Vitrification (inertage)
La vitrification est un procédé de transformation par solidification, ou par mélange avec un additif, d'un matériau en un solide amorphe, semblable à du verre et dépourvu de toute structure cristalline. Par exemple quand le saccharose est refroidi lentement il devient du sucre cristallisé, ou du sucre candi, alors qu'un refroidissement rapide le transforme en un sucre sirupeux, avec lequel on confectionne des sucettes ou de la barbe à papa.
Ayant comme matériau de départ un solide, la vitrification exige généralement que l’on chauffe les substances à très haute température : la céramique est fabriquée de cette façon. La vitrification peut aussi se produire naturellement, comme quand la foudre tombe sur du sable : la chaleur intense et brutale peut créer une cavité, de forme tubulaire, appelée fulgurite. Elle a lieu durant diverses phénomènes, allant du béton du pas de tir de fusées aux êtres vivants victimes d'éruptions volcaniques[1].
Vitrification des déchets
modifierC'est une technique de traitement (et rarement de valorisation) de déchets dangereux ; elle consiste à brûler (si le déchet comprend une fraction organique ou organométallique) et à fondre le déchet à très haute température par divers moyens possibles de chauffage dont une (ou plusieurs) torche à plasma[2]) pour obtenir un « vitrifiat »[3]. Le plasma thermique est généralement créé à pression atmosphérique et à forte intensité, pouvant localement dépasser 4 000 °C. C'est une alternative à l'inertage dans une matrice hydraulique (de type ciment)[4] et elle est adaptée à l'amiante/déchets amiantifères[5], aux cendres volantes, à divers déchets métallurgiques[6], déchets miniers[6], déchets radioactifs...) mais avec l'inconvénient d'être très consommatrice d'énergie.
On ignore encore le devenir à très long terme de divers types de déchets vitrifiés (Refioms par exemple[7],[8],[9]), mais on sait qu’ils peuvent relarguer des métaux lourds et des éléments de la matrice (silice, bore) avec des cinétiques de remobilisation très variable selon les éléments de la matrice ou les éléments dopants)[10] et que cette durée varie probablement selon leur composition chimique et selon le pH ou certaines propriétés physicochimiques du milieu dans lequel le déchet sera conservé... (Les déchets vitrifiés ne doivent pas être conservés dans un contexte érosif ; on voit que sur un fond marin agité, le verre pur se polit et s'érode en quelques décennies).
Un des moyens d'évaluer leur dégradabilité dans le temps a été de se baser sur l'étude de roches naturelles fondues d'origines volcaniques (basaltes)[11],[12],[13], de verre archéologique[14], de vitraux médiévaux[15] et de déchets comparables tels que certaines scories de la métallurgie ancienne pour laquelle on dispose d'échantillons archéologiques datés de 100 à 4 000 ans, et qui présentent « des analogies de composition » avec certains déchets vitrifiés contemporains[16],[17]. Dans les cas étudiés, un même mécanisme global a été observé, qui commence par l'extraction sélective des cations modificateurs du réseau vitreux (dont Pb et Ba), ce qui provoque une élévation du pH de la solution altérante, qui peut alors lentement dissoudre le verre (dans les échantillons anciens, « les billes de sulfures et d’alliages métalliques ne sont plus présentes » à la suite de leur oxydation et dissolution plus rapide. Dans les cas d'origine métallurgiques, des éléments comme le fer ou l'aluminium restent prisonniers de la matrice et peuvent contribuer à former des hydroxydes. le plomb peut ensuite se fixer dans des hydroxydes de fer alors que le barium précipite éventuellement (en sulfate)[17]. Dans le cas des scories vitreuses issues de la métallurgie ancienne, les vitesses d'altération moyenne varient de 20 à 180 μm par millénaire. Des fissures peuvent apparaitre dès la sortie du four, au refroidissement. Elles fragilisent l'échantillon et peuvent éventuellement ensuite être exacerbées par les conditions climatiques[17]. Des expériences visent à trouver de nouvelles matrices minérales plus efficaces, c'est-à-dire plus résistances à la lixiviation, moins poreuses, plus étanches, plus dures et solides… pour traiter à la fois les Refioms et les MIOMs (mâchefers) dont par exemple les vitrocéramiques, céramiques frittées à haute température et géopolymères qui seraient moins coûteux et plus aisés à mettre en œuvre par mélange L-S (liquide-solide)[18].
