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Chasseur-cueilleur

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Cérémonie de la Kirikoraha chez les Veddas (île de Ceylan) pour se concilier les faveurs de la déesse de la chasse, Kande Yaka.

Le chasseur-cueilleurÉcouter est un humain dont le mode de vie est fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette. Historiquement, ce sont les premiers modes de subsistance de l'espèce humaine, qui consistent en un prélèvement de ressources directement dans la nature. Cette stratégie peut toutefois s'accompagner localement de stratégies de sélection, avec une transformation qui va jusqu'à nécessiter l'usage de pierre polie ou de céramique. Les sociétés du Paléolithique ont toutes été composées de chasseurs-cueilleurs et de nombreuses sociétés passées étudiées par le monde moderne le sont aussi ; il est cependant difficile d'utiliser les données de l'ethnographie relevées à l'époque moderne pour tenter de reconstituer les sociétés passées.

De manière générale, l'ensemble de l'humanité était formée de chasseurs-cueilleurs jusqu'à la révolution néolithique (étant également perçue comme un processus, la néolithisation, allant du Mésolithique au Néolithique). Certains peuples sont encore aujourd'hui des chasseurs-cueilleurs modernes : ils sont toutefois très minoritaires, et ont connu d'importants métissages avec des populations agricoles. Ils vivent tous au contact et sous la domination politique de sociétés agricoles et industrielles, à l'exception des Sentinelles.

Le terme plus général de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs, chasseurs-cueilleurs-stockeurs ou chasseurs-collecteurs/chasseuses-collectrices (collectant en plus le bois et l'eau) est parfois utilisé[1].

Terminologie

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Autrefois, les termes de « chasseur-trappeur » ou de « fermier-trappeur » concurrençaient celui de chasseur-cueilleur. Venue de Scandinavie, cette dénomination supposait une économie de prédation paléolithique et définissait mal les chasseurs-cueilleurs contemporains. Aujourd'hui, on trouve des cueilleurs-chasseurs en Arctique, dans les forêts tropicales humides où les autres formes de subsistance sont impossibles. La plupart de ces groupes n'ont pas toujours été cueilleurs-chasseurs et vivent souvent au contact, plus ou moins direct, de sociétés agricoles avec lesquelles ils commercent et ont éventuellement des liens familiaux. De nombreux chasseurs-cueilleurs contemporains ont des ancêtres fermiers qui ont été repoussés dans des zones périphériques au cours de migrations et de guerres.

Sur la surface du globe un grand nombre de populations de chasseurs-cueilleurs s'est lentement néolithisé, comme ce fut le cas en France (entre le VIe et le Ve millénaire av. J.-C.)[2]. En Afrique de l'Ouest après l'apparition de la céramique vers 11 500 avant le présent, dans des populations de chasseurs-cueilleurs[3] la sécheresse grandissante du Sahara vers 2000 av. J.-C. a poussé des populations d'éleveurs, de bergers nomades, vers le Sud, introduisant des innovations et les premiers paysans sédentaires y apparaissent alors vers 1500, et peu après, au XIVe siècle av. J.-C., la technologie du fer. Au Japon des conditions favorables ont permis l'évolution de pêcheurs (et chasseurs)- cueilleurs sédentaires pendant la longue période Jōmon (de 15000 jusqu'en 300 av. J.-C.), alors qu'ils étaient parmi les premiers inventeurs de la céramique avec des chasseurs-cueilleurs en Chine entre 17 000 et 15 000 av. J.-C. Les chasseurs-cueilleurs possédaient, pour certains, des technologies et des pratiques, comme la sédentarité, totale ou opportuniste, autrefois considérées comme spécifiques du Néolithique. Ils possédaient certainement aussi d'autres savoirs (liés à des matériaux qui ne se sont pas conservés pour diverses raisons, dont l'acidité du sol) et des traits culturels complexes (comme leur législation) qui n'ont pas laissé de traces. L'invisibilité archéologique, pour ce qui concerne les sociétés de chasseurs-cueilleurs disparues, est un problème essentiel. Il est donc nécessaire de remettre en question l'usage systématique de l'expression « sociétés complexes » employé pour distinguer des sociétés où les signes de hiérarchie sociale ont été conservés par certaines pratiques funéraires et certains matériaux, qui les oppose aux sociétés de chasseurs-cueilleurs a contrario « simples »[4].

