Chasséen
Lieu éponyme | Chassey-le-Camp, en Saône-et-Loire |
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Auteur | Joseph Déchelette (1912), Jean Arnal (1956), Didier Binder (1991) |
Répartition géographique | France, Ligurie |
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Période | Néolithique moyen II |
Chronologie |
Chasséen ancien de 4350 à 4000 av. J.-C. Chasséen récent de 4000 à 3650 av. J.-C. Chasséen tardif de 3650 à 3300 av. J.-C |
Objets typiques
Lames et lamelles, burin chanfrein, céramique, lames polies, billes polies, statuettes
Le Chasséen est une culture archéologique du Néolithique moyen qui s'est développée entre environ 4350 et en France et dans le nord de l'Italie. Le Chasséen se caractérise notamment par sa production lithique et céramique.
Historique
[modifier | modifier le code]Le Chasséen tire son nom du site de Chassey-le-Camp, en Saône-et-Loire[n 1], où ses éléments ont été décrits pour la première fois par l'archéologue Joseph Déchelette en 1912[1], et où la céramique joue le rôle de fossile directeur. Le terme a été repris par le préhistorien Jean Arnal en 1950 pour désigner l'ensemble des productions de ce que l'on appelait alors le Néolithique occidental, avec entre autres Windmill Hill à Avebury, en Angleterre, Almería en Espagne, Michelsberg en Allemagne, Lagozza (it) en Italie ou Cortaillod en Suisse[2]. Rapidement, cette définition trop vaste est révisée par l'anthropologue Raymond Riquet qui ne retient l'étiquette chasséenne que pour les productions du Néolithique moyen français[3].
Aire géographique
[modifier | modifier le code]Parmi les cultures néolithiques seule la culture chasséenne s’est développée sur la majeure partie du territoire français. Elle semble apparaitre en Ligurie, puis s'étend en Provence, dans la vallée du Rhône, les Alpes, le Massif central, la Bourgogne. Elle atteint le Bassin parisien, l'Aquitaine et l'Ouest, recouvrant presque la totalité du territoire français actuel. Cette expansion ne procède pas par remplacements de groupes locaux mais par diffusion culturelle.
On distingue un Chasséen méridional, essentiellement de la Provence au Languedoc et dans les marges nord-occidentales de l'Italie, et un Chasséen septentrional dans la plupart des régions centrales et septentrionales de la France.
Fin du Chasséen
[modifier | modifier le code]À partir de , différents chercheurs évoquent une dislocation du complexe chasséen, tandis que d'autres avancent un phénomène plus graduel d'éclatement des pratiques. Ces deux théories sont plus ou moins valables en fonction des variations régionales, ainsi qu'en fonction des différents sites, qui ne répondent pas tous de la même manière aux changements de la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C. Dans l'ensemble, l'exploitation des silex bédouliens semble baisser, au profit des silex lacustres oligocènes du bassin d'Apt-Forcalquier, destinés à la production de grandes lames (jusqu'à 35 cm). Le débitage par pression est toujours attesté et la pression au levier s'intensifie, toujours aux côtés d'un traitement thermique des nucléus.
Habitat
[modifier | modifier le code]L'architecture domestique est mal connue, rares étant les traces de bâtiments. Les exemples attestés sont construits sur poteaux, mais la brique crue a également pu être mise en évidence. Les plus grands sites sont des enceintes délimitées par des fossés et pouvant couvrir plusieurs dizaines d'hectares.
Dans le sud de la France, le seul village attesté pour cette période provient du site de Vernègues - Cazan "Le Clos du Moulin" qui a fourni une quinzaine de plans de bâtiments dont certaines maisons très standardisées et quelques bâtiments monumentaux[4],[5].
L'un des éléments emblématiques de la période est constitué par de grands foyers de pierres chauffées, rectangulaires ou circulaires. Ce type de structure apparait dès le Mésolithique et se maintient jusqu'à l'Antiquité, mais a d'abord été remarqué et décrit sur des sites chasséens. Les vestiges correspondants avaient d'abord été interprétés comme des fonds de cabane.
Agriculture
[modifier | modifier le code]Les groupes chasséens pratiquaient l'agriculture et l'élevage de caprinés et de bovinés. Les grottes et abris servaient le plus souvent de bergeries, comme l'attestent les dépôts de fumiers de troupeaux qui s'y sont accumulés (abri de Pertus II, Font Juvénal, grotte d'Antonnaire, Arene Candide, etc.).
