szarkowski au MoMA et par Nathan Lyons à Rochester, au cours de la seule année 1967, le musée George-Eastman a par ses activités à l'extérieur touché un public plus large que n'importe quelle autre institution muséale américaine sur la même période (131 902 personnes ont visité le musée ; les diaporamas, expositions itinérantes et publications ayant touché 1 999 200 personnes)17. C'est dire le rôle vital joué par le musée au-delà de son implantation locale.

  • 18 « […] authentic photographic forms », N. Lyons, introduction, Toward a Social Landscape: Bruce Davi (...)
  • 19 À propos des photographes inclus dans l'exposition “Toward a Social Land­scape”, Nathan Lyons expli (...)
  • 20 « The truth of the matter may be that the exhibition “The Family of Man” is, in effect, as illusion (...)
  • 21 Il est possible de rattacher cette pique à l'égard de Steichen à son différend avec Newhall.

15L’enjeu pour Lyons est avant tout la promotion d'une vision particulière du médium qu’il rend manifeste à travers trois expositions, “Toward a Social Landscape” (décembre 1966), “The Persistence of Vision” (juin 1967) et “Vision and Expression” (février 1969). Cette conception peut se résumer comme un désir d'établir l'existence de « formes authentiquement photographiques18 » ainsi que le déclare Lyons dans l'introduction du catalogue de “Toward a Social Landscape”. Pour le conservateur, également photographe, il s'agit ainsi de délivrer la photographie de deux tendances qui la parasitent : l'une qui tente d'assimiler l'image photographique au modèle pictural du tableau (« picture19 »), et l'autre (laquelle est d'une certaine façon le refoulé de la première) qui voit dans la photographie une représentation entièrement transparente de la réalité. En effet, Lyons réfute le simplisme de la dialectique opposant réalité et illusion, allant même dans la préface du catalogue de l’exposition “The Persistence of Vision” jusqu'à décrire dans une boutade “The Family of Man” − la grande manifestation humaniste organisée par Steichen au MoMA − comme tout aussi « illusionniste » que n'importe laquelle des œuvres présentées à Rochester à cette occasion20. Or, rassemblant des œuvres de Donald Blumberg, Charles Gill, Robert Heinecken, Ray K. Metzker, Jerry N. Uelsmann et John Wood, “The Persistence of Vision” portait sur des pratiques photographiques qui, s'inscrivant clairement à l'encontre de la “straight photography”, privilégiaient les manipulations techniques de l'au­teur, apparentant de ce fait la photographie à un artefact21.

  • 22 « It is not the 'thing-in-itself' recorded, but a fixed representation of it. », N. Lyons, in N. Ly (...)
  • 23 Cf. Jean Kempf, “American photography in France since World War II. Was France liberated by the Uni (...)
  • 24 « Dans le passé, nous aurions sans doute défini le travail des photographes représentés dans cet ou (...)

16Ni tableau, ni image (au sens d'illustration), la photographie est pour Lyons une forme de perception. Le principe de cette approche est exprimé dans Under the Sun, The Abstract Art of Camera Vision, le catalogue d'une exposition collective de 1960 dans lequel figurent des photographies de Lyons. Il y déclare : l'appareil n'enregistre pas « “la chose en soi” mais une représentation fixe de celle-ci22 ». En même temps, Lyons ne verse pas du côté d'une photographie qui serait purement subjective ou expressionniste. Sa position est à distinguer, par exemple, du mouvement français contemporain de la Libre Expression (le groupe est formé en 1965 avec, entre autres, Jean-Pierre Sudre, Denis Brihat et Jean-Claude Gautrand), lui aussi imprégné du symbolisme de Minor White23. L'originalité de la démarche du photographe et conservateur américain tient à l'équilibre qu'il maintient tant dans ses écrits que dans sa programmation entre la nécessaire relation de la photographie au réel et la prise en compte du caractère « abstrait », selon ses mots, de toute représentation photographique. Celle-ci est, en effet, pour Lyons simul­tanément le fruit et l'agent d'une expé­rience, mieux, d'une véritable inter­action avec le monde24.

  • 25 « The photograph…is not a picture of something but is an object about something. », Robert Heinecke (...)

