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Ethnogenèse — Wikipédia

Le mot ethnogenèse signifie en grec « formation d'un peuple »[1]. Au sens littéral, il décrit la « genèse d'un groupe ethnique » car, parmi les quatre termes grecs γένος / genos signifiant « famille, clan, tribu », λάος / laos signifiant « peuple assemblé, foule », δῆμος / dêmos signifiant « peuple du lieu, citoyens » et ἔθνος / éthnos signifiant « gens de même origine », ethnogenèse regroupe le premier et le quatrième, soit « origine de la tribu ». Par métonymie, il désigne le processus socio-historique selon lequel se constitue un groupe humain partageant des traits distinctifs identitaires communs (coutumiers, culinaires, culturels, linguistiques ou musicaux) que l'on appelle un « peuple ». Cette évolution comporte des mécanismes que l'on retrouve dans celle des langues à laquelle elle est liée, et dans celle de la biodiversité, avec des phénomènes de diversification, d'acculturation, de métissage, de disparition ou d'apparition de tel ou tel caractère : un peuple apparaît nécessairement à partir des groupes qui l'ont précédé, et peut disparaître soit culturellement en se fondant dans un nouvel ensemble, soit physiquement en étant victime d'un génocide[2].

Diachronie du concept d'ethnogenèse

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Utilisé initialement par les anthropologues évolutionnistes soviétiques des années 1920-1930 selon Françoise Morin (2006)[3], ce concept réapparaît dans les années 1970 chez les anthropologues post-soviétiques dont Lev Nikolaïevitch Goumilëv[4] (1912-1992) et Yulian Bromley (1921-1990), et plus récemment, chez les historiens médiévistes viennois contemporains Reinhard Wenskus (de) (1916-2002) en 1961[5], Herwig Wolfram (1934-) en 1979[6], Jörg Jarnut (1942-) en 1985[7], Walter Pohl (de) (1953-) en 2005, G. M. Berndt en 2007[8], chez le géographe, historien, politologue et linguiste français Roland J.-L. Breton (1931-2016) en 1987[9], chez le politologue américain Thomas Turner en 2000[10], parallèlement chez les anthropologues Thomas A. Abercrombie (en) en 1990[11], Guillaume Boccara en 1998[12], Françoise Morin en 2006[13], Florent Kohler (1968-) en 2009[14], Antoinette Molinié en 2012[15] et les médiévistes français Jens Schneider en 2011[16], Magali Coumert en 2013[17] et Audrey Becker en 2014[18].

Étymologie

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Le terme ethnogenèse est constitué de ethno-, issu du grec ancien ethnos signifiant « toute classe d'êtres d'origine ou de condition commune »[19] et du suffixe genesis, signifiant naissance, début, origines.

Un objet polymorphe : processus ou théorie ?

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Processus objectif ou subjectif ?

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L'on comprend aisément avec l'historien médiéviste français Jacques Le Goff (1924-2014) que ce processus historique d'émergence d'un peuple, en tant qu'identité distincte d'autres peuples environnants, nommé ethnogenèse, échappe facilement au regard d'un observateur banal (qui serait un possible témoin oculaire de l'époque) de par l'échelle de sa longue durée historique[20]. Le temps long nécessite donc une autre approche. Déjà l'historien français Fustel de Coulanges (1830-1889) en 1862, à Strasbourg, suggérait le recours aux mythes et aux rêves[21].

« Ainsi, le mythe, dans les perspectives de la nouvelle problématique historique, non seulement est objet d'histoire, mais allonge vers les origines les temps de l'histoire, enrichit les méthodes de l'historien et alimente un nouveau niveau de l'histoire, l'histoire lente »[22].

Sauf à se fonder sur des données objectives de nature archéologiques[23], l'étude du processus lui-même, complexe et polymorphe, ne peut qu'être remplacée par celle d'autres matériaux plus faciles d'accès relatifs, par exemple, à un ordre de discours se présentant sous la forme d'un mythe de fondation, tels ceux étudiés par Élise Marienstras (1992) pour l'Amérique, Nicole Loraux (1996) pour Athènes, ou Anita Shapira (2005) pour l'état d'Israël, par exemple. Mais en ce qui concerne d'autres groupes humains que ceux vivant au sein d'états-nation, le problème des sources est différent.

