Bara, de l'imaginaire révolutionnaire à la mémoire nationale1
p. 79-98
Texte intégral
1Si chaque époque secrète ses héros et hérite d’une partie des héros des époques précédentes, la Révolution française innove en trouvant ses exemples dans les périodes antiques et en réfutant les hommes célèbres de la monarchie ; son originalité est d’honorer des individus ordinaires, arrachés à l’anonymat par un fait d’armes ou par une mort tragique. La commémoration limitée jusque là aux rois et aux dieux devient monnaie courante, et met en valeur les acteurs de la Révolution remarqués par leurs contemporains2. L’image de la Liberté : femme tenant une pique surmontée d’un bonnet et foulant aux pieds un joug, donne naissance peu à peu à la Marianne avec qui la Révolution se confond3. Cette prolifération de l’imaginaire se manifeste, dès le 14 juillet 1789, par l’invention du comte de Lorges, prisonnier de la Bastille pour les besoins de la cause. De cet usage immodéré de l’imaginaire, bien des exemples ont été apportés4, et peut-être faudrait-il aller jusqu’à mettre tout le développement de la Révolution sous le signe de l’imaginaire pour en comprendre le déroulement5.
2Dans cette perspective qui intègre la brutalité des événements au flou des sensibilités, l’exemple de la Vendée, révolte rurale transformée en guerre sous l’effet conjugué de l’aveuglement devant la peur du complot et de la débandade imprévue de troupes prend une importance capitale : cette guerre se trouve au cœur de toute l’histoire de la Révolution, radicalisant son cours, et surtout créant un « fonctionnement » politique, qui, de 1793 à 1794 orientera les destinées du pays, et laissera ensuite une mémoire indéracinable. Tel est le cadre conceptuel dans lequel il faut intégrer l’œuvre de Jacques-Louis David, intitulée La mort de Bara, qui témoigne de la création d’un de ces héros de l’imaginaire révolutionnaire, passé depuis dans le patrimoine national du souvenir. Bara ne fut pas seulement un météore flamboyant de la commémoration6 ; un siècle plus tard, il devint l’incarnation de l’héroïsme révolutionnaire, achevant un destin posthume exceptionnel7.
3Il est possible de lire le cas de Bara selon des lectures diverses : de l’anthropologie historique à l’histoire psychanalytique… Sans vouloir opposer de façon stérile le vrai des faits, au faux des inventions, l’histoire de Bara est celle d’un adolescent mort inconnu qui donne au Panthéon sa plus jeune gloire et qui, après un siècle d’oubli, voire de reniement, devient modèle politique et scolaire.
Au commencement était la guerre
4La vie réelle de Bara tient en deux papiers. L’un, du 30 juillet 1779, est son acte de naissance. Son père était garde-chasse du seigneur de Palaiseau, qui lui servit de parrain. L’autre, daté du 8 décembre 1793, est l’annonce de sa mort envoyée à la Convention nationale par le général Desmarres, sous les ordres duquel il se trouvait en Vendée. Entre les deux, on imagine une vie difficile, d’autant que son père meurt et que sa mère se trouve à la tête d’une famille nombreuse, dans laquelle Joseph est le troisième garçon, alors que le quatrième est infirme. La présence de Joseph Bara dans l’armée n’a rien d’exceptionnelle. Ses deux frères aînés, par patriotisme ou par nécessité, sont partis combattre aux frontières ; il semble être parti en Vendée pour accompagner le général Desmarres, soulageant ainsi les charges de sa mère. Était-il tambour, hussard, agent de liaison ou ordonnance du général ? Les armées de cette époque acceptaient beaucoup d’enfants, aux tâches mal définies, mais moins exposées que ne le présente la lettre de Desmarres qui décrit Bara chargeant à la tête du régiment. Sa jeunesse ne pouvait pas lui permettre d’être inscrit sur les rôles du régiment, et de recevoir une solde. Était-il vraiment équipé en hussard, quand on sait les difficultés effroyables dans lesquelles l’intendance républicaine se débattait alors, ne serait-ce que pour chausser ses soldats8 ?
