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Jean-François Steiner

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Jean-François Steiner
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Jean-François Steiner (nom à l'état civil : Jean-François Cohen) est un écrivain français né le dans la région parisienne. Il est essentiellement connu pour son roman controversé Treblinka paru en 1966 et pour sa participation dans les années 1990 à la défense de Maurice Papon.

Jean-François Steiner est né dans la région parisienne. Il est le fils d'Isaac Kadmi Cohen, déporté et mort en 1944 à Gliwice dans un sous-camp d'Auschwitz. Après la guerre, sa mère se remarie avec le docteur Steiner qui l'adoptera et dont il prendra le nom comme nom de plume.

Après des études classiques au lycée Louis-le-Grand, Jean-François Steiner passe un an et demi en Israël. Il découvre la vie en kibboutz. Revenu en France, il commence une licence de philosophie à la Sorbonne.

En 1959, il résilie son sursis et s'engage dans un régiment parachutiste. Il sert en Algérie au 13e régiment de dragons parachutistes.

Il épouse en 1967 Grit von Brauchitsch, la petite-fille du Generalfeldmarschall Walther von Brauchitsch, commandant en chef de l'Armée de terre allemande de 1938 à 1942, et la fille de Bernd von Brauchitsch (en), premier aide de camp du Reichmarschal Hermann Göring.

Publié en , après le procès Eichmann, aux lendemains de l'affaire du Vicaire ainsi que du procès de Dusseldörf (de), le livre connaît un énorme succès. Il est célébré par Françoise Giroud, François Mauriac et Philippe Labro qui le considère alors comme « l’un des livres les plus importants écrits sur l’univers concentrationnaire ». Il est néanmoins l'objet d'une des polémiques majeures des années 1960 en France sur la Shoah[1], qui rebondit dans les années 1980-1990.

L'ouvrage se présente comme un roman[2] relatant l'histoire du camp d'extermination jusqu'à la révolte d' ; se disant composé à partir des témoignages des rescapés, il se place dans une perspective objective et documentaire[3]. Préfacé par Simone de Beauvoir et salué par Pierre Vidal-Naquet[4], François Mauriac[5], Joseph Rovan[6], Edmond Michelet[7] ou encore Pierre Daix[8], il rencontre un accueil très favorable, reçoit le Prix littéraire de la Résistance et devient un best-seller traduit dès 1967 en anglais, puis en allemand, espagnol, italien, japonais et néerlandais [9].

Écrit du point de vue d'un narrateur omniscient qui se place alternativement du point de vue des déportés et des nazis sans prendre apparemment parti, le roman donne une étrange impression de relief comme un contrepoint musical. La préface de Simone de Beauvoir souligne l'ambivalence de l'ouvrage : à la fois exemple de « courage » de l'auteur qui assume la collusion de la génération précédente avec sa propre extermination, et exaltation de la révolte finale. Pour Marie Bornand, « si le mode énonciatif scandalise dès l'abord […], il a pu être justifié et expliqué grâce à la caution biographique et testimoniale […] Le point de vue nazi est légitimé en tant que tactique de l'auteur : faire endurer au lecteur le poids de l'idéologie qui a écrasé les Juifs et les a conduits par millions au massacre »[10]. François Azouvi relève qu'« au moins deux lectures du livre seront donc possibles : une première qui retiendra surtout la « collaboration » des Juifs avec leurs bourreaux et leur docilité pour se faire massacrer, une seconde qui s'attachera à la révolte et en tirera une leçon de grandeur juive »[11]. À cet égard, il souligne que « Le livre de Steiner a été lu parce que son auteur a écrit et dit à la télévision ce que, jusque-là, on n'avait pas entendu : la saturation d'une génération juive nourrie aux récits de la déportation et pour laquelle il était déshonorant d'avoir eu un père mort à Auschwitz ou à Treblinka. »[11] Samuel Moyn (en) y voit à cet égard un phénomène générationnel[12]. Les années 1960 ont ainsi vu certains, comme Rabi, opposer favorablement la valorisation de la révolte dans Treblinka à l'insistance sur la collaboration des Juifs au sein des Judenräte de l'Eichmann à Jérusalem d'Hannah Arendt[13].