« Le principal domaine où se cristallise la mémoire collective des peuples sans écriture est celui qui donne un fondement à apparence historique à l'existence des ethnies et des familles, c'est-à-dire les mythes d'origine »[24].

Tout groupe social peut relever d'un tel questionnement sur son ethnogenèse, passée ou en cours. C'est, tout à la fois, la question des origines, de son ethnonyme et des identités en mutation (interculturelle, transculturelle) qui est ainsi interpellée par ce questionnement qui peut rejoindre celui de l'ethnohistoire, mais qui commence souvent par l'étude d'annales ou de généalogies[25],[26], de traditions instituant des coutumes pérennes.

Des objets sociaux gigognes

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Selon les travaux des historiens médiévistes viennois contemporains Herwig Wolfram (1979), Reinhart Wenskus (Cologne, 1961), au sens strict, le terme ethnogenèse signifie : genèse d'un groupe ethnique, et, par extension, processus selon lequel se constitue historiquement un groupe ethnique, un peuple, un groupe humain. Pour l'anthropologue français Maurice Godelier, un groupe ethnique, ou ethnie, étant constitué du rassemblement de plusieurs tribus constitués de plusieurs clans eux-mêmes constitués de familles apparentées. Plusieurs groupes ethniques configurent un peuple se considérant, ou non, comme une nation, elle-même se dotant, ou non, d'un état pouvant prendre plusieurs formes[27].

Ainsi, un état, comme le Canada, par exemple, se conçoit officiellement comme constitué de plusieurs peuples se concevant comme des nations, tels les peuples autochtones se revendiquant en tant que « premières Nations », elles-mêmes composites de plusieurs ethnies organisées en clans. Le Canada intègre également le territoire fédéral autonome du peuple Inuit, le Nunavut.

L'on pourrait citer également le cas fédéral des États-Unis qui intègre sur son territoire la notion de « peuple Navaho » doté de son propre gouvernement. Par ailleurs, dans une optique mêlant physionomie et « race », l'état-civil des États-Unis et du Canada utilisent le terme race pour désigner l'origine « ethnique » déclarée par un citoyen, sans qu'il y ait de consensus sur les catégories utilisables. Au Québec, l'utilisation du mot « race » (« race amérindienne, race noire, race blanche »…) calque globalement l'usage anglophone nord-américain (« américains natifs, afro-américains, caucasiens, hispano-américains »… avec la connotation ségrégationniste résiduelle de colored : un citoyen d'ascendance exclusivement européenne est « caucasien » dans le sens de « purement blanc », alors qu'un citoyen même d'origine majoritairement européenne, mais ayant ne fut-ce qu'un seul ascendant d'une autre « race », est colored)[28].

De nombreux peuples se trouvent, à la suite des aléas historiques et des colonisations, à cheval sur plusieurs états et donc séparés par des frontières. C'est le cas de la plupart des peuples Africains, des Quechuas d'Amérique du Sud (Pérou, Bolivie), ou, en Europe, des Magyars (Hongrie et pays voisins), des Serbes (idem), des Roumains (Roumanie et Moldavie), des Russes (Russie, mais aussi tous les pays issus de la dislocation de l'URSS) ou encore des Sámes (vivant en Norvège, Suède, Finlande et Russie : les trois premiers pays leur reconnaissent une certaine autonomie, avec des parlements Sámes siégeant respectivement à Karasjok, à Kiruna et à Inari)[29].

Ainsi, à toutes les échelles, chaque sous-partie (famille, clan, ethnie, peuple, nation) peut se développer au singulier comme au pluriel, dans l'évidence politique (États-Unis, Canada, Belgique ou Suisse par exemple) ou dans certaines tensions revendicatives inabouties ou en cours (Palestine, Kurdistan, Papouasie occidentale…).

Sources endogènes et exogènes

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À la lecture des travaux des historiens traitant de l'ethnogenèse des peuples (parfois sans nommer ainsi ce concept), cette question alimente de nombreuses controverses analysées, par exemple, longuement dans leurs ouvrages par des médiévistes comme Herwig Wolfram, Reinhart Wenskus ou Magali Coumert traitant de l'ethnogenèse des Goths. Ces controverses découlent de la confrontation de plusieurs versions, soit pour des raisons méthodologiques et scientifiques (études des spécialistes relevant de plusieurs disciplines universitaires et scientifiques différentes : anthropologie, archéologie, épigraphie, ethnologie, génétique, linguistique, littérature, toponymie, spécialisations historiographiques), soit pour des raisons politiques (adoption de points de vue exclusifs biaisés par l'influence des propagandes gouvernementales et de leurs idéologies)[30].