17Ainsi, les photographes défendus par Lyons vont-ils de personnalités qui ont été baignées au départ dans la tradition du photojournalisme comme Garry Winogrand et Lee Friedlander à la figure plus expérimentale de Robert Heinecken pour qui la photographie ne doit pas être envisagée comme « une image de [ picture] quelque chose, mais un objet qui parle de quelque chose25 ». De l'un à l'autre, ce qui prime pour le conservateur de Rochester est la volonté de manifester les qualités intrinsèques à la photographie.

  • 26 Cf.correspondance électronique avec N. Lyons, 18 février 2007.

18Sur ce point, Lyons rejoint bien évidemment les préoccupations de son collègue du département de la Photographie du MoMA, John Szarkowski, lequel par ailleurs participe à la réflexion sur la photographie menée par Rochester lors des journées d'études organisées par le musée. Outre le fait d'exposer plusieurs des mêmes artistes (notamment Garry Winogrand, Lee Friedlander, Bruce Davidson et Danny Lyon), on notera chez les deux conservateurs un semblable souci de redéfinir les orientations de la photographie par la remise en question de l'héritage documentaire, et un même point de départ dans la prise en compte de l'environnement vernaculaire et de la forme photographique la plus banale qu'est l'instantané (snapshot). S'inspirant de recherches menées sur les collections historiques du musée George-Eastman, Lyons dès le début des années 1960 identifie le snapshot comme le fondement d'une esthétique spécifiquement photographique26.

  • 27 Ibid.
  • 28 « Thus he was likely to claim that what our eyes saw was an illusion, and what the camera saw was t (...)
  • 29 Cf.N. Lyons, introduction, inPhotography in the Twentieth Century, cat. expo., New York, Horizon Pr (...)

19Les liens entre l'intérêt de Szarkow­ski pour le snapshot et le vernaculaire et sa conception moderniste de la photographie sont bien connus. Selon les dires de Lyons, au moment où celui-ci complétait ses recherches, Szarkowski lui aurait suggéré la lecture du livre de John A. Kouwenhoven, Made in America dont la définition du vernaculaire est au cœur de The Photographer's Eye, l'ouvrage de 1966 dans lequel le conservateur du MoMA décrit sa propre conception du photographique27. Allant plus avant, on peut trouver des échos entre l'idée énoncée dans The Photographer's Eye d'une inversion entre la réalité et l'illusion introduite par la photographie (les perfectionnements de la photographie, selon Szarkowski, ayant très vite rendu possible au photographe d’affirmer que l'œil ne voit qu’une illusion tandis que l'objectif, lui, voit la vérité28), et les propos de Lyons sur le caractère tout relatif de l'illusionnisme. D'autre part, l'un comme l'autre conservateur récuse le caractère illustratif de la photographie, sa subordination aux mots, ce que Lyons, par ailleurs, identifie comme la définition « littéraire » du photographique formulée par le théoricien du modernisme, Clement Greenberg29.

  • 30 «[…] characteristics and problems that have seemed inherent in the medium.», suit la liste des cinq (...)
  • 31 « Il ne me semble pas difficile de croire que des photographes qui sont concernés par la question d (...)

20Ces parallèles établis, il n'en reste pas moins de profondes différences entre ces deux approches, sur la voie desquelles nous met l'évocation de Greenberg. Szarkowski, mu par un souci d'instituer la photographie comme art moderne, tente d'en définir l'essence même. Pour ce faire, il élabore dans The Photographer's Eye une liste de caractéristiques ou de problématiques qui lui semblent « inhérentes au médium » : la chose en soi [thing itself], le détail, le cadre, la temporalité [time], le point de vue30. Si certains de ces aspects engagent la question du contenu (la chose en soi), il s'agit pour la plupart de caractéristiques qui permettent de circonscrire la vision photographique selon une approche formaliste. L'importance du snapshot dans ce contexte tient à la manière dont il incarne une forme visuelle née intégralement du procédé photographique lui-même. Pour Lyons, la révélation du snapshot est davantage sociologique voire éthique31. L'instantané a permis la libération d'un vocabulaire visuel nouveau qui affecte la population dans son ensemble. Il a ainsi fortemement contribué à bouleverser la relation de l'homme à son environnement, autrement dit le paysage social lui-même. On pourrait dire que dans un cas (celui de Szar­kowski) il s'agit de mimer les formes de l'image instantanée amateur, tandis que dans l'autre (avec Lyons), l'important est de conserver quelque chose de l'intention portée par ce type de photographie. Ou bien : dans un cas l'ambition de promouvoir un art de musée, réservé en fin de compte à une élite de connaisseurs (dans une démarche typique de l'avant-garde consistant à s'assimiler des modes issus du contexte non artistique) ; dans l'autre, celle de proposer une véritable philosophie du médium qui embrasse des pratiques multiples et cherche (peut-être est-ce utopique) à s'adresser à un public étendu.