5Quelle qu’ait été l’activité de Bara, il ne succombe pas au combat. Selon Desmarres lui-même, Bara qui « conduisait deux chevaux », aurait été « entouré » par des vendéens et serait mort dans cette rencontre en marge de la bataille que, le 7 décembre 1793, le régiment menait près de Jallais dans les Mauges. Protégea-t-il les chevaux appartenant à l’armée, ou venait-il de s’en emparer, comme l’affirme la tradition blanche qui le voit comme « un petit maraudeur9 » ? Peu importe, sauf à savoir pourquoi le général Desmarres donne autant d’importance à ce mince épisode, alors qu’il vient de sortir difficilement d’une bataille incertaine.
6Le général Desmarres s’appelle Jean-Baptiste-Marie Desmarres d’Estimauville, il est sieur de Beaumonchel et né à Pont-l’Evêque, en 1760. Il s’établi, à la suite de son père à Palaiseau. Une femme de la famille est, en 1774, la marraine d’une sœur de Bara. Jean-Baptiste Desmarres, au sortir de l’École militaire, sert comme cadet-gentilhomme dès 1776, puis dans l’armée royale aux Indes de 1778 à 1785, où il obtient le grade de major des cipayes, avant de revenir à Palaiseau en 1790, où il habite chez son père, seigneur de la ville. En août 1792, il prête le serment civique, s’engage dans les volontaires de Paris et, le 16 septembre, est nommé adjoint aux adjudants-généraux du camp de Meaux, d’où il part comme adjudant-général à l’armée des côtes de Brest, pour devenir commandant de la place de Bressuire.
7De cette ville, il part pour débarrasser les Mauges des bandes armées que les vendéens ont reconstituées, autour du comte de La Bouëre et de Pierre Cathelineau, l’un des frères du premier généralissime de la Vendée. La pression des Blancs est telle que les armées républicaines connaissent deux revers importants, que Desmarres signale dans sa lettre. Lui-même, le 7 décembre, contient à grand peine ses ennemis : il lui faut un combat de trois heures, après un mouvement de panique qui fait croire aux habitants de Cholet, et même de La Chataigneraie, qu’il a été tué. Il ne peut donc pas se targuer d’une grande victoire, même s’il a poursuivi les vendéens « la bayonnette dans les reins ». Ceux-ci se sont dispersés, ils n’ont pas été vaincus.
8La position du général Desmarres est d’autant moins assurée qu’il cumule une succession de handicaps. Il doit rendre des comptes sur ses difficultés militaires devant son supérieur : le général Turreau, proche des sans-culottes et des hébertistes, c’est-à-dire d’un parti politique radicalement opposé au sien puisqu’il se situe dans la mouvance de Danton ; il est noble au moment où les généraux nobles irréprochables, comme Canclaux, viennent d’être écartés des commandements, où d’autres sont accusés de trahison, comme Biron et Marcé, et attendent l’échafaud. Enfin, il vient d’être impliqué, en août 1793, dans les luttes politiques mortelles qui opposent les montagnards, les dantonistes et les hébertistes et il a participé à la deuxième tentative de destitution et d’emprisonnement dirigée contre le général hébertiste Rossignol, commandant l’armée des côtes de La Rochelle et ami de Turreau. La tentative a échoué, Rossignol a été confirmé dans son commandement par le Comité de salut public.
9Pour toutes ces raisons, il reçoit dans la nuit du 25 au 26 décembre, alors qu’il a regagné Bressuire, l’ordre de se rendre à Angers pour se justifier, ce qu’il n’exécute que le 28 décembre. Il ne voit pas Turreau aussitôt et l’attend plusieurs jours. L’entrevue tourne mal, il plaide en vain sa cause par une lettre datée du 11 janvier ; il est relevé de son commandement et incarcéré – à une date peu précise. Le 30 janvier suivant, la commission militaire d’Angers, devant laquelle il comparaît, l’accuse, entre autres, d’avoir dissimulé sa naissance et d’avoir trahi au profit des vendéens, et donc elle le condamne à mort. La sentence est exécutée le lendemain10.