Données de la tradition immatérielle

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Selon Maurice Halbwachs, les versions endogènes (internes au peuple lui-même) relèvent de la mémoire collective. Elles sont écrites ou transmises selon une tradition orale, ancestrale ou de facture récente, souvent mythologiques comme les origines troyennes, les sagas islandaises étudiées par Régis Boyer, les Vedas et le Mahabharata étudiés par Alain Daniélou et Georges Dumézil ou encore le Kalevala finlandais écrit par Elias Lönnrot au XIXe siècle. Elles sont produites par différentes catégories de personnes, dotées ou non, d'une fonction spécifique ou d'un statut particulier au sein d'un groupe humain, (aède chantant des épopées, des poèmes épiques, contant des légendes comme celles de la légende de l'origine troyenne des Bretons, la légende de l'origine troyenne des Francs et chansons de gestes (matière de France, matière de Bretagne et matière de Rome), griot récitant des généalogies, voire archivistes conservant des archives familiales et titres de noblesse, généalogistes, historiens de cour…).

Données objectives matérielles

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Les versions exogènes (externes au peuple lui-même), ou différées dans le temps, se subdivisant selon la spécificité des arguments développés par des auteurs aux compétences différentes, reconnues ou non, scientifiques ou non (ethnographes, géographes, historiens, chroniqueurs, linguistes, archéologues, généticiens).

Un objet de recherche en sciences humaines

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Ainsi, la question de l'ethnogenèse est une problématique reposant sur diverses hypothèses étudiées habituellement par l'ethnographie, l'ethnologie, l'anthropologie, et plus particulièrement l'anthropologie historique, l'ethnohistoire et l'ethnolinguistique, et bien sûr, l'Histoire et l'archéologie.

L'exemple du peuple des Goths[31] illustre bien la complexité de la problématique et des débats souvent encore actuels. Mais l'on pourrait prendre d'autres exemples, comme celle des Francs[32], des Celtes[33], des Berbères et des Arabes[34], des Huns[35], des Vikings[36], des Burgondes[37], etc.

Selon l'historien Jens Schneider[38], dépassant les hypothèses biologistes attribuant aux groupes humains une "simple" filiation de nature biologique, et s'inscrivant dans la lignée des travaux de Maurice Halbwachs sur la mémoire collective, les médiévistes viennois s'attachent à montrer l'importance de l'autodétermination identitaire propre à susciter l'ethnogenèse d'un groupe humain.

Idéologie, propagande et racialisme

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Il est fréquent que les sources des écrits ou récits oraux traitant de la genèse d'un groupe humain donné relèvent de sa mythologie (mythes de fondation, des origines, des ancêtres fondateurs[39]) ou d'une pure construction idéologique récente et arbitraire à but politique, sujette à caution car relevant de la propagande[40] ou d'un messianisme[41],[42] voire du tristement célèbre aryanisme[43].

Des problématiques classiques et contemporaines

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Spécificité des isolats

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La naissance d'un nouveau peuple doté d'une culture propre, d'une langue, d'une mythologie et d'une conscience propres peut découler de l'isolement d'un groupe humain sur une longue période. Des influences importantes coïncidant (géographie, climat, flore, faune, d'autres cultures), une communauté de destin et/ou d'histoire d'un certain groupe d'hommes sont une autre possibilité d'explication de la naissance d'un peuple. C'est le cas pour les Rapanui de l'Île de Pâques étudiés par Alfred Métraux, ou les Inuits rencontrés par le géographe et ethnologue Jean Malaurie.

Individuation ou diffusion

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Lors du long processus historique de l'ethnogenèse d'un peuple d'autres aspects sociaux marquants, comme les caractéristiques ethniques, linguistiques et culturelles, ou les spécificités technologiques du nouveau peuple (comme le cheval pour les Comanches étudié par Pekka Hämäläinen) peuvent apparaître au regard du chercheur, historien, ethnographe, anthropologue, ethnolinguiste, archéologue ou préhistorien.