La portée de l'action de la George Eastman House : le cas des échanges avec la France

  • 32 Cf. William Jenkins, The Extended Document, An Investigation of Information and Evidence in Photogr (...)
  • 33 Cf. le titre de l'exposition organisée par John Szarkowski au MoMA en 1967.

21Après le départ de Lyons pour fonder le Visual Studies Workshop, la programmation du musée George-­Eastman continue de se caractériser par sa variété et son penchant pour des approches très libres du médium. Un exemple marquant de cette ouverture est l'exposition “The Extended Document” organisée en février 1975 par William Jenkins, le conservateur chargé de la photographie du vingtième siècle. Opérant la jonction du photoconceptualisme et des pratiques proprement photographiques, elle regroupe des œuvres de John Baldessari, Thomas Barrow, Michael Bishop, Marcia Resnick, Richard W. Schaeffer et William Wegman. Son propos est, comme l'indique le sous-titre, de conduire une « enquête sur la photographie comme information et comme preuve32 ». En bref, après les « nouveaux documents » (« new documents33 »), le document entendu au sens large (« the extended document ») permet, non pas de nier, mais d'interroger la crédibilité de l'image photographique.

  • 34 Cf. Jean-Claude Lemagny, in Gilles Mora, Claude Nori, 20 ans de photographie créative en France 68/ (...)
  • 35 Le commissaire de l'exposition était Pierre de Fenoÿl.

22Née au sein du photoconceptualisme, cette approche travaille la photographie américaine depuis la fin des années 1960. On la trouve manifestée précocement dans les “fictions” photographiques de Les Krims. New-­yorkais, Krims complète ses études au Rochester Institute of Technology en 1967, un établissement qui travaille en symbiose avec le musée George-Eastman. S'il n'est pas à proprement parler la personnalité la plus représentative de l’institution, Krims doit à la George Eastman House sa première exposition monographique dans un musée en 1969. Précédemment il est inclus par Lyons dans l'exposition “Vision and Expression”. Les deux manifestations sont une validation de son travail dont l'inventivité est encouragée par le climat d'expérimentation de Rochester. Exposé en France par Robert Delpire dès 1974, Krims appartient à ce groupe de photographes incarnant, selon Jean-Claude Lemagny, le « style américain » qui bouleverse la photographie française en devenir34. Par ailleurs, il connaît une consécration en dehors du cercle photographique, son travail étant présenté au centre Georges­-Pompidou dès 1977 en compagnie de Duane Michals35.

  • 36 Cf. W. Jenkins, introduction, inNew Topographics. Photographs of a Man-altered Land­scape, cat. exp (...)

23Krims étant une personnalité fortement indépendante, le lien ainsi envisagé entre Rochester et Paris reste malgré tout ténu. Plus marquante est l'influence de l'exposition “New Topographics”. Cette manifestation, qui doit être comprise dans la continuation de l'intérêt pour l'environnement urbain et suburbain initié par Lyons avec “Toward a Social Landscape”, concrétise un mouvement photographique en germe depuis le tournant des années 1960 et 1970. D'autre part, ainsi que le rappelle son commissaire, William Jenkins, elle est conçue comme la suite logique de “The Extended Document”36. Si les images présentées sont la manifestation d'un style caractérisé par la neutralité et une ambition purement descriptive, cette filiation signale en même temps l'ambiguïté profonde de ces images. Aussi, l'exposition peut-elle être perçue comme un des événements charnières du basculement dans le postmodernisme.

