Banquet des maires de 1900
Le banquet des maires de , ou banquet des Tuileries, est un gigantesque banquet qui se tint au jardin des Tuileries à Paris le et où furent conviés l'ensemble des maires de France.
Organisé à l'initiative du président de la République, Émile Loubet, et de son président du Conseil, Pierre Waldeck-Rousseau, à l'occasion de l'exposition universelle de 1900 qui eut lieu à Paris du au , il réunit plus de 22 000 convives.
Date choisie
[modifier | modifier le code]La date du fut choisie comme étant le 108e anniversaire de la naissance de la Première République le , premier jour du calendrier républicain et lendemain de la proclamation de l'abolition de la royauté. Le président ne manqua pas de le rappeler, en parlant des ancêtres de la Révolution : « Lorsqu'ils proclamèrent la République, ils voulaient organiser la défense nationale en même temps que la démocratie, de sorte qu'ils nous ont donné l'exemple du courage sous ses deux plus belles formes, et que cet anniversaire est la fête du patriotisme autant que la fête de la liberté. »[1]
Cette festivité fut reportée comme conviviale et amicale dans la presse de masse, alors qu'elle fait à l'époque un possible usage de la caricature[2].
Contexte des banquets
[modifier | modifier le code]L'organisation de banquets de grande taille était une pratique qui remontait surtout à l'époque de la Deuxième République (alors organisés par les opposants à la monarchie de Juillet mécontents de la politique de Guizot).
Elle s'était transformée en coutume moins hostile au cours de la Troisième République à l'instar du banquet du où le président Sadi Carnot, nouvellement élu, offrit un banquet à tous les maires des chefs-lieux d’arrondissement et de cantons et où environ 4 000 invités répondirent à l'invitation[3]. On trouve celui du donné aux maires des principales villes de France en l'honneur du centenaire de l'historien Michelet[4]. On trouve précédemment aussi à celui-ci le banquet du , dit banquet du Centenaire, prodigué par la municipalité de Paris à l'occasion du centenaire de la Révolution française et qui vit 11 182 maires réunis au palais de l'Industrie pendant l'exposition universelle de Paris de [5].
Nombre de convives
[modifier | modifier le code]Le chiffre est assez controversé. Certaines sources donnent jusqu'à plus de 29 000 convives[réf. nécessaire]. Le nombre de convives est à distinguer du nombre de maires présents. Selon Adolphe Démy[6], « il y avait 22 278 invités, dont 20 777 maires ». Pierre Jeambrun retient également le nombre de 20 777 maires[7]. Bruno Girveau[8] et Jean Vitaux[9] donnent 22 295 convives.
Organisation
[modifier | modifier le code]Dans le jardin des Tuileries, furent dressées deux immenses tentes reliées entre elles par des tentes perpendiculaires. 700 tables de 10 mètres de long chacune pouvant recevoir de 32 à 36 couverts, soit sept kilomètres, furent installées[9].
À droite du président de la République, est assis le président du Sénat, Armand Fallières ; à sa gauche, se trouve Paul Deschanel, président de la Chambre des députés. Le président du Conseil, Waldeck-Rousseau, les ministres, les députés, les sénateurs, la magistrature, l'armée, les personnages éminents de la nation sont à la table présidentielle[10].
Les convives venant de France, d'Algérie et d'Outre-mer[2] furent classés par département[11] et par ordre alphabétique, ce qui provoqua des querelles de préséance (par exemple le doyen en âge et le doyen en exercice de la fonction de maire).
Selon le vœu du président de la République, le repas ne dura pas plus de 90 minutes.
Les quantités de matériel nécessaire furent fort importantes, à l'image de la manifestation[9] :
- 10 km de nappes molletonnées,
- 7 km de molletons,
- 7 km de nappes,
- 125 000 assiettes avec reproduction en fac-similé de la tapisserie « Armes de la République » réalisée par la manufacture des Gobelins[12], exposée dans l'enceinte du banquet[2],
- 55 000 fourchettes,
- 55 000 cuillères,
- 60 000 couteaux,
- 126 000 verres.
Six bicyclettes furent prévues pour transmettre rapidement les ordres de service. De même, une automobile (De Dion-Bouton de 4 CV) permettait au général de brigade de circuler entre les tables.