Cas particulier de la vitrification de déchets radioactifs
modifierLe procédé dit de vitrification passe en réalité par deux étapes :
- Phase 1, préparatoire : la Calcination. Le déchet arrive sous forme liquide. Les métaux ont été dissous dans le l'acide nitrique pur. Ce liquide contient déjà une forte concentration de radio-isotopes. Il entre dans un tube incliné tournant, réchauffé par des résistances (800 °C environ). Dans le tube, le liquide descend par gravité et finit par ne laisser qu'une poudre sèche[19]. Son contenu est homogénéisé par une barre folle (barre mobile et libre) tournant avec le tube. Une phase d’évaporation (100-150°C) a lieu dans la parti haute du tube, suivie d'une phase de calcination (150°C- 400°C) dans la partie basse[19]. L’eau et la vapeur d'acide nitrique (HNO3) sont évaporés et retraités, ainsi que les oxydes d’azote (NOx). Il en résulte un calcinat, mélange de poudre d’oxydes métalliques et de résidus (sels de nitrates essentiellement).
Ce processus n'est possible que si deux types d'adjuvant sont ajoutés au liquide : adjuvant de calcination, et adjuvant de dilution.
- l'adjuvant de calcination est un mélange de sucres (95 % glucose + 5 % saccharose en poids) qui grâce à une réaction de décomposition violente (réaction exothermique) facilite la fragmentation du calcinat. Il a aussi une fonction de « réducteur » atténuant la volatilité de certains éléments[20] et enfin, il contribue à la dénitration et à une granulométrie optimale du calcinat.
- L'adjuvant de dilution : c'est par exemple du nitrate d'aluminium et du fer qui vont inhiber le collage du calcinat à la paroi. Le nitrate de sodium (NaNO3) empêche le calcinât d'adhérer à la paroi et le fer catalyse la dénitration du nitrate de sodium par les sucres[21].
- Phase 2 : la vitrification. La poudre de calcinat est mélangée avec de la fritte de verre (82 % masse de verre pour 18 % masse de Produits de fission) dans un four porté à au moins à 1100°C à 1200 °C et dont le contenu est 'fluidisé' par un gaz en mouvement. La matière en fusion obtenue est ensuite versée dans des conteneurs métalliques (400 kg chacun).
Cette technique en deux étapes est utilisée depuis plusieurs décennies pour inerter les déchets radioactifs issus de la fission[22]. Ces derniers sont alors plus ou moins intimement fondus et/ou noyés dans une matrice de verre de type « boro-silico-sodique » fortement dopée en métaux lourds[10],[23],[24], souvent mise en avant. Mais qui pose plusieurs problèmes :
- difficulté de maîtrise des métaux volatils (césium par exemple[25]), des vapeurs et aérosols radioactifs produits lors de la fusion ; en effet, des températures de plus de 1000°C sont nécessaires pour la carbonisation et fusion du déchet. Avant même d'atteindre ces températures, le plomb très présent dans les déchets radioactifs est sublimé et une part importante des radionucléides (le césium par exemple et d'autres produits de fission) passent en phase vapeur, puis se condensent en aérosol (nanoparticules) lors d'un processus dit de volatilisation. De plus, synergiquement, un autre produit de fission, le technétium (Tc), simulé en laboratoire par le rhénium (Re), favorise la volatilisation du Césium, dans une production d'aérosols de Cs-ReO4 très radioactifs (l'isotope 137 du Césium émet 4150 TBq par tonne de métal irradié) et très chauds, canalisés dans un flux gazeux dans le four de fusion lui-même (selon la thèse récente de Thomas Charpin sur la volatilité du césium lors de la vitrification, il s'agit d'aérosols de type perrhénates d’alcalins solides couplés avec du Mo)[21]. Ces mécanismes de volatilité sont complexes, mais ils sont en cours d'étude (mieux modélisés et mieux compris) pour trouver des moyens de mieux retenir ces éléments volatils dans le verre fondu, ce qui nécessite idéalement de « maitriser la volatilité directement à sa source ». On cherche notamment à comprendre l'évolution temporelle de la granulométrie de ces aérosols pour les capturer dans un système de type dépoussiéreur dont le contenu est ensuite réintroduit dans le processus de calcination-vitrification (mais ces dépoussiéreurs sont plus efficaces pour des particules de type PM2.5 (plus de 2,5 μm) alors que dans le four elles sont plutôt de 1 μm)[21].