Aujourd’hui, on[Qui ?] estime que ces communautés de chasseurs-cueilleurs disparaîtront d'ici à quelques décennies[réf. nécessaire]. La colonisation et l'industrialisation participent à ce processus très rapide et leur santé est mise en péril dans ce changement[5].

Mode de vie

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Baies sauvages de la forêt de Sumatra.

Habitat et constructions diverses

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San du Botswana construisant une hutte de branchages.

L'habitat et les constructions correspondent autant au rythme des activités et à leurs durées qu'à ces activités elles-mêmes dans leur diversité, sachant que les chasseurs-cueilleurs ont aussi eu d'autres pratiques, que certaines les ont conduits à des activités semi-sédentaires, etc.

En général, changeant plusieurs fois de lieu de résidence dans l'année, ils ne consacrent que le travail indispensable pour ce qui sert temporairement de maison. Pour cela ils transforment des peaux ou des écorces pour en faire des tentes, éventuellement. Ils construisent aussi des huttes de branchages ou des pare-vent, ou utilisent des abris sous roche faciles à aménager[6].

Les chasseurs-cueilleurs n'utilisent que des matériaux disponibles dans la nature pour construire des abris. Mais ces matériaux sont nombreux et ils sont souvent transformés de manière plus ou moins complexe. Ils utilisent, entre autres, des abris sous-roche qui n'ont besoin que de peu d'aménagements. Ces abris protègent des intempéries et des autres prédateurs. La plupart des établissements de plein-air des chasseurs-cueilleurs furent désertés quand le climat, qui s'était réchauffé, se refroidit durant 1 200 ans. Vers 9 600 av. J.-C., les températures augmentèrent de nouveau et des villages réapparurent.

On a découvert en Sibérie des structures habitables construites par des chasseurs-cueilleurs avec des ossements de mammouths, leur taille pouvant être de grandes dimensions[7].

Mobilité, semi-sédentarité et sédentarité des chasseurs-cueilleurs

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Certains groupes de chasseurs, comme les Hadza de Tanzanie, doivent parcourir d'importantes distances pour se procurer du gibier.

Le chasseur-cueilleur (ancien et moderne) peut devenir nomade lorsque les ressources naturelles viennent à manquer, mais il peut aussi se contenter de se déplacer un peu pour revenir au même endroit quelque temps plus tard en ayant préparé son retour auparavant.

La grande majorité des sociétés de chasseurs-cueilleurs sont plus ou moins nomades. Habituellement, les ressources autour d'un campement sont épuisées au bout d'un certain temps, comme une saison, rendant nécessaire la déplacement du groupe ou sa semi-sédentarité, saisonnière par exemple. Ainsi, en Amérique du Nord-Ouest, la remontée annuelle des saumons fait saison.

Il y a toutefois des « exceptions »[8] : comme les Haïdas de la Colombie-Britannique qui ont pu se sédentariser dans une région suffisamment riche, ce fut le cas aussi au cours de la période Jōmon[9] au Japon.

La semi-sédentarité est une stratégie typique des chasseurs-cueilleurs comme dans la Chine ancienne, au Sud comme au Nord, correspondant à la période d'occupation de la grotte de Yuchanyan, avec la plus ancienne céramique du monde (en 2014) qui peut être assimilée aux signes avant-coureurs de la néolithisation en Chine.