10Quel est le but de Desmarres, quand il attire l’attention de la Convention sur Bara en décembre 1793 ? Sans doute veut-il faire attribuer une pension à la mère de l’enfant, qui « l’avait accompagné », comme il l’écrit ; cependant, ses tribulations laissent à penser que d’autres motifs plus graves ont dû guider sa démarche. Il ne peut ignorer la fragilité de sa position dans une armée gravement divisée politiquement, et dans laquelle les généraux risquent plus l’échafaud que les balles vendéennes ; mettre Bara en exergue, peut faire oublier que les « brigands » sont redevenus une force redoutable, permet de se placer sous l’œil de la Convention, et de se garantir de la toute puissance des hébertistes dans l’armée de l’Ouest. Quoi qu’il en soit, ce calcul profite seulement à la mémoire de Bara.
11S’il y a calcul complexe de la part de Desmarres, la Convention en fait un autre en s’emparant de Bara. Devant les échecs répétés du printemps, les Montagnards ont réussi à imposer la création d’un Comité de Salut public, doublant le Comité de défense générale, et les nouvelles provenant de la Vendée sont lues à la tribune de l’assemblée tous les jours à midi. Dans des luttes politiques internes, chaque parti fait parvenir des lettres dont les termes soigneusement calculés doivent le disculper de toute accusation de modérantisme et lui permettre d’affaiblir les positions des partis adverses. Certaines ont droit à la transcription dans le Moniteur et dans les différents journaux révolutionnaires, autant pour servir à l’édification de la nation sur la campagne militaire que pour intervenir dans les rapports de force entre révolutionnaires.
12C’est le sort que reçoit la lettre de Desmarres, lue et commentée par Barère, le 15 décembre 1793 (25 frimaire) et dont le Moniteur rend compte le 17 suivant. Sur le champ, la Convention accorde une pension de 1 000 livres et une somme de 3 000 livres à la mère de Bara. Ces mesures ne sont pas exceptionnelles11. L’exemple de Bara est résumé, dès le 27 frimaire, dans un paragraphe des Annales du Civisme et de la Vertu, petit livre rédigé par Léonard Bourdon, à l’intention des enfants, sur la demande du Comité d’instruction publique. L’opuscule doit être lu les jours de décade dans les écoles et les assemblées primaires. Bara est également cité dans le Recueil des actions héroïques des citoyens français, qui paraît le 10 nivôse (30 décembre 1793), entre un forgeron herculéen partant combattre les Piémontais avec son marteau et le maire d’Aix, empêchant que deux régiments français n’en viennent aux mains. Bourdon raconte la mort de Bara en mêlant la version de Desmarres qui insiste sur la vaillance de Bara, les deux chevaux, la piété filiale, et la ferveur révolutionnaire qui s’exprime par le cri « Vive la République12 ».
13Or le 30 décembre, Robespierre, devant la Convention, souhaite un sort exceptionnel pour le jeune garçon : « Je demande que les honneurs du Panthéon soient décernés à Bara… que David soit spécialement chargé de prêter ses talents à l’embellissement de la fête ». David accepte et Barère demande à l’Assemblée de décréter l’envoi dans les écoles primaires de la gravure qui représentera le sacrifice de Bara. Celui-ci associé avec le représentant du peuple Fabre, est l’objet d’une commande de gravures « en nombre13 ». La procédure n’est pas en soi exceptionnelle, puisque le Comité de Salut public attache une grande importance à la propagande révolutionnaire réalisée par l’estampe, elle inscrit l’enfant Bara parmi le petit groupe des figures essentielles de la Révolution.
14Les discours qui lancent véritablement la « carrière » posthume de Bara méritent une attention particulière. Robespierre n’a pas été très impliqué dans ce genre de commémorations jusque là réservé à des hommes faits, et qui a trouvé naissance hors de l’enceinte de la Convention. Les discours de Robespierre et de Barère insistent tous les deux sur la jeunesse du héros. Celui-ci qui n’avait d’autres amours que sa mère et sa patrie représente la génération à venir, le Français modèle, produit de la Révolution. Barère ajoute qu’un tel héros ne peut pas exciter l’envie, ni être accusé d’ambition ; le comparant à Mirabeau, il assure qu’il ne risque pas d’être désavoué ensuite par ses contemporains, comme Mirabeau l’avait été. Petites phrases certes, mais qui indiquent que sous les honneurs décernés à Bara se cachent trois débats qui se mènent simultanément.