Ethnographie des colonisations et des migrations

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Un nouveau peuple peut aussi naître de la séparation ou de la fusion de plusieurs peuples, groupes ethniques ou tribus, clans ou même familles, par le fait de ralliement (politiques, religieux ou économiques), adoption, alliances matrimoniales, acculturation ou assimilation culturelle, dans un contexte migratoire[44] ou sédentaire, pacifique ou conflictuel selon la diversité des cas de figure possibles et de leur forme[45]. L'exemple des Huns ou des Goths[46] est, à ce titre, particulièrement éclairant. C'est aussi, sur le continent américain, le cas des Comanches[47] se distinguant par séparation des Shoshones, celui de la protohistoire du peuple Dineh/Navaho, de la division des Apaches en Lipans, Chiricahuas, Mescaleros et Jicarillas, ou des Dénés en Tchipewyans, Tlichos, Slavey et Sahtus.

 
Illustration du XIXe siècle, par Oton Iveković, de l'arrivée des Croates sur les côtes de la mer Adriatique pendant les grandes migrations.

Historique d'une notion

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L'ethnographie romaine et la confrontation de l'espace méditerranéen avec les « barbares »

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En français, le terme « Invasions barbares », bien que péjoratif et exprimant seulement le point de vue romain ancien, a été maintenu face à celui plus neutre de « grandes migrations » promu par les historiens modernes, en raison du plus grand nombre d'occurrences. La notion d'ethnicité, plus objective, étant inconnue dans l'antiquité, bien que le peuple romain (populus Romanus) possédait une certaine expérience issue de ses rencontres avec de nombreux autres peuples (gentes). Patrick Geary définit à l'aide de la terminologie des sources antiques, deux modèles de peuples : les peuples par hérédité comme les Goths et les Vandales, et les peuples par constitution comme les citoyens de la Rome Antique ou les tribus agrégées à la confédération hunnique. Ceci pose la dualité entre gens (aspect généalogique correspondant aux notions grecques de γένος / genos signifiant « famille, clan, tribu » et de ἔθνος / éthnos signifiant « gens de même origine » à l'origine du jus sanguinis) et populus (aspect juridique correspondant aux notions grecques de λαός / laos signifiant « peuple assemblé, foule » et de δῆμος / dêmos signifiant « peuple du lieu, citoyens » à l'origine du jus soli)[48],[49].

Dans son Histoire des Goths de 551, le nord de l'Europe était nommé par Jordanès, auteur byzantin du VIe siècle, la vagina gentium : « matrice des peuples ». Les « Barbares », selon lui, très vigoureux et résistant au froid, y auraient été très fertiles et se seraient multipliés de façon bien plus importante que les Méditerranéens. Ignorant tout des changements climatiques de l'antiquité tardive et donc des causes des grandes migrations, les auteurs romains imaginaient ces peuples du Nord comme incapables de développer des cultures, des villes et des civilisations : ils imaginaient le monde « barbare » comme un chaos permanent et sans passé remarquable, considérant ses habitants comme des « masses innombrables de sauvages »[50].

Ne s'encombrant pas d'analyses linguistiques ou autres, de nombreux auteurs comme Ammien Marcellin (fin du IVe siècle), Zosime (début du VIe siècle), Priscus (milieu du Ve siècle) ou Procope de Césarée (milieu du VIe siècle) désignent les nouveaux peuples par les noms de leurs prédécesseurs, par exemple les les Vandales, les Goths et les Huns nommés Scythes. Ainsi Synésius de Cyrène rapporte à l'empereur Arcadius qu'aucun nouveau peuple n'avait été rencontré au nord de la Mer Noire. Il est vrai que l'ethnonymie antique ne désignait pas des peuples mais plutôt les régions peuplées. Ainsi, Jules César, dans son célèbre ouvrage La guerre des Gaules[51] ne reconnaît dans les Francs et les Alamans des germaniques, mais les appelle « Celtes de l'Est du Rhin ».

Manipulations idéologiques et propagandes racialistes

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Mythes de fondation et ethnogenèses modernes

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Il serait naïf de croire l'époque contemporaine exempte du recours à des mythes de fondation. Bien souvent cette élaboration, voire pure manipulation idéologique, est à l'œuvre dans la réécriture, en tout ou partie, de l'histoire des états modernes, se cherchant, ou souhaitant raccommoder, une identité, comme c'est le cas pour le mythe national français, étudié par Suzanne Citron, ou pour les efforts de la Suisse à repenser son creuset identitaire (mythe fondateur de la Suisse) ou désirant occulter un passé obscur.