Industrie lithique
[modifier | modifier le code]L'un des traits caractéristiques du Chasséen est la présence dans les assemblages lithiques d'une forte proportion de lames et de lamelles régulières, principalement issues de silex barrémo-bédoulien du Vaucluse et de silex oligocène des bassins d'Apt-Forcalquier (vallée du Largue). Les analyses tracéologiques démontrent que certains outils ont été utilisés comme lames de faucilles, ou destinés à des activités de travail de l'os, du bois, de végétaux tendres, etc.
Avant , ces supports sont débités par pression à partir de nucléus non chauffés. Après , les produits sont détachés par pression, notamment au levier, à la suite d'un traitement thermique contrôlé des nucléus. Les lamelles en obsidienne, plus rares, sont majoritairement d'origine sarde. Les lames polies (par exemple haches, herminettes, brunissoirs) sont façonnées à partir de roches tenaces, la majeure partie en éclogite du Mont Viso, ou en omphacite[n 2], jadéite[n 3], serpentinite, métagabbro, etc. Ses productions sont associées à du macro-outillage de traitement des productions céréalières et des ressources végétales (meules, molettes, pilons, etc.).
Céramique
[modifier | modifier le code]La céramique chasséenne se compose de vases à sillons sous pseudo-cols carénés, de vases à barrettes ondulées, de coupelles à décor interne de sillons, d'assiettes décorées et de vases à épaules.
Pour les phases anciennes du Chasséen, les décors se composent de motifs géométriques (chevrons, triangles, quadrilatères rayés ou quadrillés), scalariformes, bandes, guirlandes finement incisées à cru dans la pâte sèche[8], tandis que, pour les phases récentes du Chasséen, les productions céramiques sont plus épurées, souvent dépourvues de décors.
Commerce et métallurgie
[modifier | modifier le code]Les Chasséens se caractérisent par une structuration géographique forte de leur économie, basée sur l'échange. Les matières premières (obsidienne de Sardaigne et des iles Lipari, silex barrémo-bédouliens du Vaucluse, silex italiens (Maiolica), éclogites des Alpes, cristal de quartz, cinérites du Rouergue) exploitées pour la fabrication des outils de pierre sont transformées à proximité du lieu d'extraction puis exportées sous forme de produits finis (lames polies, grandes lames) ou semi-finis (nucléus destinés à être débités par pression sur les sites consommateurs[9]), jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres, notamment jusqu'en Catalogne dans des contextes sepulcros de fossa).
La métallurgie du cuivre semble pratiquée, mais elle reste assez marginale. Elle est attestée par des signes d'extraction de minerai de cuivre et de chalcopyrite dans des contextes chasséens récents en Ligurie dans la première moitié du IVe millénaire av. J.-C. (vers 3600). Des nodules de minerai de cuivre ont également été découverts dans un contexte du Chasséen ancien sur le site de Giribaldi, à Nice. La métallurgie du cuivre est déjà amorcée au Ve millénaire av. J.-C. dans le Nord de l'Italie et le Sud-Est de la France. Parmi les premiers objets réalisés et exportés, les alènes sont les plus courantes et un exemplaire a été retrouvé au sein du site d'habitat Chasséen récent de Vernègues - Cazan "Le Clos du Moulin"[5].
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Exemple de procédé pour le débitage par pression à la béquille.
(expérimentateur : Jacques Pelegrin). -
Exemple de décors en chevrons sur céramique.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Où, le 16 juin 2018, a été inauguré le Centre d'interprétation archéologique de Chassey-le-Camp (CIACC), espace de 68 m2 présentant de nombreux objets et artéfacts authentiques provenant du musée Denon de Chalon-sur-Saône et du musée Rolin d'Autun. Trois vitrines y mettent en valeur le Néolithique moyen et final, et plus particulièrement le Chasséen, les deux autres étant consacrées aux âges du bronze et du fer, à l'époque gallo-romaine ainsi qu'à la période mérovingienne. Plusieurs panneaux présentent le site de Chassey : le Chasséen et ses origines, des clichés montrant les fouilles et divers personnages, l'occupation du site (du Néolithique à l'époque mérovingienne).
- L'omphacite est une roche métamorphique formée à haute température et haute pression, et contenant plus de 75 % d'omphacite[6].