Un mode de vie de chasseur-cueilleur nomade n'exclut pas la possibilité de lieux de grands rassemblements périodiques permettant notamment le troc, les unions maritales afin d'éviter la consanguinité, et des pratiques religieuses. Ils peuvent même conduire à l'érection de structures pérennes comme Stonehenge ou Göbekli Tepe.

Le mégalithisme exige une concentration temporaire de population et des cordes solides. La construction de tumulus et de chambres funéraires peut s'interpréter comme un culte des (grands) ancêtres, et/ou comme la ploutocratie ostentatoire de sociétés élitistes.

Formes spécifiques d'agriculture, pratiques culinaires et outillage

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De très nombreuses découvertes, surtout depuis les années 2000, en particulier en alliant les disciplines archéologiques et anthropologiques[10], ont montré que les cultures de chasseurs-cueilleurs ont donné à l'humanité certaines inventions fondamentales qui étaient autrefois attribuées aux sociétés du Néolithique. Parmi ces innovations : la pierre polie et la céramique, la domestication du chien et la sélection de certaines espèces végétales, certaines formes d'agriculture comme la sylviculture. Ceci pose des questions nombreuses, terminologiques (la néolithisation[11], la classification des sociétés en « plus ou moins complexes »[12], etc.) mais aussi d'ordre méthodologique.

La chasse des animaux sauvages est destinée à s'alimenter, à utiliser les os pour fabriquer des outils et à s'habiller de leurs peaux cousues avec des aiguilles d'os et des fils de matières végétale ou animale. Le chasseur-cueilleur sait aussi tresser et fabriquer des fils et des cordes. Il pêche grâce à des ressources également prélevées, comme les harpons fabriqués en corne ou en os poli et façonné, mais aussi sur rivière avec barrages, filets, puis avec canots de peaux cousues, pirogues d'écorce, pirogues monoxyles ou embarcations de roseaux.

Il cueille de nombreuses espèces de fruits (en particulier des noix et éventuellement des glands) et des plantes diverses (dont des graminées ou des bulbes) pour se nourrir et se soigner. L'homme prélève sa nourriture, il ne la produit que rarement. Il peut la transformer par séchage, fumage, fermentation, macération. Le chien, unique animal domestique des chasseurs-cueilleurs paléolithiques[13], est élevé comme auxiliaire de chasse et non pour la production de viande.

L'alimentation préhistorique des chasseurs-cueilleurs peut être connue par différentes méthodes : analyse des repas conservés dans les sites préhistoriques (éclats lithiques, tessons de poteries, ossements d'animaux, restes de graines et de fruits minéralisés ou carbonisés)[14] ; étude des isotopes stables du carbone, de l'oxygène et de l'azote dans la matière organique des ossements humains, permettant en plus d'estimer la part de l'alimentation végétale/animale ou terrestre/marine dans le régime alimentaire[15] ; rapports entre le baryum et le strontium ou le baryum et le calcium présents dans l'émail dentaire, qui permettent de préciser le type de viande d'herbivores ingéré[16] ; analyse des particules piégées dans le tartre dentaire (pollen, grains d'amidon, phytolithes)[17].

Même si ces populations ont pu pratiquer une forme embryonnaire d'agriculture-horticulture sur des lopins de terre, les plantes sur lesquelles elles veillaient restaient souvent à l'état sauvage. Cela dit les populations de chasseurs-cueilleurs de la période Jōmon[9] ont manifestement pratiqué la sylviculture et la sélection des arbres produisant les fruits les plus gros : les châtaignes et les glands : favoriser la repousse, proto-domestication, agriculture de décrue, sarclage, enclosure.

Comme il est attesté que ces populations, en Chine et au Japon, ont consommé de grandes quantités de coquillages ainsi que des châtaignes et des glands, il semble qu'il ait été nécessaire d'utiliser des récipients de céramique pour les cuire et rendre consommable coquillages et glands (ceux-ci doivent être cuits afin d’éliminer leur acide tannique). Meules et broyons se rencontrent aussi pour la préparation des végétaux sauvages (glands, châtaignes, etc. qui firent apparemment l'objet d'une sélection, et peut-être d'une sylviculture), des fragments de galettes ont été retrouvées en milieu humide[9].