- durabilité incertaine de la matrice vitrifiée, car la radioactivité peut aussi dégrader la matrice de verre et son pH peut s'élever avec le vieillissement[26] ;
- maîtrise des effets de l'ionisation radioactive au sein de la matrice vitrifiée. L'IRSN a récemment (2018) décrit un incident nucléaire d’un type nouveau : début 2017, des chercheurs testaient dans une cellule confinée du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) de Saclay (Essonne) la capacité d’un matériau poreux à adsorber des gaz radioactifs. Un bruit inhabituel et un éclair bleu sont survenus brutalement, donnant lieu à une alerte. Un réseau de fissures internes s'était brutalement formé, avec émission de lumière bleue, à l’intérieur du verre de protection du hublot de vision de la cellule d’irradiation. Cette cellule est utilisée depuis 1969 pour étudier les effets des rayonnements ionisants sur divers équipements et matériaux, dotée d'une source radioactive (scellée) faite de cobalt 60. Ce hublot est fait d'une quadruple épaisseur de « verre au plomb » devant confiner la radioactivité à l’intérieur de la cellule pour protéger les observateurs et télémanipulateurs.
Durant ses quarante-huit ans d’utilisation, le verre du hublot a périodiquement été "chargé" en électrons dont au cœur même du verre et, ce jour-là, ils ont créé un champ électrique supérieur à ce que la plaque de verre pouvait supporter, générant un arc électrique (de plus de 30 000 volts selon l'estimation faite ensuite par le CEA et l'IRSN) dans la plaque de verre. Depuis cet incident, le hublot a été réparé et un « temps de relaxation » des plaques de verre du hublot entre chaque irradiation a été rendu obligatoire, pour éviter que l’événement ne se reproduise[27]. Cet incident n'a pas eu de conséquences pour le personnel, mais il pose question quant à la vitrification des déchets nucléaires comme solution pour le stockage à long terme.
Au début des années 2000, le stockage des déchets radioactifs vitrifiés se fait souvent dans des conteneurs et surconteneur en acier, supposés résister au temps, notamment pour empêcher le contact du déchet avec l'eau[28]. Dans le procédé PIVIC (procédé d’incinération-vitrification en conteneur), le déchet peut être « incinéré » par une torche à plasma directement au-dessus du bain de verre fondu où s’incorporent les cendres et le métal fondu qui tombe au fond du creuset, lequel est sacrifié pour devenir le conteneur primaire du déchet vitrifié.
En France, les déchets peu ou moyennement radioactifs peuvent aussi être vitrifiés par torche à plasma à Morcenx (gérée par la société INERTAM, filiale du groupe Europlasma).
En Europe, les déchets de haute activité et à vie longue issus du recyclage ou de la fin de vie des combustibles nucléaires sont eux calcinés puis leurs poudres de calcinat sont vitrifiées via les chaînes R7/T7 de l’usine d’Orano dans l'usine de retraitement de La Hague ou à Sellafield en Angleterre via des technologies dites « de creuset chaud » (pot chauffé par induction indirecte) ou de creuset froid (chauffé par induction directe)[22],[29],[30],[31]. Le déchet vitrifié est ensuite versé dans des conteneurs métalliques, destinés à être stockés, a priori en couches géologiques profondes durant des centaines d'années ou définitivement.
Dans les années 2020, Graphitech, une société industrielle créée en partenariat par EDF et Veolia doit développer une filière de vitrification des déchets radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires contenant un réacteur graphite-gaz (filière uranium naturel graphite gaz dite UNGG)
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Notes et références
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Voir aussi
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