24De telles images du paysage ont déjà été exposées ailleurs. Mais l'événement de Rochester permet de mettre un nom sur cette tendance. La notoriété de l'exposition dépasse les frontières américaines. On peut citer à ce propos l'exposition “New Topographics” présentée par l'Arnolfini Gallery de Bristol en 1981 et l’impact de la nouvelle photographie de paysage sur des artistes italiens comme Luigi Ghirri et Gabriele Basilico. En 1986, la Mission photographique de la Datar s'ouvre à deux photographes de “New Topographics” dont la carrière est également éclose à Rochester : Lewis Baltz et Frank Gohlke. Si Baltz bénéficie dès 1971 d'une exposition individuelle à la galerie Castelli à New York, c'est à George Eatsman House en 1972 qu'il a sa première exposition monographique dans un musée. Ses liens avec la France remontent à 1973, année où il participe à une exposition de groupe à l'Arc. Il y est exposé à plusieurs reprises avant 1985, moment où il travaille dans le Sud de la France. Quant à Frank Gohlke, Rochester lui offre sa toute première exposition en 1972 : une exposition de groupe, “60's Continuum”.

  • 37 François Hers et Bernard Latarjet, "L'Expérience du paysage", inPaysages Photographies. 1984-1988 L (...)
  • 38 Cf. ibid., Pierre de Fenoÿl, entretien avec Claire Devarrieux (1988), p. 391.
  • 39 Ibid., p. 13.

25Baltz et Gohlke ne rejoignent le projet de la Datar que dans sa deuxième phase. Par ailleurs, d'après François Hers et Bernard Latarjet, les deux organisateurs de la Mission photographique de la Datar, la participation de photographes américains a donné lieu à la confrontation, parfois houleuse, entre deux points de vue presque opposés. Ils écrivent ainsi en introduction à Paysages Photographies, le catalogue de 1989 de la Mission : « Nous avons invité des étrangers afin de confronter des perceptions différentes : celle de l'Américain hanté par la destruction d'une terre qu'il a connue vierge ; celle de l'Européen sensible à une réalité moins physique que culturelle, bouleversée et reconstituée depuis des siècles37. » En témoigne le « chronophoto­roman » de Pierre de Fenoÿl38. Habitées par le temps, ses images s'opposent tant au vide du chaos photographié par Baltz à Fos-sur-Mer, qu'au pittoresque des jardins et potagers de villages de campagne exprimé par Gohlke. De plus, le seul modèle américain cité par Hers et Latarjet est celui de la FSA (qui vient compléter l'antécédent français de la Mission héliographique)39.

  • 40 Cf.entretien avec François Hers, Paris, 19 avril 2007. Interrogé sur l’exemple des “New Topographic (...)
  • 41 F. Hers et B. Latarjet, op.cit., p. 19.
  • 42 « What I hope to document, though not at the expense of surface detail, is the Form that underlies (...)

26L’exemple de “New Topographics” est cependant bien présent à l’esprit de François Hers quand il commence à réfléchir à la nécessité d’une nouvelle façon de rendre le paysage en photographie40. Aussi, n’est-il pas étonnant que pour décrire « l'expérience du paysage » mise en œuvre par leur projet, Hers et Latarjet utilisent un vocabulaire qui semble issu de la vision proposée par l’exposition de Rochester : « Recherchant à la fois une expérience sensible de l'espace contemporain et des formes non réductrices de notre rapport à celui-ci, la Datar sollicitait la création artistique pour approfondir une exigence fondamentale : face à des bouleversements aussi rapides et complexes, retrouver des symboles et des repères41. » Ces lignes font notamment écho à la déclaration de Robert Adams publiée dans le catalogue de “New Topographics” à propos du paysage bouleversé pris comme sujet par les photographes de l'exposition : « Ce que j'espère documenter, sans, toutefois, faire de compromis sur la précision de la représentation, est la Forme sous-jacente à cette apparence de chaos42. »

  • 43 G. Mora, “Matière, acte photographiques : vingt ans de création continue”, in G. Mora, C. Nori, op. (...)
  • 44 Cf. Raymond Depardon, Le Désert américain, Paris, Éditions de l'Étoile, 1983.
  • 45 G. Mora, op. cit., p. 51.

27Comme le fait remarquer Gilles Mora en 1989, la découverte de la photographie américaine en France a eu un impact déterminant sur la façon même de voir le paysage national : « L'Amérique devient alors l'objet d'une véritable mythologie de l'œil que l'on reporte même sur le paysage français43. » Si l'on conçoit bien qu'un Raymond Depardon partant à la découverte du « désert américain » en 1983 lui applique un regard empreint tant de la mythologie cinématographique que de la grande photographie classique américaine (telle celle d’Edward Weston ou Ansel Adams)44, plus intéressante est cette tendance identifiée par Gilles Mora de la « jeune photographie créative française [à] se construire contre  son héritage national […] avec les photographes américains ». Une réaction, continue l’historien de la photographie qui « se prolongera très tard : beaucoup de travaux réalisés par la mission Datar entre 1981 et 1985 représenteront le paysage français comme une réalité territoriale américaine45 ».