Outillage et inventivité

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Boomerangs d'aborigènes d'Australie.

L'économie des chasseurs-cueilleurs est dépendante d'un outillage adapté. Celui-ci a longtemps été réduit aux objets obtenus par la taille de la pierre, fragments résiduels d'outils plus ou moins complexes, et qui se sont bien conservés, mais l'étude systématique de leurs industries lithiques a montré dans un premier temps la diversité des outils obtenus par percussion, et la complexité de cette pratique. Pointes de lances, ou autres outils de jet comme les bolas[note 1]. Pour une archéologie du geste :Sophie Archambault de Beaune 2000. En particulier pages 92 et suivantes. Ils ont aussi découvert le polissage de la pierre : on vient de trouver (en 2012) des haches de ce type signalées par Alain Testart[20], dans une culture d'Australie d'il y a 35 000 ans. Cet auteur fait remarquer que la pierre polie, tout comme la céramique, apparaissent dans des cultures de chasseurs-cueilleurs, alors que l'on a cru longtemps que ces techniques étaient des marqueurs de sociétés néolithiques. En effet les premières céramiques sont, en 2011, celles découvertes en Chine du Sud dans la grotte de Yuchanyan et à peu de temps de là, au cours de la période Proto-Jōmon sur les sites de Simomouchi et celui d'Odai Yamamoto datés à 17000 et 15000 av. J.-C.[21]. Et par ailleurs le désert occidental d'Égypte a livré une première poterie de 7500 av. J.-C., le Soudan ancien vers 7000 av. J.-C., et le Mali vers 9400 av. J.-C.[22].

Densité de population

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Les populations de chasseurs-cueilleurs sont très peu denses : Dans les régions qui permettent l'agriculture, la campagne peut nourrir de 60 à 100 fois plus de population que le mode de vie de chasse et de cueillette sur la même surface. Grâce au développement de l'agriculture, la population du continent européen est progressivement passée de 300 000 chasseurs-cueilleurs à 30 millions d'habitants, au cours d'une longue transition, qu'on situe globalement à l'Épipaléolithique ou au Mésolithique, à commencer par les Natoufiens, chasseurs-cueilleurs à régime alimentaire à large spectre, vivant dans les premiers hameaux sédentaires.

Des populations de chasseurs-cueilleurs n'ont pas su ou pas pu (circonscrits, enclavés, chassés), ou pas voulu, abandonner un mode de vie souvent exigeant mais moins contraignant que la sédentarité céréalière.

Structures sociales

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La division sexuée du travail

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La question de la division sexuelle du travail dans les sociétés de la préhistoire est actuellement en évolution.

Certaines positions binaires sur la place des femmes dans les sociétés préhistoriques résultent de stéréotypes de genre. Selon l'historienne des sciences Claudine Cohen, les idées sur la division sexuée du travail « trouvent leur source au XIXe siècle, mais ont été largement reprises à la base de maintes réflexions contemporaines sur la division sexuelle du travail. À partir des années 1960 furent élaborés, essentiellement dans le domaine anglo-américain, des scénarios d'hominisation qui mettaient en scène, aux origines de l'humanité, le partage des rôles masculins et féminins »[23]. Ces idées avancent que le néolithique est marqué par une « dévalorisation des activités effectuées par les femmes alors que les hommes recherchent le prestige par la chasse et la guerre[24] ». L'idée d'une division genrée, considérée comme un « modèle comportemental ancestral », s'est notamment imposée avec un symposium Man the Hunter (en) tenu sur le sujet à Chicago en 1966[25]. Ces généralisations réduisaient la répartition des tâches à de simples dichotomies : l'homme part loin chasser tandis que la femme cueille et reste au campement ou à la caverne (la cueillette de fruits et de végétaux, le déterrage de tubercules et la récolte d’œufs par les femmes représentaient fréquemment la majorité des calories obtenues[26]) ; l'homme apporte la nourriture et la femme la prépare et la cuit ; l'homme travaille les matériaux durs tandis que la femme moins forte physiquement travaille les matériaux souples ; l'homme fabrique et utilise les outils élaborés tandis que la femme privilégie les outils sommaires[27]. Selon une étude archéologique publiée en 2020 dans Science Advances, qui s'appuie sur des excavations réalisées en 2018 au Pérou dans six sépultures datant d’il y a 9 000 ans, ainsi qu'une méta-analyse portant sur 429 squelettes retrouvés dans 107 lieux américains de sépulture, la participation des femmes à la chasse était de l’ordre de 30 à 50 %[25].