Environ 3 000 personnes furent employées pour la cuisine et le service[9] et furent organisées par un seul traiteur, Potel et Chabot[2],[13] :
- 11 chefs « gros bonnets »,
- 220 chefs de partie,
- 400 cuisiniers,
- 2 150 maîtres d'hôtel,
- 50 préposés aux vestiaires.
De la même façon, les fournitures pour le repas sont encore impressionnantes[a] :
- 2 000 kg de saumon,
- 1 430 faisans,
- 2 500 poulardes,
- 1 200 litres de mayonnaise,
- 10 000 pêches,
- 1 000 kg de raisin,
- 3 000 litres de café.
Carte
[modifier | modifier le code]La carte est marquée d'un écu aux couleurs du drapeau de la France, frappé du monogramme « RF » (« République française »). En entête : l'inscription « EXPOSITION UNIVERSELLE ». Sur la partie gauche se trouve le menu du repas, et sur la partie droite, le programme des festivités qui se déroulèrent en parallèle, à la salle des fêtes[2].
Menu
[modifier | modifier le code]- Hors-d'œuvre
- Darnes de saumon glacées parisienne
- Filet de bœuf en Bellevue[b]
- Pains de canetons de Rouen
- Poulardes de Bresse rôties
- Ballotines de faisans Saint-Hubert
- Salade Potel[c]
- Glaces Succès - Condés
- Dessert
Pour les vins, 39 000 bouteilles dont 1 500 de Fine Champagne furent utilisées :
- Preignac servi en carafe ;
- Saint-julien servi en carafe ;
- Haut Sauternes ;
- Beaune Margaux[d] Jean Calvet ;
- Champagne Montebello.
Le personnel ne fut pas en reste puisqu'il eut droit à 3 000 litres de « gros rouge ».
Festivités
[modifier | modifier le code]Le programme des festivités est le suivant :
PROGRAMME
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SALLE DES FÊTES
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La Marseillaise
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DANSES
DE JADIS ET DE NAGUÈRE
I — Danses Barbares
II — Danses Grecques
III — Danses Françaises
IV — Danses Modernes
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LE CHANT DU DÉPART
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Avec le concours de la Comédie-Française et de l'Académie nationale de musique et de danse (Orchestre de l'Opéra)
Plaquette commémorative
[modifier | modifier le code]Une plaquette commémorative en bronze fut éditée à cette occasion, d'après Frédéric de Vernon[15]. Il l'exposa au Salon des artistes français de [16],[17].
De format rectangulaire (4,5 × 6,2 cm), elle est signée « F. Vernon » sur le revers où deux allégories féminines, dont l'une représente la République sous la traits de Marianne et l'autre la Ville de Paris, portent des libations au banquet. Sur l'avers, inscription « Banquet des Tuileries / offert aux maires / de France / sous la présidence / de Mr E. Loubet / Prest de la République / Mr Waldeck Rousseau / Prest du Conseil / Paris / ». En dessous de l'inscription, dans un cartouche se détachant sur un faisceau de licteur et des ramures de chêne et de laurier, étaient gravés l'initiale du prénom et le nom du maire.
Ces plaquettes bifaces se retrouvent encore dans les collections privées, dans des mairies ou dans des musées (par exemple le musée Carnavalet[18] et le musée d'Orsay[19]).
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Les chiffres pour le bœuf et les canetons ne sont pas fournis.
- La cuisson « en Bellevue » consiste en un lustrage à la gelée des viandes, surtout pour les poissons (après cuisson au court-bouillon) et les volailles.
- Du nom du traiteur, Potel et Chabot.
- A priori, ce cru n'a pas de rapport avec le vignoble de Margaux.
Références
[modifier | modifier le code]- Démy 1907, p. 646.