Dans d'autres cas, dans un contexte multiculturaliste, c'est la gestion de nombreuses identités particulières qui prétend justifier certaines manipulations ou déformations de l'Histoire. Ainsi, le concept d'ethnogenèse a longtemps été utilisé par l'anthropologie évolutionniste soviétique des années 1920-1930 pour la gestion de la multitude d'ethnies distinctes (narod en russe). Cet usage réapparaît dans le contexte postsoviétique dans les années 1978 chez des anthropologues russes comme Lev Nicolaïevitch Gumilëv (1912-1992) mieux connu en occident sous le nom de Lev Goumiliov[52] et Yulian Bromley.

Plus récemment, le concept d'ethnogenèse est utilisé dans le contexte d'États confrontés à la réémergence d'identités de peuples autochtones colonisés et supposés assimilés de longue date, comme pour le peuple autochtone des Mapuches étudié par Guillaume Boccara (1999) ou pour revoir les versions officielles de leur histoire d'états comme les États-Unis (Élise Marienstras (1932-)) ou Israël (Anita Shapira (1940-)).

La théorie de l'ethnogenèse

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  • Selon la définition du dictionnaire Larousse, l'ethnogenèse est une théorie qui soutient que tout groupe ethnique se forme uniquement à partir d'autres peuples plus anciens et n'apparaît donc jamais ex nihilo.
  • Selon l'historienne médiéviste Magali Coumert (2013), la théorie de l'ethnogenèse est essentiellement élaborée en langue allemande au sein de l'école historiographique de Vienne par Reinhart Wenskus[53] par une relecture critique des travaux précédents portant sur l'histoire des peuples germains, détournés par le nazisme pour élaborer l'idéologie aryaniste. Toujours selon Coumert, suspecté de vouloir "blanchir" toute une historiographie allemande précédente, Wenskus, pourtant non suspect idéologiquement, est largement critiqué dans sa démarche par des historiens plus récents. Le débat contemporain aboutit à ne plus considérer l'ethnogenèse comme un éventuel processus essentialiste endogamique lié aux généalogies de lignées royales configurant un noyau culturelle stable dans le temps, mais de faire de l'ethnogenèse le résultat archéologiquement et anthropologiquement constatable d'un processus d'identification de consciences individuelles à une identité collective construite[54].
  • En archéologie, préhistoire, ethnologie, anthropologie et ethnolinguistique, outre les données touchant à la culture matérielle (objets et traces objectives diverses) la question de l'ethnogenèse s'analyse désormais également souvent à partir de recherches alimentées par des résultats en génétique des populations.