15Premier terrain de lutte : la déchristianisation et les « Martyrs de la Liberté ». Robespierre et Barère faisant de Bara un pur produit de l’amour patriotique et de la vertu civique, l’opposent aux cultes populaires rendus par les sans-culottes aux mânes de Marat, de Lepeletier et de Châlier. Ces « Martyrs de la Liberté » ont été canonisés plus ou moins spontanément par les éléments populaires parisiens et échappent au contrôle politique, d’autant plus que le mouvement populaire s’accompagne d’une campagne de déchristianisation, qui heurte Robespierre et les montagnards, désireux d’instaurer une religion déiste. Dans le mois de décembre 1793, le Comité de Salut public désavoue de plus en plus les sections qui ferment les églises ; deux mois plus tard, le gouvernement révolutionnaire contrôle le mouvement, élimine – physiquement parfois – les sans-culottes et les hébertistes, et donne une image orthodoxe et loyale de Marat intégrée dans la symbolique consacrée14. Dans ce combat politique, philosophique et religieux, Bara, étranger aux sans-culottes, intervient comme l’élément qui permet la reprise en mains des cultes populaires par le Comité de Salut public, sans que celui-ci se mêle ouvertement de la discussion.
16Deuxième occasion d’affrontement : la Vendée et la Terreur. Les sans-culottes, par la voix de leurs leaders, Hébert, Ronsin, Chaumette, orientent le club des Cordeliers et utilisent la Vendée pour réclamer la radicalisation révolutionnaire. Toute mesure modérée à propos de cette guerre devient à leurs yeux le signe d’une trahison politique. Ils ont gagné en éliminant leurs adversaires du théâtre de la guerre, dont le déroulement sert leurs ambitions et Ronsin a obtenu le commandement de l’armée révolutionnaire. Ces hommes sont accusés par le représentant en mission Philippeaux d’entretenir la guerre par leur incapacité d’abord, par leur volonté d’en tirer le plus grand profit ensuite : le terrorisme ne serait que la façade de leurs ambitions personnelles. Dans ces luttes qui s’achèvent sur l’échafaud, la mort de Bara apparaît comme l’occasion pour Robespierre de se poser en gardien intouchable de la doctrine de la Révolution, en récupérant pour son compte l’imaginaire qui prolifère à Paris autour de la Vendée.
17Troisième étage des rivalités : la panthéonisation de Bara doit être lue dans le cadre des affaires Chabot, du baron de Batz et de la compagnie des Indes. En cette fin 1793, la Convention est partagée à propos d’une gigantesque affaire de concussion qui met en cause, entre autres, Hébert, Danton et Fabre d’Églantine. Camille Desmoulins assène des coups terribles à Hébert, dans les numéros du Vieux Cordelier. Dans ce scandale politico-financier dont les tenants et les aboutissants nous échappent encore15, Robespierre continuant à se situer au-dessus des partis, paraît employer Bara, l’enfant vertueux, l’anti-Mirabeau, comme l’envers de tous ces révolutionnaires, Hébert ou Danton, dont on peut craindre qu’au lendemain de la mort les preuves de la trahison soient dévoilées.
18Ceci expliquerait l’intérêt porté par Robespierre à Bara en ce mois de décembre 1793 où le gouvernement révolutionnaire réussit à canaliser le mouvement populaire, à marginaliser les hébertistes et à isoler les indulgents16. Hormis ce discours du 30 décembre, Robespierre reste pratiquement muet dans la Convention. Le hasard ne joue pas de rôle dans les paroles des différents leaders révolutionnaires et l’on sait à quel point Robespierre adopta la stratégie de ne jamais s’engager directement dans les conflits, mais de les aborder en position d’arbitre incorruptible.