- (en) Jane Hanks, « 23,000 for lunch? This was the banquet of the century », The Connexion (en), no 183, (version du sur Internet Archive), p. 22–23 : « ...Potel et Chabot, le traiteur choisi était déjà renommé...Son succès lors de cette fête de l'unité nationale...en période de coup d'état et d'affaire Dreyfus...pour ce repas froid au nombre de convives encore non battu de nos jours fut tel qu'il acquit une dimension mondiale. » « ...La décoration sous les tentes fut simple mais impressionnante...La tapisserie reproduite sur les assiettes porte les boucliers symboliques de la Vérité et la Justice, un lion représentant la force y est figuré avec deux enfants sous sa protection, le coq national tient un autre enfant et chante “Liberté, Égalité, Fraternité” » « ...Il y eut une large couverture de cet évènement par les journaux...La Croix rapporta qu'il y avait “la plus franche cordialité”...La Revue municipale de Paris parle de “splendide soleil...depuis 9 h le matin la foule s'est amassée derrière les barrières pour être témoin des festivités...ils voulaient voir les couteaux et les fourchettes dans leur arrangement parfait sur les nappes parfaitement blanches...ils voulaient aussi accueillir les maires [qui déambulaient dans le jardin]”... »
- « : le banquet des maires », sur 14juillet.senat.fr (version du sur Internet Archive).
- Lucien Lambeau, L'Hôtel de Ville de Paris, Paris, Renouard et Henri Laurens, coll. « Les Richesses d'art de la ville de Paris », , 224 p., p. 205 [lire en ligne].
- (en) Annegret Fauser, Musical Encounters at the Paris World's Fair, Rochester (New York), University of Rochester Press, , 391 p. (ISBN 1-58046-185-9), p. 108 [lire en ligne].
- Démy 1907, p. 645.
- Jeambrun 1995, p. 102.
- Bruno Girveau, À table au XIXe siècle (exposition au musée d'Orsay, Paris, – ), Paris, Réunion des musées nationaux et Flammarion, , 226 p. (ISBN 2-7118-4245-2 et 2-08-010647-3), p. 79.
- Vitaux 2011.
- « Souvenir de l'exposition », sur jetons-monnaie.net (version du sur Internet Archive), d'après l'almanach Vermot, .
- Cent ans de vie dans la région, t. 1 : –, La Voix du Nord, , p. 37 : 524 maires du Nord et 688 du Pas-de-Calais participent au banquet.
- « Tapisserie de lice : Tenture La République Française », sur collection.mobilier-national.fr, Mobilier national.
- « », Notre histoire, sur poteletchabot.com, Potel et Chabot, .
- Patrick Rambourg, « Becs fins et palais républicains », Historia, no 862, (lire en ligne).
- « Plaquette et médaille commémoratives : Une plaquette de F. Vernon », Revue des arts décoratifs, t. XXI, no 9, , p. 299.
- Émile Dacier, « Les salons de », Revue de l'art ancien et moderne, 6e année, t. XII, no 64, juillet–décembre 1902, p. 21 (lire en ligne).
- Henry Marcel, « Les salons de », Gazette des beaux-arts, 3e période, t. 28, no 542, , p. 136 (lire en ligne).
- « Banquet des Tuileries, Maires de France, », no d'inventaire 2019.2.8, sur parismuseescollections.paris.fr, Paris Musées.
- « Banquet des Tuileries offert aux maires de France », no d'inventaire MEDOR 1579, sur musee-orsay.fr, musée d'Orsay.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Adolphe Démy, Essai historique sur les expositions universelles de Paris, Paris, Alphonse Picard et fils, , 1097 p., p. 644–648 [lire en ligne].
- Pierre Jeambrun, « Le banquet des maires », dans Charles Dumont, un radical de la Belle Époque, Paris, Tallandier, coll. « Figures de proue », , 276 p. (ISBN 2-235-02134-4), p. 102–105.
- Romi, « Le prodigieux banquet des maires du », dans Histoire des festins insolites et de la goinfrerie, Paris, Artulen, , 292 p. (ISBN 2-906236-42-X), p. 239–241 [lire en ligne].
- Suzanne Varga, « Le Banquet des maires : IIIe République sous la présidence d'Émile Loubet », dans 12 banquets qui ont changé l'histoire, Paris, Pygmalion, , 270 p. (ISBN 978-2-7564-0872-9), p. 249–266.
- Jean Vitaux, « Le banquet des maires en : Fête de la République triomphante », dans Les petits plats de l'histoire, Paris, Presses universitaires de France, , 188 p. (ISBN 978-2-13-058774-3 et 978-2-13080-678-3, DOI 10.3917/puf.vitau.2012.01, lire en ligne).
- (pt-BR) « O banquete dos prefeitos de », Confins, no 60, (DOI 10.4000/confins.52983, lire en ligne).