Notes et références

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  1. « Ethnogenèse, Nom féminin singulier », sur universalis.fr/dictionnaire/ (consulté le ).
  2. Gilles Ferréol (dir.), Dictionnaire de sociologie, Armand Colin, Paris, 2010 (ISBN 9782200244293)
  3. Françoise Morin, « L'autochtonie, forme d'ethnicité ou exemple d'ethnogenèse » in Parcours anthropologiques, numéro 6, Lyon 2006, p.  54-64
  4. L. N. Gumilëv, Ètnogenez i biosfera zemli, Akademii Nauk, Léningrad, 1978
  5. Cf. Reinhart Wenskus, Stammesbildung und Verfassung. Das werden der frühmittelalterlichen gentes, Cologne 1961.
  6. Cf. Herwig Wolfram, Histoire des Goths, C. H. Beck'sche Verlagsbuchhandlung Oscar Beck, Munich 1979, University of California Press, CA, 1988, éd. Albin Michel, 1990, 574 p. (ISBN 2-226-04913-4)
  7. "Aspekte frühmittelalterlicher Ethnogenese in historischer Sicht" dans ID, Herrschafft und Ethnogenese im Frühmittelalter, Münster 2002, p. 19-27 (réed. d'un article paru en 1985) (ISBN 3-93261-019-9)
  8. Cf. G. M. Berndt, Konflikt und Anpassung. Studien zu Migration und Ethnogenese der Vandalen, Husum, 2007.
  9. Roland J.L. Breton, "Ethnogenèse et politogenèse", in Annales de géographie, 1987, 538 p., p. 742-744.
  10. Thomas Turner, Ethnogenèse et nationalisme en Afrique centrale. Aux racines de Patrice Lumumba, préface de Crawford Young, éd. L'Harmattan, 2000, traduction Michel Veys et Monique Chajmowiez,col. "Congo-Zaïre/Histoire et société", 456 p. (ISBN 2738473229)
  11. Thomas Abercrombie, "Ethnogenèse et domination coloniale", in Journal de la société des américanistes, 76, 1990, p. 91-104.
  12. Cf. Guillaume Boccara, Guerre et ethnogenèse Mapuche dans le Chili colonial: l'invention du soi., éd. L'Harmattan, 1998.
  13. "L'autochtonie comme forme d'ethnicité ou exemple d'ethnogenèse", in Parcours anthropologiques, Lyon, numéro 6, 2006, p. 54-64 (ISBN 978-2-912868--48-0)
  14. "Du Caboclo à l'indigène, réflexions sur l'ethnogenese au Brésil", Journal de la société des américanistes, Société des américanistes, 2009, p. 41-72.
  15. Antoinette Molinié, "Ethnogenèse du New Age andin: à la recherche de l'Inca global", in Journal de la société des américanistes, 2012, 98-1, p. 171-199
  16. L'ethnogenèse des Frisons, Revue du Nord, 2011
  17. De l'usage de l'ethnogenèse en Histoire médiévale, 4 novembre 2013, site ménestrel.fr
  18. Les Ostrogoths et les Burgondes sont-ils romains? Réflexions critiques sur l'ethnogenèse et les théories de l'ethnicité dans l'Antiquité tardive, 29/01/2015, conférence donnée à l'université de Lorraine de Nancy.
  19. « ETHNIE, subst. fém. », sur Trésor de la Langue Française informatisé, http://atilf.atilf.fr/ (consulté le ).
  20. voir aussi sur la difficulté à intégrer la longue durée en histoire : Fernand Braudel, Écrits sur l'histoire, éd. Flammarion, 1969, col. "Champs", p. 54
  21. Fustel de Coulanges cité par Le Goff dans Histoire et mémoire, p. 299.
  22. Jacques Le Goff, 1988, Histoire et mémoire", p. 230
  23. Colin 1998, par exemple
  24. Jacques Le Goff, Histoire et mémoire, p. 111
  25. Cf. Abdesselam Cheddadi, dans son introduction au Livre des Exemples d'Ibn Khaldûn, II, p. XVI
  26. Cf. Gilbert M., Perrucho M., Sevin A., Sazhinova Z., Bazarou B., Kovalev P., Apport des généalogies réelles et mythiques à la reconstruction de l'ethnogenèse Bouriate : exemple de la vallée de Bargouzine (Bouriatie), Anthropo 2006, 11, p.  199-207, www.didac.ehu.es/anthropo
  27. Maurice Godelier, Les tribus dans l'Histoire et face aux états, CNRS, 2010 (ISBN 978-2271069597) 88 p.
  28. Jacques Brun, « Essai critique sur la notion de ségrégation et sur son usage en géographie urbaine » dans La ségrégation dans la ville (1994) : pp. 21-57.
  29. Christian Mériot, Les Lapons et leur société : étude d'ethnologie historique, Toulouse, Privat, , 370 p. (ISBN 2-7089-7407-6).
  30. Guy Bourdé et Hervé Martin en collaboration avec Pascal Balmand, Les écoles historiques, éditions du Seuil 1997, coll. « Points. Histoire » H-67, (ISBN 978-2-02-030022-3), en ligne sur Persée [1].
  31. déjà étudié par des auteurs classiques tels Cassiodore ou Jordanès (Histoire des Goths et Histoire de Rome) ou contemporains tel Herwig Wolfram
  32. Cf. Grégoire de Tours
  33. Cf. Henri Hubert, 1932 et Venceslas Kruta, 2000
  34. Cf. Ibn Khaldûn
  35. Cf. István Bóna, Les Huns. Le grand empire barbare d'Europe. IVe – Ve siècles, éd. Errance, 2002, 239 p. (ISBN 2-87772-223-6)
  36. Cf. Régis Boyer
  37. Katalin Escher, Les Burgondes. Ier – VIe siècles apr. J.-C., éd. Errance, 2006, col. "Civilisations et cultures", 283 p. (ISBN 2-87772-325-9)
  38. Ethnogenèse des Frisons 2011
  39. Jean-Pierre Vernant, Le mythe hésiodique des races, 1960.
  40. Jacques Ellul, Histoire de la propagande, 1976)
  41. voir Paul Veyne
  42. Henri Desroches, Dieux d'hommes, 1969
  43. voir Christian Delage, La vision nazie de l'Histoire, 1989
  44. qu'il s'agisse des Grandes migrations des peuples "barbares", ou des mouvements migratoires contemporains
  45. Cf. Russel Bouchard, La longue marche d'un peuple oublié : ethnogenèse et spectre culturel du Peuple Métis de la Boréalie, Chicoutimi, 2006, 213 p., (ISBN 9782921101998)
  46. étudiés par l'historien médiéviste Wolfram
  47. Cf. Pekka Hämäläinen, 2016
  48. Patrick J. Geary, The Myth of Nations. The Medieval Origins or Europe, Princeton University Press, 2002 (ISBN 0-691-09054-8)
  49. Gilles Ferréol (dir.), Dictionnaire de sociologie, Armand Colin, Paris 2010, (ISBN 9782200244293)
  50. Jean Chaline, Histoire de l'homme et des climats au quaternaire, Doin, Paris 1985, (ISBN 2-7040-0489-7).
  51. Cf. Jules César, Guerre des Gaules, 1950, éd. Les Belles Lettres, 1981, éd. Gallimard, col. "folio/classique", 461 p. (ISBN 2-07-037315-0)
  52. Gumilëv, Lev N., Ètnogenez i biosfera zemli, Akademii Nauk, Léningrad, 1978
  53. op. cit.
  54. Magali Coumert, De l'usage de l'ethnogenèse en histoire médiévale, sur le site ménestrel.fr, 4 novembre 2013