Lors de sa sortie cependant, le livre est accusé d'antisémitisme par Joseph Billig et David Rousset[14]. Ce dernier polémique à ce propos avec Simone de Beauvoir, notamment sur la nature spécifique ou non du génocide[15]. Claude Lanzmann juge à cette occasion inacceptable que Steiner reproche aux victimes de s'être « laissés mener à l'abattoir comme des moutons » en allant, dans le cas des membres du Sonderkommando, jusqu'à « aider les allemands dans leur besogne »[16]. Les historiens Michel Borwicz[17], Georges Wellers[18] et Léon Poliakov[19] s'élèvent également, comme de nombreux anciens déportés et une large partie de la presse yiddishophone[20], contre l'idée des Juifs censés avoir été complices de leur propre extermination.

La lecture du roman change plus tardivement, avec de nouveaux éclairages sur l'auteur et ses motivations, à un moment où les erreurs factuelles contenues dans le livre sont aussi plus évidentes grâce aux progrès des travaux académiques sur Treblinka[21]. C'est tout d'abord le cas après que Jean-François Steiner a reconnu en 1986, à l'occasion du procès Demjanjuk, que la partie consacrée à la mort d'Ivan le Terrible avait été réécrite par Gilles Perrault[22], suscitant alors le doute sur la sincérité de l'ouvrage, susceptible de répondre davantage à de prosaïques ambitions commerciales qu'au besoin personnel et mémoriel du fils d'un déporté juif mort dans un sous-camp d'Auschwitz[10].

Ces révélations entraînent un réexamen critique : Treblinka se révèle alors à lire au premier degré, comme une caution du discours antisémite. Pierre Vidal-Naquet déclare avoir été piégé, et juge finalement que le roman relève d'« une sous-littérature qui représente une forme proprement immonde d'appel à la consommation et au sadisme »[23]. Plus tardivement, Michaël Prazan souligne pour sa part le malaise provoqué tout au long du roman par l'insistance de l'auteur sur « la participation des Juifs à leur propre génocide, procédant ainsi à un dévidage de la culpabilité nazi », ainsi que par sa complaisance à décrire des scènes d'orgies sexuelles entre victimes et bourreaux : qu'il y eût une sexualité dans un tel lieu revenait à en réduire la nature criminelle[24]. Gitta Sereny, enfin, reconnait à Jean-François Steiner à la fois talent, sincérité et le mérite d'avoir finalement accepté de republier son livre en le présentant comme une fiction ; mais elle range son roman, au côté d'Au nom de tous les miens de Martin Gray, parmi ceux qui tout en étant partiellement vrais, seraient parmi les pires : « ce qu'il a produit finalement était un mélange de vérité et de mensonge, diffamant à la fois les morts et les vivants[25]. »

L'affaire Papon

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En 1997, Jean-François Steiner témoigne en faveur de Maurice Papon. Il évoque l'action du fonctionnaire pour sauver un ami juif et refuse de voir en lui un « criminel contre l'humanité »[26],[27]. Pour lui, Papon est « entièrement innocent », le procès étant « plus un acte de vengeance qu'un acte de justice »[28].

La Sémiométrie

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À partir du début des années 1980, Jean-François Steiner se livre à des recherches en sémantique quantitative qui aboutiront à la création d'une méthode permettant de reconstruire mathématiquement ce qu'il appelle un espace de sens, la sémiométrie. Il développe commercialement cette méthode en collaboration avec le groupe TNS SOFRES.