Bara, l’exemplaire
19Le détail de ces événements ne satisfait à aucun goût pour l’anecdote. L’intrusion de Bara dans les commémorations échappe à une « culture » révolutionnaire ; même si les éléments structurels de cette culture se mettent en place autour de lui, le calcul politicien prime. Ainsi le général Desmarres écrit-il à la Convention pour lui proposer de retrouver la dépouille du jeune garçon en se rendant sur les lieux de sa mort17. L’intention d’utiliser Bara pour son propre intérêt est manifeste : « l’enfant » qui l’accompagnait aux termes de la première lettre devient dans la deuxième : son « jeune élève », son « fidèle compagnon d’armes ». Il est difficile de ne pas lier les incertitudes qui pesaient gravement sur Desmarres à son insistance à partager la gloire de Bara. Ce genre de calcul n’est pas isolé. Westerman, autre ami de Danton, « indulgent » comme lui, se glorifie, le 23 décembre 1793, d’avoir achevé « la Vendée libre sous les pieds des chevaux » et croit que le surnom de « boucher des vendéens » qu’il acquiert va lui faire éviter la mort18.
20Ce recours au politique explique pourquoi le culte rendu à Bara a été– pendant la Révolution – lié au sort de Robespierre : d’une ampleur considérable en 1794, il disparaît dès Thermidor, contrairement à toutes les célébrations mythiques nées de la Vendée, qui durent et florissent encore sous le Directoire19. Imposé aux masses, il n’a été qu’en concomittance avec des fantasmes collectifs (le forgeron de la Vendée, l’héroïne de Saint-Milhier), et n’a existé que par la volonté politique de Robespierre et des membres du Comité de Salut public. Bara est promu par Robespierre en décembre et en janvier 1794. Durant les mois de mars et d’avril 1794, il ne semble pourtant pas appartenir de plein droit aux héros révolutionnaires. Il ne figure pas sur le rideau de la nouvelle salle de l’Opéra et David reçoit même l’ordre d’arrêter le placement des bustes de Bara, qui peut contrarier « le plan général sur les œuvres d’art », hiérarchisant l’expression des cultes révolutionnaires. Bara ne retrouve les premiers rangs héroïques qu’à partir de mai, lorsque Robespierre l’associe à Viala et donne l’impulsion définitive à sa panthéonisation20.
21Agit alors une autre intrigue politique. S’inspirant de la gloire de Bara, en février 1794 du fond d’une cellule où il a été jeté par plus jacobin que lui, et craignant le couteau de la guillotine, un certain Agricol Moureau, écrit à son ami le conventionnel Charles Duval, puis directement à Robespierre, pour leur vanter les faits héroïques du petit Agricol Viala, à la fois son neveu et son « élève », mort sept mois plus tôt à un âge encore plus tendre que Bara ! Viala, jeune républicain de 13 ans, aurait été tué à Avignon en voulant couper le cable du bac que les fédéralistes venus de Marseille voulaient prendre pour s’emparer de la ville. Viala devient le compagnon mythique de Bara et Moureau est élargi21 !
22Pourtant Bara, et Viala, sont des héros de papier. Sans consistance réelle, ils ne sont connus qu’au travers des lettres et des proclamations que leurs différents supporters signent. Dans sa première missive, Desmarres montrait Bara, chargeant à la tête de l’armée et faisant prisonniers deux vendéens, puis mourant entouré de brigands, refusant de livrer des chevaux ; Robespierre évite les invraisemblances militaires qui faisaient de Bara « un prodige de valeur », mais par contre il transforme la scène mortelle en faisant crier « Vive le Roi, Vive la République » par Bara. Le cri est une création de Robespierre, que Desmarres ne reprend pas à son compte dans sa deuxième lettre, lorsque revenant sur la mort de son protégé, il met dans sa bouche un langage moins châtié, digne du Père Duchesne – et sans doute plus vraisemblable. Aucun texte n’appuie les dires de Robespierre et rien n’étaie les allégations variables de Desmarres. Dans le combat de trois heures qui l’a opposé, selon lui, aux vendéens, l’épisode Bara a été marginal, extérieur à la bataille, et les détails donnés sont pour le moins sujets à caution. Si Bara a été entouré de « brigands », comment connaîtrait-on ses dernières paroles ? Si des soldats républicains étaient proches de lui, pourquoi ne l’ont-ils pas secouru, ou pourquoi n’ont-ils pas emporté son corps ? En tout état de cause, la mort de Bara, telle qu’elle est décrite par Robespierre ou Desmarres, ne repose que sur leur propre imagination, et il faudra que l’artiste chargé de la représenter invente entièrement la scène, et même le sujet principal, dont ni la figure, ni l’habit, ni la posture ne sont connus.