Certains peuples ont encore actuellement un mode de vie de chasseur-cueilleur dans laquelle le travail des femmes, très lourd, est encadré par des traditions. Sous d'autres formes ces pratiques de division sexuelle du travail se sont répétées jusqu'à aujourd'hui. Alain Testart, anthropologue et ethnologue français, publie en 1979 un article sur les sociétés de chasseurs-cueilleurs[28]. Il y développe deux problématiques : la première traite des ressemblances entre le modèle de vie des sociétés de chasseurs-cueilleurs contemporaines et celui des sociétés du Paléolithique. La seconde redéfinit la « révolution néolithique », ou mieux la néolithisation comme processus lent, en attribuant le passage vers un mode agro-pastoral à la découverte de techniques de stockage (greniers légers sur pilotis, tas dans pièce principale, grands paniers, silo simple, fosse à stockage). Il développe, sous un nouvel angle, cette étude en 2014 dans L'Amazone et la Cuisinière : anthropologie de la division sexuelle du travail[29] où il remet en question l'idée commune selon laquelle les travaux demandant de gros efforts sont réservés aux hommes : d'autres règles, non dites, régissent les attributions des travaux aux hommes et aux femmes depuis que les chasseurs-cueilleurs se sont fondés sur leurs représentations du sang (notamment le sang menstruel) pour structurer les représentations sociales et la constitution du genre[30]. « Pendant des millénaires et probablement depuis la préhistoire, la division sexuelle du travail provient de ce que la femme a été écartée des tâches qui évoquaient trop la blessure secrète et inquiétante qu'elle porte en elle ». Le sang menstruel, aux pouvoirs magiques, ne doit pas être mélangé à celui de l'animal, alors que les hommes perdent leur sang pour des raisons connues (blessures lors de la chasse ou de la guerre)[31]. Françoise Héritier fait la même analyse : « il se pourrait que ce soit dans cette inégalité-là, maîtrisable versus non maîtrisable, voulu versus subi, que se trouve la matrice de la valence différentielle des sexes, qui serait donc elle aussi inscrite dans le corps, dans le fonctionnement physiologique, ou qui procéderait, plus exactement, de l'observation de ce fonctionnement physiologique »[32].

Selon l'hypothèse de la grand-mère, la ménopause chez les femmes aurait permis à celles-ci, en devenant grand-mères, de se spécialiser dans la tâche d'élever ses petits-enfants, déchargeant les mères de cette tâche et transmettant leur expérience[33], cette division sexuelle du travail favorisant un investissement parental différencié[34].

Sociétés égalitaires ou non

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Par ailleurs les sociétés de chasseurs-cueilleurs tendent à ne pas avoir de structures sociales hiérarchiques, mais ce n'est pas toujours le cas. Le nomadisme leur permet d'éviter l'accumulation de bien, source de l'inégalité. Elles évitent donc d'entretenir des dirigeants, artisans ou fonctionnaires à plein-temps. La réalité est certainement plus complexe, comme le montre l'ethnologie, car il peut y avoir stockage pas simplement de ressources domestiquées mais aussi de ressources sauvages chez les chasseurs-cueilleurs-stockeurs. On peut cependant diviser les sociétés de chasseurs-cueilleurs en deux tendances selon le mode de redistribution[35] :

  • les sociétés égalitaires, avec une redistribution immédiate, et consommation de leur prédation ou production en un jour ou deux,
  • les sociétés inégalitaires, avec stockage de surplus et redistribution différée : richesse ostentatoire, poteaux funéraires, mâts-totems, grandes fêtes "distributives"...