  • 46 Cf. entretien avec Jean-Louis Garnell, Paris, 25 mai 2007.

28Exemplaire de ce point de vue est le travail de Jean-Louis Garnell qui est engagé par la Datar en 1985. L’intérêt du photographe pour un paysage chaotique lui est personnel et rejoint une préoccupation plus large pour le désordre. Néanmoins, sa manière de le figurer est sans conteste marquée par la nouvelle photographie américaine, son sens de la distance et son aspect minéral46. Presque vingt ans plus tard, l'histoire se prolonge à travers, par exemple, les photographies de Thibaut Cuisset, avec cette différence que celles-ci portent sur des territoires au-delà de nos frontières.

29L'action du musée George-Eastman de Rochester a donc trouvé des échos dans l’épanouissement de l’art photographique en France. Il n'en reste pas moins vrai que cette influence est restée en quelque sorte souterraine. Les considérations géographiques ne sont sans doute pas étrangères à cette situation. New York est aux yeux du monde la capitale artistique et culturelle des États-Unis. Plus fondamentalement, on peut émettre l'hypothèse que l'éclectisme de Lyons et de la programmation du musée de Rochester mise en place par ses successeurs immédiats a joué en la défaveur de la George Eastman House. Tandis que Szarkowski reprenait le flambeau du modernisme, Lyons semble au contraire par cette ouverture avoir favorisé le tournant vers le postmodernisme. Cherchant à promouvoir une compréhension de la photographie dans un sens "élargi", la pensée de Lyons invite ainsi à une vision également plus large du champ photographique américain.

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Notes

1 Cf.A. D. Coleman, “The Directorial Mode : Notes Toward a Definition”, Artforum, sept. 1976, repris dans A. D. Coleman, Light Readings. A Photography Critic's Writings 1968-1978, New York, Oxford University Press, 1979, p. 246-257.

2 Cet historique de la fondation du musée George-Eastman s'appuie sur deux sources : Beaumont Newhall, Focus. Memoirs of a Life in Photography, Boston, Toronto, Londres, Little, Brown and Company, A Bullfinch Press Book, 1993, chapitre “George Eastman House”, p. 190-228; Janet E. Buerger, The Era of the French Calotype, cat. exp., Rochester, International Museum of Photography at George Eastman House, 1982, introduction, p. 3.

3 Clark participe également au développement du département photographique du MoMA en rejoignant le Advisory Committee on Photography de ce musée, un organisme consultatif constitué en 1944 et regroupant des membres du personnel, des photographes, des collectionneurs, des historiens, des scientifiques, des bibliothécaires et des conservateurs. Sur ce comité et sur Walter Clark, voir B. Newhall, op. cit., p. 109 et p. 191.

4 Sur l'historique de la collection Cromer, voir Walter Clark, “The Cromer Collection at Eastman House”, avant-propos, in J. Buerger, French Daguerreotypes, Londres, The University of Chicago Press, p. xvii-xxi.

5 Cf.annotations de la main de madame Cromer sur une lettre de Charles Peignot à la même, 9 janvier 1935, Gabriel Cromer Manuscript Collection, George Eastman House, boîte 94c/XII/6b. On trouvera un résumé détaillé de cette collection sur le site du musée, http://www.geh.org/link/Sn/cromer-manuscript.html

6 Sur cette transaction, voir ibid., l'ensemble de la boîte 92, en particulier les pièces 1, 13 et 20 : 1/lettre de Brigeau, Kodak Pathé, Paris à J. Pledge, Kodak Ltd., Londres, 21 juillet 1938, dans laquelle il est dit que madame Cromer souhaiterait vendre sa collection pour 700 000 francs et qu'elle aurait rejeté l'offre du gouvernement français de 300 000 francs ; 2/lettre de W. Clark à C. E. K. Mees, 24 avril 1939, dans laquelle Clark suggère d'offrir à madame Cromer la somme de 500 000 francs, montant intermédiaire entre la proposition de madame Cromer et celle du gouvernement français ; 3/lettre de madame Cromer à W. Clark, 20 juillet 1939, dans laquelle elle accepte la somme de 500 000 francs.