23Viala, mort devant des spectateurs, permet de mesurer l’importance des inventions. Selon son oncle, Viala, âgé de 13 ans, commandant de la garde nationale des enfants d’Avignon, se serait porté volontaire en juillet 1793 (le jour n’est pas précisé) pour couper le cable du bac d’Avignon, et aurait été tué d’une balle dans la tête par les fédéralistes postés sur la rive adverse : ce discours abonde en erreurs. Viala est né en 1788, il est dans sa seizième année et donc plus âgé que Bara. Les fédéralistes arrivent le 5 juillet devant Avignon, qui leur oppose une résistance limitée, mais réelle le 6, avec un échange de boulets et de balles, avant de leur ouvrir ses portes le 7, sans effusion de sang. En revanche, il y a mort d’un jeune homme de 16 ans le 5 juillet, devant le bac de Noves, au cours d’une brève fusillade. Voilà notre Viala. Des témoins occulaires l’ont décrit mort d’une balle reçue au-dessus « du têton gauche ».
24La mort de Viala fut à ce point connue qu’un parti jacobin, ennemi de son oncle, fit courir le bruit qu’il avait reçu la mort en se retournant, après avoir présenté le bas de son dos aux fédéralistes, dans un geste scatologique, courant à cette époque22. La réalité semble bien être la suivante. Les habitants de Noves ont conservé leur bac en usage, permettant le passage des fédéralistes. Contre cela, un petit groupe d’Avignonais, dont Viala, part couper le cable ; dans la brève échauffourée, la mort de Viala survient. L’opération est marginale et inefficace, puisque les fédéralistes passent la Durance et qu’Avignon se rend d’elle-même. Enfin Agricol Moureau, pourtant rédacteur en chef du journal révolutionnaire le Courrier d’Avignon, à partir de septembre 1793, attend sept mois, son propre emprisonnement et la mort de Bara, pour comprendre l’intérêt qu’il a à être l’oncle d’un autre Bara23.
25L’exemple du chevalier Désilles fait réfléchir sur ce genre de gloire posthume. Au printemps 1790, la garnison de Nancy se mutine et s’oppose à ses officiers, mais cède ensuite devant le marquis de Bouillé, chargé par l’Assemblée de rétablir l’ordre. Une partie des mutins, cependant, menace de ses canons l’armée de Bouillé. C’est alors qu’un jeune officier, le lieutenant Desilles, se place devant la bouche des canons pour interdire le feu et est blessé mortellement. L’armée de Bouillé réprime sans hésitation : 22 hommes sont pendus, un roué vif, 41 envoyés aux galères à Brest. Desilles connaît une gloire nationale immédiate. Son geste, popularisé aussitôt par la gravure, le marbre et le théâtre, lui vaut de donner son nom à des rues dans tout le pays, et son buste est couronné de chêne à l’Assemblée nationale. Deux ans plus tard, Bouillé, complice de la tentative de fuite du roi à Varennes, devient contre-révolutionnaire avéré ; les révoltés sont amnistiés en septembre 1791 et réhabilités en 1792. L’Assemblée accueille les galériens, porteurs du bonnet rouge, qui défilent dans les rues de Paris, tandis que le souvenir de Desilles devient odieux aux révolutionnaires, et bientôt oublié24. Héroïques un temps, méprisés ensuite, tel semble être le sort de ces héros liés aux fluctuations politiques.