  • Treblinka : la révolte d'un camp d'extermination (préf. Gilles Perrault et Simone de Beauvoir), Alleur, Paris, Évreux, Montrouge, le Livre de poche, coll. « Le Livre de poche » (no 2448), (réimpr. 1968 (BNF 33182702) c/o Club français du livre, coll. « Récits » (no 51) ; 1970 (BNF 35303324) c/o le Cercle du bibliophile, coll. « Le Cercle du bibliophile. L'Histoire en marche » ; 1974 (BNF 35327469), coll. « Club pour vous Hachette » ; 1985 (BNF 34912085) c/o éditions Marabout, coll. « Marabout université. Histoire » (no 451) ; 1994 c/o Fayard) (1re éd. 1966 c/o Fayard BNF 33182701), 398 p. (BNF 33182703).
  • Si Paris..., Paris, Balland, 1970, photographies de Daniel Chaplain. Ouvrage orné de photomontages montrant la tour Eiffel dans les sables, le pont des Soupirs entre les immeubles du magasin le Printemps, un iceberg sur la Seine, la grande pyramide place de la Concorde, etc.
  • Les Métèques, Paris, Fayard, 1970.
  • Varsovie 44, l'insurrection, (témoignages et documents réunis et traduits par Jean-François Steiner), Paris, Flammarion, 1975.
  • La sémiométrie – Essai de statistique structurale, en collaboration avec Ludovic Lebart et Marie Piron, Paris, Dunod, 2003 (ISBN 978-2-7021-4681-1).

Bibliographie

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  • Marie Bornand, Témoignage et fiction : les récits de rescapés dans la littérature française (1945-2000), volume 416 de Histoire des idées et critique littéraire, Librairie Droz, 2004, 252 p. (ISBN 978-2-600-00951-5).
  • Didier Daeninckx, « De Treblinka à Bordeaux… », Revue d'Histoire de la Shoah, no 166, mai-, p. 89-99.
  • (en) Samuel Moyn, « From l'Univers Concentrationnaire to the Jewish Genocide : Pierre Vidal-Naquet and the Treblinka Controversy », dans Julian Bourg, After The Deluge : New Perspectives on the Intellectual and Cultural History of Postwar France, Lexington Books, 2004, 426 p. (ISBN 978-0-739-10792-8).
  • (en) Samuel Moyn, A Holocaust Controversy : The Treblinka Affair in Postwar France, UPNE, 2005, 220 p. (ISBN 978-1-584-65509-1).
  • Michaël Prazan, L'Écriture génocidaire : l'antisémitisme en style et en discours, de l'affaire Dreyfus au , Calmann-Lévy, 2005, 352 p.