7 Des pièces du fonds Cromer sont entrées dans les collections de la Bibliothèque nationale entre 1945 et 1947. L'ensemble ayant été démembré et inventorié par artiste, nous n'avons pas pu obtenir à ce jour de renseignements précis sur l'étendue et la nature du fonds. Un article de Laure Beaumont-Maillet paru dans les Nouvelles de l'estampe mentionne qu'« une petite partie de [la] collection [de Gabriel Cromer] est entrée au cabinet des Estampes par acquisition et par don, entre 1945 et 1947 : environ 1 500 épreuves d'Aguado, Baldus, Le Gray, Tournachon (de celui-ci, le célèbre auto­portrait au chapeau de paille), dispersées dans les œuvres de photographes », Laure Beaumont-Maillet, “Les collectionneurs au cabinet des Estampes”, Nouvelles de l'estampe, décembre 1993, n° 132, p. 23-24. Janet Buerger, quant à elle, évoque une partie encore importante de la collection qui aurait été acquise par la Bibliothèque nationale, le musée George-Eastman ayant semble-t-il hérité, néanmoins, de l'ensemble des daguerréotypes, cf. J. Buerger, “Catalog of Daguerreo­types”, French Daguerreotypes, op. cit., p. 195.

8 Ibid., p. 193-195. Le point fort de la collection a trait à Daguerre et au daguerréotype. Elle contient environ 500 daguerréotypes, sur un total de 6 000 images photographiques (albums compris). Sont représentés la plupart des grands genres (portrait, paysage, nature morte, image scientifique) et plusieurs des plus importants daguerréotypistes (Sabatier-Blot, Derussy, Vaillant, Gouin, Claudet, Duboscq, Thompson, Adam-Salomon, Fizeau, Foucault). La collection comprend également un exceptionnel ensemble de livres, manuels et périodiques se rapportant au daguerréotype. De même, elle est très riche en appareils anciens. La pièce maîtresse de ce groupe est un appareil Giroux portant la signature de Daguerre. Cromer s'est intéressé aussi aux travaux artistiques de Daguerre précédant l'invention du daguerréotype. La collection comprend onze pièces de cette époque, dont une étude de Daguerre pour un diorama. Les épreuves sur papier sont également représentées à travers, entre autres, des photographies de Marville, Baldus, Le Gray, Bisson Frères, Du Camp, Cuvelier, Braquehais, Charles Hugo, Durieu et Charnay. Une sélection des pièces de la collection est consultable sur le site de la George Eastman House, http://www.geh.org/cromer.html

9 Cf. lettre de W. Clark à Pierre Clément, de KPathé, 22 février 1978, Gabriel Cromer Manuscript Collection, George Eastman House, boîte 92/II/5a.

10 Henri Langlois, avant-propos, inInitiation au cinéma américain 1893-1961: A Tribute to George Eastman House, cat. exp., Paris, Cinémathèque française, juin-octobre 1963, n. p.

11 Sur ce point, voir à nouveau B. Newhall, op. cit., chapitre “My Last Days at MoMA and After”, p. 132-187.

12 « (a) George Eastman is the most important man in the history of photography. (b) The whole aim and end of photography is the snapshot », extrait d'une lettre de Nancy Newhall à Edward Weston, 17 janvier 1949, reproduite dans B. Newhall, op. cit., p. 197 (notre traduction ainsi que dans la suite des notes).

13 Installé également à Rochester, le Visual Studies Workshop est un centre de formation, de recherche et d'exposition dédié à l'image sous toutes ses formes : photographie, film, vidéo, numérique. Ses activités trouvent un écho à l'extérieur avec le magazine Afterimage. Nathan Lyons en a été le directeur jusqu'en 2001.

14 Cette information ainsi que celles qui suivent sur les activités de Nathan Lyons au musée George-Eastman proviennent d’un entretien réalisé par courrier électronique le 18 février 2007.

15 Il s'agit de l'“Invitational Teaching Conference at George Eastman House”.

16 Cf. correspondance électronique avec Nathan Lyons, et Jacob Deschin, “History of Photography Is Theme of Symposium”, The New York Times, 6 décembre 1964, p. x31.