Dans les sociétés égalitaires, les systèmes familiaux sont différents de ceux des sociétés de cultivateurs et éleveurs ou des sociétés industrielles : classes matrimoniales, exogames, non hiérarchisées.. Ainsi, dans des sociétés sans richesse, avec quête (masculine) de partenaire sexuel (pour la première épouse), dans le "service pour la fiancée", le fiancé se met au service de son beau-père (et de sa belle-famille) pour une longue durée (mois ou années de corvée, asservissement et humiliation). La richesse est alors facteur de libération, pas par thésaurisation, mais par fabrication de produits matériels durables (capables de remplacer le travail forcé) : piège, arc, hache, canot, tête de bétail, esclave...

Dans tous les cas, l'esclavagisme est possible (et temporaire, jusqu'à consommation), selon Alain Testart.

« Les sociétés de cueilleurs-chasseurs ne sont pas plus égalitaires que les nôtres, elles sont traversées, structurées peut-on même dire, par des rapports de dépendance et/ou de force (pas nécessairement héréditaires) [...] La nouveauté du néolithique, c'est l'existence d'inégalités socio-économiques, c'est-à-dire la différenciation entre riches et pauvres » (Testart, Avant l'Histoire, p. 413).

L'anthropologue français Pierre Clastres décrit les communautés de chasseurs-cueilleurs comme des sociétés ignorant l'exploitation de l'homme par l'homme : "Qu'est-ce qu'une société primitive ? C'est une société non divisée, homogène, telle que si elle ignore la différence entre riches et pauvres, a fortiori, l'opposition entre exploiteurs et exploités en est absente." (Pierre Clastres, Le retour des Lumières, 1977.)

Regards contemporains sur les chasseurs-cueilleurs

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Le XIXe siècle pose un regard un peu hautain sur ce mode de vie jugé « primitif »[36]. Par la suite, outre une vision moins éclatée de l'humanité, ce mode de vie s'avère peu contraignant et permet de développer une vie culturelle en harmonie avec l'environnement. L'anthropologie prend tardivement ses distances avec l'ethnocentrisme et un formalisme économique gênant la lecture rationnelle. En témoigne Âge de pierre, âge d'abondance de Marshall Sahlins[37], ouvrage servant toujours de référence aux anthropologues actuels.

Néo-cueilleurs et néo-chasseurs

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Le mouvement de « retour à la nature » alimenté par des pratiques, des représentations et des transformations désignées par les sociologues sous le concept de néoruralisme, se traduit notamment par la réhabilitation des petites productions fermières, de l'entretien et de l'élevage de races locales, de la cueillette et de la chasse, etc. Si certains néoruraux manifestent des réticences envers la chasse, d'autres reconnaissent l'importance des savoirs écologiques des chasseurs ainsi que des pêcheurs, soucieux du devenir de leurs espèces ressources. Les néo-chasseurs et néo-cueilleurs participent ainsi à ce mouvement de « retour à la nature » longtemps regardé avec condescendance. Ainsi au XXIe siècle, sous la façade visible des activités de chasse, de pêche et de cueillette des plantes sauvages (pratique popularisée en France par l'ethnobotaniste François Couplan), se dissimulent en fait des attitudes hétéroclites car elles peuvent remplir des fonctions diverses, alimentaire, éducative, sportive, récréative[38]... Ces plantes perçues comme un signe de pauvreté pendant une bonne partie du XXe siècle, ont même à présent « le vent en poupe » jusqu'à devenir parfois produits de luxe avec les recherches culinaires de ceux qui, à l'instar des chefs étoilés Michel Bras et Marc Veyrat, font découvrir de nouvelles saveurs[39].