Articles connexes

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Notes et références

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  1. Sur le contexte particulier dans lequel éclate l'affaire Treblinka, voir François Azouvi, Le Mythe du grand silence : Auschwitz, les Français, la mémoire, Fayard, 2012, 500 p. (ISBN 978-2-213-67305-9), sur les liens qu'il qualifie d'étroits entre les polémiques sur le roman de Steiner et celles sur l'Eichmann à Jérusalem d'Hannah Arendt, qui éclatent la même année. Il résume ainsi ce contexte : « Il me semble qu'on se trouve, en France et hors de France, à la croisée de deux chemins. d'un côté, la génération de ceux qui sont nés dans les années quarante cherche des responsables au génocide et ne se satisfait pas de ce qu'elle appelle la « passivité » des Juifs de la déportation. Nous allons le voir avec le cas emblématique de Jean-François Steiner. De l'autre, la génération antérieure s'achemine au contraire vers une interprétation du génocide qui rend inopportune, voir odieuse, la question de la résistance ou de la docilité. Après avoir beaucoup dit que les Juifs étaient morts pour la patrie, pour la sanctification du Nom, ou pour l'humanité, on commence à oser dire qu'ils sont morts sans justification aucune, pour « rien ». »
  2. Antoine Compagnon, « La polémique Treblinka », sur college-de-france.fr, (consulté le ).
  3. Sidra DeKoven Ezrahi, By Words Alone : The Holocaust in Literature, University of Chicago Press, 2008, 276 p. (ISBN 978-0-226-23337-6), p. 30-31. ainsi que George Steiner, George Steiner : A Reader, Oxford University Press, 1987, 448 p. (ISBN 978-0-195-05068-4), p. 254, qui souligne Steiner a interviewé 28 rescapés de Treblinka.
  4. Pierre Vidal-Naquet, « Treblinka et l’honneur des Juifs », Le Monde, 2 mai 1966.
  5. François Mauriac, « Bloc-Notes », Le Figaro littéraire, 5 mai 1966.
  6. Joseph Rovan, Esprit, juin 1966.
  7. Edmond Michelet, « Treblinka », Le Monde, 2 avril 1966.
  8. Pierre Daix, « La vérité de Treblinka », Les Lettres françaises, 7 avril 1966, p. 4.
  9. Samuel Moyn, « From l'Univers Concentrationnaire to the Jewish Genocide : Pierre Vidal-Naquet and the Treblinka Controversy », dans Julian Bourg, After The Deluge : New Perspectives on the Intellectual and Cultural History of Postwar France, Lexington Books, 2004, 426 p. (ISBN 978-0-739-10792-8), p. 296, note 22.
  10. a et b Marie Bornand, Témoignage et fiction : les récits de rescapés dans la littérature française (1945-2000), Librairie Droz, 2004, p. 74-75.
  11. a et b François Azouvi, Le Mythe du grand silence : Auschwitz, les Français, la mémoire, op. cit., p. 
  12. (en) Samuel Moyn, A Holocaust Controversy : The Treblinka Affair in Postwar France, UPNE, 2005, 220 p. (ISBN 978-1-584-65509-1).
  13. Rabi, « Débat sur Treblinka », L'Arche, no 111, mai 1966.
  14. (en) Samuel Moyn, A Holocaust Controversy : The Treblinka Affair in Postwar France, op. cit., p. 62, 182.
  15. David Rousset, « L'affaire Treblinka : les Juifs accusent », Le Nouveau Candide, 18 avril 1966 et « L'affaire Treblinka : nous ne sommes pas morts comme des moutons », Le Nouveau Candide, 25 avril 1966 ainsi que Le Nouvel Observateur, 11 mai 1966. Voir François Azouvi, Le Mythe du grand silence : Auschwitz, les Français, la mémoire, op. cit., p. 
  16. Simone de Beauvoir, Richard Marienstras, Claude Lanzmann, « Ils n'étaient pas des lâches », Le Nouvel Observateur, 27 avril 1966.
  17. L'Arche, no 110, avril 1966.
  18. Georges Wellers, Serge Klarsfeld, Mémoire du génocide : un recueil de 80 articles du Monde juif, Centre de documentation juive contemporaine, 1987, 702 p. (ISBN 978-2-902-04103-9), p. 274.
  19. Léon Poliakov, Combat, 10 juin 1966 et « Treblinka : vérité et roman (Jean- François Steiner : Treblinka) », Preuves, mai 1966, p. 72-76.
  20. François Azouvi, Le Mythe du grand silence : Auschwitz, les Français, la mémoire, op. cit.
  21. Voir par exemple Yitzhak Arad, Belzec, Sobibor, Treblinka : the Operation Reinhard death camps, Indiana University Press, 1987, 437 p. (ISBN 9780253213051).
  22. Interview, Le Journal du Dimanche, 30 mars 1986.
  23. Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, Paris, 1987, p. 193.
  24. Michaël Prazan, L'Écriture génocidaire : l'antisémitisme en style et en discours, de l'affaire Dreyfus au 11 septembre 2001, Calmann-Lévy, 2005, 352 p. (ISBN 978-2-702-14681-1).
  25. (en) Gitta Sereny, The German Trauma : Experiences and Reflections 1938-1999, Penguin, 2001, 416 p. (ISBN 978-0-140-29263-3), p. 145.
  26. Pascale Nivelle, « Maurice Papon devant ses juges. Le chant des partisans de Papon. L'académicien Maurice Druon figurait hier par les témoins de moralité », liberation.fr, 23 octobre 1997.
  27. Catherine Erhel, Le Procès de Maurice Papon : 8 octobre 1997-8 janvier 1998, Albin Michel, 1998, 952 p. (ISBN 978-2-226-09605-0), p. 292-293 ; Sorj Chalandon, Pascale Nivelle, Crimes contre l'humanité : Barbie, Touvier, Bousquet, Papon, Plon, 1998, 517 p. (ISBN 978-2-868-39564-1), p. 360. Voir également la postface de Jean-François Steiner dans Hubert de Beaufort, Michel Bergès, Affaire Papon : la contre-enquête, Guibert, 1999, 356 p. (ISBN 978-2-868-39564-1), p. 333-334.
  28. « Affaire Papon : la contre enquête. Un scandale à quatre points de vue… »