17 Cf.Candida Finkel, “Photography as Modern Art: The Influence of Nathan Lyons and John Szarkowski”, Exposure, 18:2, 1981, p. 28. Malheureusement, les archives du musée George-Eastman ne précisent que rarement la circulation des expositions à l’étranger dans les années qui nous occupent. Ni Nathan Lyons, ni les archivistes du musée n’ont pu nous renseigner sur les expositions ayant pu éventuellement se tenir en France. Certaines des expositions ont circulé hors des États-Unis grâce au USIA (US Information Agency), mais le musée ne dispose pas de précisions sur les lieux de circulation (cf. correspondance électronique avec Nathan Lyons, février et mars 2007, et avec David Wooters, Collection photographique, George Eastman House, 10 avril 2007).

18 « […] authentic photographic forms », N. Lyons, introduction, Toward a Social Landscape: Bruce Davidson, Lee Friedlander, Garry Winogrand, Danny Lyon, Duane Michals, cat. exp., New York, Horizon Press en collaboration avec The George Eastman House, Rochester, 1966, p. 6.

19 À propos des photographes inclus dans l'exposition “Toward a Social Land­scape”, Nathan Lyons explique : « Je crois que c'est Garry [Winogrand] qui au cours d'une conversation entre nous a dit vouloir “faire une photographie et non pas un tableau [picture]”, ce qui, pour moi, voulait essentiellement dire que ce groupe de photographes cherchait à se départir de l'esthétique picturale [picture aesthetic] prévalente dans le champ de la photographie depuis ses débuts. » («I think it was Garry during a conversation that we were having who expressed his concern for 'making a photograph and not a picture', this essentially meant to me that this group of photographers were attempting to depart from a picture aesthetic that had prevailed in the medium since its inception.», correspondance électronique avec N. Lyons, 18 février 2007.

20 « The truth of the matter may be that the exhibition “The Family of Man” is, in effect, as illusionistic as the work of the photographer's presented in this volume. », N. Lyons, introduction, in The Persistence of Vision: Donald Blumberg, Charles Gill, Robert Heinecken, Ray K. Metzker, Jerry N. Uelsmann, John Wood, cat. exp., New York, Horizon Press en collaboration avec The George Eastman House, Rochester,1967, p. 5.

21 Il est possible de rattacher cette pique à l'égard de Steichen à son différend avec Newhall.

22 « It is not the 'thing-in-itself' recorded, but a fixed representation of it. », N. Lyons, in N. Lyons, Syl Labrot, Walter Chappell, Under the Sun. The Abstract Art of Camera Vision, New York, Aperture, 1972, n. p.

23 Cf. Jean Kempf, “American photography in France since World War II. Was France liberated by the United States ?”, in David Nye et Mick Gidley(dir.), American Photographs in Europe, Amsterdam, Vu University Press, 1994, p. 209.

24 « Dans le passé, nous aurions sans doute défini le travail des photographes représentés dans cet ouvrage en utilisant les termes de “documentaire” ou "réalisme social", etc. Ces catégories nous auraient peut-être aidé à guider et organiser notre pensée, mais il nous faut admettre que dans ce cas nous […] n'aurions fait qu'esquiver la question vraiment importante, à savoir qu'est-ce que ces hommes – ces photographes – ont pu nous apporter comme expérience dans le cadre de nos vies ? » (« In the past we might have assessed the work of the photographers in this book by using the term documentary or social realism, etc. While this might have helped to guide and organize our thinking, we… [have] barely recognize[d] the challenging question, what have these men—these photographers—contributed as experience to our lives? »), N. Lyons, introduction, Toward a Social Landscape, op. cit., p. 6.

25 « The photograph…is not a picture of something but is an object about something. », Robert Heinecken, “The Photograph : Not a Picture of, but an Object about Something”, ADLA (oct. 1965), n. p., cit. in Charles Desmarais, Proof: Los Angeles Art and the Photograph 1960-1980, cat. exp., Laguna Beach, Californie, Laguna Art Museum, 1993, p. 21.

26 Cf.correspondance électronique avec N. Lyons, 18 février 2007.

27 Ibid.

28 « Thus he was likely to claim that what our eyes saw was an illusion, and what the camera saw was the truth. », John Szarkowski, The Photo­grapher's Eye, New York, The Museum of Modern Art, 1966, p. 8.