Notes et références

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  1. Ce sont des petites boules de pierre, obtenues par deux opérations distinctes ; chaque fois il s'agit de travailler la pierre par des impacts successifs. Tout d'abord des fractures produisent des facettes, ensuite intervient un travail de « bouchardage ». Ici il s'agit de frapper la pierre sur une autre surface dure, une autre pierre par exemple, afin de produire de nombreuses petites fractures qui permettent d'enlever des grains de matière. Et ainsi d'approcher progressivement de la forme sphérique prévue dès le départ, avec le choix de la pierre et l'intention de la transformer en boule[18]. Le procédé est décrit à propos de bolas, découvertes sur un site d'Homo erectus dans les gisements de Dingcun, au Shanxi, et reproduites p. 74 de ce dossier. Ces bolas auraient pu servir pour des frondes à une boule ou lancées groupées dans un filet, dans les pattes du gibier[19], supposent une partie en bois ou en filet, pour la chasse. Le bâton à fouir a été utilisé tout autant, pour la recherche des tubercules. Des outils de broyage ont été repérés tardivement, mortiers et rouleau broyeur sur pierre plate.

Références

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  1. Pascal Picq, Et l'évolution créa la femme, Odile Jacob, , p. 47
  2. Compte rendu de lecture sur Sciences Humaines 2013 : La disparition des chasseurs-cueilleurs (dans l’Ouest de la France, entre le VIe et le Ve millénaire av. J.-C.) de Grégor Marchand.
  3. Dossiers pour la science, n° 76, juillet-septembre 2012, pp.115-119 : en particulier au Nigéria. Voir aussi Un Néolithique « très » ancien en Afrique de l'Ouest? É. Huysecom [1], p. 86 du même numéro.
  4. Alain Testart 2012, p. 65 et p. 72-75, qui fait souvent référence au système de parenté du peuple Aranda, autre appellation : Arrernte, un peuple d'Australie au système de parenté particulièrement complexe (p. 67 sqq.).
  5. Rapport de la FAO.
  6. Alain Testart 2012, p. 88
  7. Galeries nationales du Grand Palais (Paris). Musée de l'Ermitage (Saint-Pétersbourg, Russie). URSS. Ministerstvo kulʹtury. (dir.), Avant les Scythes : Préhistoire de l'art en U.R.S.S., Paris, Réunion des musées nationaux, , 222 p. (ISBN 2-7118-0114-4).
  8. Alain Testart évoque « l'exception japonaise » in La préhistoire des autres 2012, p. 36
  9. a b et c Jean-Paul Demoule 2004, p. 196
  10. La préhistoire des autres 2012
  11. La révolution néolithique dans le monde 2009
  12. Alain Testart 2005
  13. About.com - Archaeology - Dog History How were Dogs Domesticated? By K. Kris Hirst - Dog history has been studied recently using mitochondrial DNA, which suggests that wolves and dogs split into different species around 100,000 years ago...
    Plus anciens restes confirmés vieux de 31 700 ans : Germonpré M., Sablin M.V., Stevens R.E., Hedges R.E.M., Hofreiter M., Stiller M. and Jaenicke-Desprese V., 2009. Fossil dogs and wolves from Palaeolithic sites in Belgium, the Ukraine and Russia: osteometry, ancient DNA and stable isotopes. - Journal of Archaeological Science 2009, vol. 36, no2, p. 473-490
  14. Marie-Pierre Horard-Herbin, Jean-Denis Vigne, Rose-Marie Arbogast, Animaux, environnements et sociétés, Éditions Errance, , p. 17
  15. Hervé Bocherens, « Isotopes stables et reconstitution du régime alimentaire des hominidés fossiles : une revue », Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, vol. 11, no 3,‎ , p. 261-287 (lire en ligne)