- Il existe « deux types de jadéites : les pyroxénites où le minéral jadéite est dominant, démontré par l'analyse de laboratoire (surtout RX), que nous appelons jadéites vraies, et les pyroxénites dont l'observation à l'œil nu donne à penser que la jadéite y est dominante. L'origine des jadéites est liée à la géographie des méta-ophiolites alpines des faciès schiste bleu et éclogitique »[7]
Références
[modifier | modifier le code]- (1969) Jean-Paul Thévenot, « Éléments chasséens de la céramique de Chassey », Revue Archéologique de l'Est et du Centre-Est, vol. 20, nos 1-2, , p. 7-95
- (1953) Jean Arnal, « La structure du Néolithique français d'après les récentes stratigraphies », Zephyrus, vol. 4, , p. 311-344 (lire en ligne [PDF])
- (1959) Raymond Riquet, « Chassey où es-tu ? », Bulletin de la Société Préhistorique Française, vol. 56, nos 5-6, , p. 364-374 (lire en ligne [sur persee])
- Clément Moreau, Patrick Pérez, Frédéric Lesueur et Vanessa Léa, « Vernègues, Cazan -"Le Clos du Moulin" (Bouches-du-Rhône) : architecture et organisation d'un site d'habitat du Chasséen récent », Actes des secondes rencontres nord-sud de Préhistoire récente - 2015, Archives d'Écologie Préhistorique, , p. 213 (lire en ligne, consulté le )
- « Vernègues - Cazan- Le Clos du Moulin - ARCHEODUNUM », sur Archeodunum - Opérateur en archéologie préventive (consulté le )
- (en) « Omphacitite », sur mindat.org (consulté le )
- « 2.2 - Les jadéites », sur theses.univ-lyon2.fr (consulté le ).
- Jean Guilaine, La France d'avant la France, Paris, Hachette, , 349 p. (ISBN 978-2-01-011134-1), p. 108-111
- Vanessa Léa, « Centres de production et diffusion des silex bédouliens au Chasséen », Gallia préhistoire, no 46, , p. 231-250 (lire en ligne [sur persee])
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- [Beeching et al. 1991] Alain Beeching (dir.), Didier Binder, Jean-Claude Blanchet et al., Identité du Chasséen (Actes du colloque international de Nemours, mai 1989), Nemours, Association pour la promotion de la recherche archéologique en Ile-de-France (APRAIF), coll. « Mémoires du Musée de Préhistoire d'Île-de-France » (no 4), (ISBN 2-906160-07-5, présentation en ligne)
- [Binder 1991] Didier Binder, « Facteurs de variabilité des outillages lithiques chasséens dans le sud-est de la France », dans Alain Beeching, Didier Binder, Jean-Claude Blanchet, Claude Constantin, J. Dubouloz, Roger Martinez, D. Mordant, Jean-Paul Thévenot et Jean Vaquer (dir.), Identité du Chasséen, Nemours, Association pour la promotion de la recherche archéologique en Ile-de-France (APRAIF), (lire en ligne), p. 261–272
- [Binder 2004] Didier Binder, Un chantier archéologique à la loupe : Villa Giribaldi (catalogue d'exposition 23 octobre 2004 - 4 janvier 2005), Nice, Nice Musées (éd.), , 79 p.
- [Binder 2015] Didier Binder, « Transferts et interculturalités en Méditerranée nord-occidentale (VIe-IVe millénaires cal. BCE) », dans N. Naudinot, L. Meignen, D. Binder et G. Querré (dir.), Les systèmes de mobilité de la Préhistoire au Moyen-Âge (Actes des XXXVèmes Rencontres Internationales d'Archéologie et d'Histoire d'Antibes), Antibes, Librairie Archéologique. APDCA (éd.), CEPAM, , p. 369–386
- [Léa et al. 2007] Vanessa Léa, Didier Binder, François Briois et Jean Vaquer, « “Le Chasséen méridional à lamelle” d'Arnal : évolution de notre perception des industries lithiques », dans J. Evin (dir.), Aux conceptions d'aujourd'hui (Congrès du centenaire : Un siècle de construction du discours scientifique en Préhistoire, suppl. 3), , p. 263–275
- [Lepère 2009] C. Lepère, Identités et transferts culturels ans le domaine circumalpin : l'exemple des productions céramiques du chasséen provençal (thèse de doctorat, D. Binder. dir.), Aix-en-Provence, université Aix-Marseille 1, , 451 p.