29 Cf.N. Lyons, introduction, inPhotography in the Twentieth Century, cat. expo., New York, Horizon Press, en collaboration avec The George Eastman House, Rochester, 1967, p. vii.

30 «[…] characteristics and problems that have seemed inherent in the medium.», suit la liste des cinq chapitres qui structurent le livre: “The Thing Itself”, “The Detail”, “The Frame”, “Time”, “Vantage Point”, J. Szarkowski, op. cit., p. 7.

31 « Il ne me semble pas difficile de croire que des photographes qui sont concernés par la question de l'authenticité et par l'impact réel des événements et des objets aient, consciemment ou inconsciemment, adopté une des formes d'images les plus authentiques qu'aient produites la photographie [à savoir l'instantané]. Le caractère direct de leur commentaire sur "les gens et les choses" ne vise pas une définition mais une clarification du sens de la condition humaine. » («I do not find it hard to believe that photographers who have been concerned with the question of the authentic relevance of events and objects should consciously or unconsciously adopt one of the most authentic picture forms photography has produced. The directness of their commentary of 'people and people things' is not an attempt to define but to clarify the meaning of the human condition.»), N. Lyons, introduction, inToward a Social Landscape, op. cit., p. 7.

32 Cf. William Jenkins, The Extended Document, An Investigation of Information and Evidence in Photographs, cat. exp., International Museum of Photography at George Eastman House, Rochester, New York, 1975.

33 Cf. le titre de l'exposition organisée par John Szarkowski au MoMA en 1967.

34 Cf. Jean-Claude Lemagny, in Gilles Mora, Claude Nori, 20 ans de photographie créative en France 68/88, Cahiers de la photographie, n° 24, 1989, p. 145.

35 Le commissaire de l'exposition était Pierre de Fenoÿl.

36 Cf. W. Jenkins, introduction, inNew Topographics. Photographs of a Man-altered Land­scape, cat. exp., Rochester, International Museum of Photography at George Eastman House, 1975, p. 6.

37 François Hers et Bernard Latarjet, "L'Expérience du paysage", inPaysages Photographies. 1984-1988 La Mission photographique de la Datar, Paris, La Mission photographique de la Datar/éd. Hazan, 1989, p. 16.

38 Cf. ibid., Pierre de Fenoÿl, entretien avec Claire Devarrieux (1988), p. 391.

39 Ibid., p. 13.

40 Cf.entretien avec François Hers, Paris, 19 avril 2007. Interrogé sur l’exemple des “New Topographics”, François Hers a, au cours du même entretien, exprimé quelques regrets sur la Mission photographique de la Datar dont le résultat d’ensemble lui semble rétrospectivement avoir manqué de la « violence » mise en avant par les photographes de l’exposition américaine. D'autre part, Jean-François Chevrier, dans son historique de la photographie de paysage publié dans le premier catalogue de la Mission photographique de la Datar décrit “NewTopographics” comme un événement majeur, cf. Jean-François Chevrier, “La photographie dans la culture du paysage…”, inPaysages Photographies. La Mission photographique de la Datar. Travaux en cours 1984-1985, cat. exp., éd. Hazan, 1985, p. 386-389.

41 F. Hers et B. Latarjet, op.cit., p. 19.

42 « What I hope to document, though not at the expense of surface detail, is the Form that underlies this apparent chaos. », Robert Adams, cit. in W. Jenkins, op. cit., p. 7.

43 G. Mora, “Matière, acte photographiques : vingt ans de création continue”, in G. Mora, C. Nori, op. cit., p. 51.

44 Cf. Raymond Depardon, Le Désert américain, Paris, Éditions de l'Étoile, 1983.

45 G. Mora, op. cit., p. 51.

46 Cf. entretien avec Jean-Louis Garnell, Paris, 25 mai 2007.

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Pour citer cet article

Référence papier

Larisa Dryansky, « Le musée George-Eastman »Études photographiques, 21 | 2007, 74-93.

Référence électronique

Larisa Dryansky, « Le musée George-Eastman »Études photographiques [En ligne], 21 | decembre 2007, mis en ligne le 18 septembre 2008, consulté le 30 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/1082

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Auteur

Larisa Dryansky

Université Paris I

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Droits d’auteur

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