  16. (en) V. Balter, L. Simon, « Diet and behaviour of the Saint-Césaire Neanderthal inferred from bio-geochemical data inversion », Journal of Human Evolution, no 51,‎ , p. 639-338
  17. (en) Amanda G. Henry, Alison S. Brooksa & Dolores R. Pipernob, « Microfossils in calculus demonstrate consumption of plants and cooked foods in Neanderthal diets (Shanidar III, Iraq; Spy I and II, Belgium) », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 108, no 2,‎ , p. 486–491 (DOI 10.1073/pnas.1016868108)
  18. « non indiqué », Dossiers d'Archéologie, vol. 292,‎ , p. 73.
  19. Yves Coppens, Le présent du passé au carré : La fabrication de la Préhistoire, Odile Jacob, (ISBN 978-2-7381-2476-0)
  20. Dans : La préhistoire des autres : Du déni au défi in : La préhistoire des autres 2012, p. 34-36
  21. Jean Guilaine, Caïn, Abel, Ötzi : L'héritage néolithique, Gallimard, 2011. Page 149. Ainsi que Li Liu, pour plus de précision, dans La révolution néolithique dans le monde, sous la direction de Jean-Paul Demoule, Inrap, 2009, page 67.
  22. La préhistoire des autres 2012, p. 38
  23. Claudine Cohen, Femmes de la préhistoire, Humensis, , 264 p. (lire en ligne).
  24. Pascal Picq, Et l'évolution créa la femme, Odile Jacob, (lire en ligne), n.p.
  25. a et b Marcus Dupont-Bernard, « Il y avait bien des chasseuses durant la préhistoire : « la chasse de gros gibier était non-genrée » », sur Numerama.com, (consulté le ).
  26. (en) James E. McClellan III et Harold Dorn, Science and Technology in World History : An Introduction, JHU Press, , 478 p. (ISBN 978-0-8018-8360-6, lire en ligne), p. 10
  27. François Audouze, « Compte-rendu de Owen L. Distorting the Past. Gender and the Division of Labor in the European Palaeolithic », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 3, no 2,‎ , p. 411-412.
  28. Alain Testart 1986
  29. Gallimard 2014, 184 pages. (ISBN 978-2-07-014341-2)
  30. Alain Testart 2014 Quatrième de couverture.
  31. Alain Testart, L'amazone et la cuisinière. Anthropologie de la division sexuelle du travail, Gallimard, , p. 133
  32. Françoise Héritier, Masculin/Féminin. La pensée de la différence, Odile Jacob, , p. 26
  33. (en) J. B. Lancaster &C. S. Lancaster, « Parental investment: The hominid adaptation », in How humans adapt, ed. D. J. Ortner, 1983, p. 33-65.
  34. (en) Lee Cronk, Napoleon A. Chagnon, William Irons, Adaptation and Human Behavior : An Anthropological Perspective, Transaction Publishers (lire en ligne), p. 245.
  35. Alain Testart, Les chasseurs-cueilleurs ou l'origine des inégalités, Société d'ethnographie, , p. 44.
  36. D'un regard : l'Autre Exposition du Musée du Quai Branly en 2007.
  37. Sahlins 1976
  38. Frédérick Guyon et Julien Fuchs, « Se dire “sportif” dans les pratiques de prédation (chasse, pêche, cueillette) en France. Conditions d’un processus de qualification », Recherches sociologiques et anthropologiques, vol. 43, no 2,‎ , p. 135-150 (DOI 10.4000/rsa.802).
  39. François Couplan, Le régal végétal : plantes sauvages comestibles, Editions Ellebore, , p. 15-16.

Bibliographie

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Articles connexes

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Généralités

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Peuples chasseurs-cueilleurs

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Chasseurs-cueilleurs hadzas
Amérique (sauf Arctique)
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Asie (sauf Arctique) et Océanie
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Liens externes

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