Bibliographie

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  • Jean-Loup Amselle, "L'ethnicité comme volonté et comme représentation: à propos des Peuls du Wasolon", Annales ESC, mars-avril 1987, numéro 2, p.  465-489.
  • G. Barruol, "Les peuples préromains du sud-est de la Gaule. Études de géographie historique", Revue archéologique de Narbonnaise, supp. 1, Paris, 1975.
  • Filippova, Elena, "De l'ethnographie à l'ethnologie: changer de nom ou changer de paradigme ? L'école russe d'ethnologie, 1989-2008", L'Homme, 194, 2010, p. 41-56.
  • Lev Nikolaïevitch Goumilëv, Ètnogenez i biosfera zemli (Ethnogenèse et biosphère de la terre), Akademii Nauk, Léningrad, 1978, rééd. Léningrad, Lgu, 1990, rééd. 2013, éd. Azbuka, (ISBN 9785389063778), édition en Français sous Le nom de Lev Goumiliov, L'ethnogenèse et la biosphère de la terre, Moscou, Éd. de l'Institut DIDIK, 1997.
  • Fredrick Barth, Ethnic groups and Boundaries, Boston, Little Brown, 1969.
  • Roland J. L. Breton,
  • Jean-Louis Brunaux, Les Celtes. Histoire d'un mythe, éd. Belin, 2014, 350 p. (ISBN 978-2-7011-7719-9)
  • Jean-Pierre Chrétien et Gérard Prunier, ss dir., Les ethnies ont une histoire, Paris, éd. Karthala-ACCT, 1989.
  • Suzanne Citron, Le mythe national. L'Histoire de France revisitée, Paris, Les éditions de l'atelier, 2017 (ISBN 9782708245280)
  • A. Colin, Chronologie des oppida de la Gaule non méditerranéenne, Documents d'archéologie française, 71, Paris, 1998.
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  • Magali Coumert et Bruno Dumézil, Les royaumes barbares en occident, éd. PUF, 2010, col. "Que sais-je ?", no 3877 (ISBN 2130575773)
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  • Christian Delage, La vision nazie de l'Histoire, éd. L'âge d'homme, 1989.
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  • Maurice Godelier, Les tribus dans l'Histoire et face aux états, éd. Cnrs, 2010, 88 p. (ISBN 978-2271069597)
  • Pekka Hämäläinen, L'Empire comanche, préface de Richard White, traduit de l'anglais par Frédéric Cotton, éd. Anarchasis, 2012, 635 p. (ISBN 979-10-92011-39-5)
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  • Marlène Laruelle,
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    • L'idéologie eurasiste russe ou comment penser l'empire, éd. L'Harmattan, 1999 (ISBN 2-7384-8258-9)
    • La quête d'une identité impériale. Le néo-eurasisme dans la Russie contemporaine, éd. PETRA, "Sociétés et cultures post-soviétiques en mouvement, 2007 (ISBN 978-2-84743-010-3)
  • Jacques Le Goff, Histoire et mémoire, éd. Gallimard, réédition 1988, col. "Folio/histoire", (ISBN 2-07-032404-4), notamment pp. 111-130: La mémoire ethnique.
  • Antoinette Molinié, "Ethnogenèse du New Age andin: à la recherche de l'Inca global, Journal de la société des américanistes, 2012, 98-1, pp. 271-199.
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  • Venceslas Kruta, Les Celtes. Histoire et dictionnaire., éd. Robert Laffont, 2000, 1005 p., (ISBN 2-221-05690-6)
  • Nicole Loraux, Né de la Terre: Mythe et politique à Athènes, éd. Seuil, 1996, (ISBN 978-2-02-028240-6)
  • Élise Marienstras,
    • Nous, le Peuple. Les origines du nationalisme américain, Paris, éd. Gallimard, 1988.
    • Les mythes fondateurs de la nation américaine, éd. Complexe, 1992.
  • Philippe Poutignat & Jocelyne Streiff-Fenard, Théories de l'ethnicité, suivi de Fredrik Barth, Les groupes ethniques et leurs frontières trad. Jacqueline Bardolph, Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenard , PUF, 1995, col. "Le sociologue", 270 p. (ISBN 2-13-046627-3).
  • Fabien Régnier et Jean-Pierre Drouin, Les Peuples fondateurs à l'origine de la Gaule, préface de Venceslas Kruta, éd. Yoran embanner, 2012, 899 p. (ISBN 978-2-914855-94-5)
  • Anita Shapira, L'imaginaire d'Israël: histoire d'une culture politique, éd. Calmann-Lévy, 2005.
  • Strabon, Géographie, traduction Lasserre, Les Belles Lettres, Paris, 1996.
  • Herwig Wolfram, Histoire des Goths, éd. Albin Michel, 1991, coll. "L'évolution de l'Humanité".

Voir aussi

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Articles connexes

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Anthropologie

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Ethnologie

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Sociologie

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Linguistique

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Histoire

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Idéologie et politique

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Droit international

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Méthodologies

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Références bibliographiques complémentaires

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  • Guillaume Boccara, Guerre et ethnogenèse mapuche dans le Chili colonial : l'invention du soi, L'Harmattan, 1998, 391 p. (ISBN 2-7384-7298-2) (texte remanié d'une thèse)
  • Guillaume Boccara, Ethnifications, ethnogenèses et métissages aux frontières de l'Empire, communication, colloque España y America. Transposiciones e identidades, Madrid, Casa de Velasquez, juin 2000.
  • Bertrand Jordan, L'humanité au pluriel : La génétique et la question des races, Paris VIe, Seuil, coll. « Science ouverte », , 227 p. (ISBN 978-2-02-096658-0).
  • Patricia Galloway, Choctaw genesis. 1500-1700, Lincoln, University of Nebraska Press, 1995.
  • Jonathan D. Hill, éd. History, Power and Identity. Ethnogenesis in the Americas, 1492-1992, University of the Iowa Press, 1996.
  • (en) Johan Leman (dir.), The dynamics of emerging ethnicities : immigrant and indigenous ethnogenesis in confrontation, Peter Lang, Frankfurt am Main, New York, 2000, 177 p. (ISBN 3631364776)
  • Jacqueline L. Peterson, "Ethnogenesis: the Settlement and Growth of the "New People" in the Great Lakes, 1702-1815", AICRJ, 6, 2, 1982, p.  23-64.
  • Jens Schneider, « L'ethnogenèse des Frisons », in Revue du Nord, 2011, nos 391-392, p. 749-759
  • Jean-René Tréanton, « Labeurs et incertitudes d'une ethnogenèse », in Une nouvelle civilisation ? : hommage à Georges Friedmann, Gallimard, Paris, 1973 (ISBN 2-07-028419-0)
  • Thomas Turner, Ethnogenèse et nationalisme en Afrique centrale : aux racines de Patrice Lumumba (traduit de l'anglais par Monique Chajmowiez et al.), L'Harmattan, 2000, 456 p. (ISBN 2-7384-7322-9)

Liens externes

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