26Bara se range parmi tous ces héros que le cours de la Révolution suscite, et qui prennent place après les Martyrs de la Liberté, de Guillaume Tell à Barneveldt, commémorés dans la seconde moitié du xviiie siècle. De 1789 à 1791, de Necker à La Fayette, en passant par Mirabeau, la France s’est donnée des modèles et des idoles. Ceux-ci sont répudiés au fur et à mesure que leurs compromissions sont découvertes, puis remplacés par des ancêtres indiscutables, Voltaire, Rousseau, ou par de nouveaux grands hommes, Lepeletier, Marat, Châlier, ou enfin par d’autres symboles héroïques, comme les jeunes tambours Darruder, Stroh, célèbres l’un en Bretagne, l’autre dans les Ardennes. Le premier saisit le pistolet de son père tué par les chouans « dans l’affaire de Fougère » et poursuit le combat ; le second, blessé mortellement à Droulers, par les Autrichiens vaincus à la bataille de Wattignies en octobre 1793, continue à battre la charge et crie Vive la République25.
27Beaucoup mieux que ces personnages, Bara incarne le type du héros exemplaire. Son sort exalte le sacrifice des citoyens-militaires. Sa mort scelle un destin, sa jeunesse garantit la vertu. Qu’il appartienne plus au monde de l’imaginaire qu’à celui de la stricte réalité est un avantage, plus qu’un handicap. Sa gloire ne risque pas d’être affaiblie par la découverte de faits contredisant sa légende et possède une supériorité indiscutable sur Viala, dont la réalité historique peut être connue. La courte vie de Bara le distingue des héros purement légendaires, nés de la rumeur et de la propagande, comme l’héroïne dite de Milhier, qui résiste à l’avancée des Autrichiens, dont l’acte est transposé en Vendée ou le maréchal-ferrand de Bressuire, qui amalgame la double légende d’un garde national bressuirais, renvoyant aux paysans vendéens une balle qu’il avait reçue dans la poitrine, et de celle d’un forgeron du Grésivaudan qui partit combattre les Piémontais avec son marteau.
28Bara comme Viala permettent de rassembler la République contre des ennemis (vendéens ou fédéralistes à l’intérieur, « étrangers » à l’extérieur) voués à la destruction26, de neutraliser des rivaux politiques (sans-culottes, hébertistes), et représentent un des maillons de la pédagogie révolutionnaire puisque leur jeunesse les fait servir d’exemple aux plus jeunes, porteurs d’avenir, face aux adultes décidemment inéducables27. Bara entre dans la longue chaîne des martyrs de la nation révolutionnée et est aussi l’un des exemples du travail de régénération appliqué au pays. Si la Révolution a fêté avec beaucoup d’attention les différents âges de la vie, enfants et vieillards sont particulièrement célébrés, dans la mesure où ils représentent les uns, la force de l’avenir et les autres, la sagesse du passé. Une solennité particulière est accordée au tournant des 16 ans qui fait passer de l’enfance aux débuts de l’âge adulte, consacrant une véritable initiation28. Bara atteste de l’adhésion volontaire, et exemplaire, de la jeunesse à la Révolution et donne sens à la présence des jeunes garçons dans les armées révolutionnaires.
29Cette sensation de participer à des événements considérables, d’être soi-même un héros, permet de comprendre comment l’opinion accepte Bara. Il prend la place occupée précédemment par les saints de la religion catholique et légitime les révolutionnaires convaincus de vouer leur vie à la Révolution, jusqu’au sacrifice29. Qu’il ne faille pas se laisser prendre aux formules déclamatoires, n’enlève rien au fait que des individus ont pu, volontairement, se bâtir une vie de héros révolutionnaire. Bara et Viala représentent, l’un, l’Ouest, l’autre, le Midi, soit les deux seules régions clairement identifiées en tant que telles par l’opinion publique de l’époque, et ils incarnent l’esprit de résistance face aux deux grandes menaces qui pèsent sur la France des montagnards et des sans-culottes, le fédéralisme et le « vendéisme30 ». Bara s’inscrit enfin dans la lutte symbolique qui oppose dans l’imaginaire national, les représentations symboliques des temps anciens et nouveaux31. Qu’il ait été promu délibérément par Robespierre ne lui aurait été d’aucun secours s’il ne s’était pas intégré dans tous ces courants qui soutenaient les changements révolutionnaires, par leur participation à la guerre, par leurs manifestations politiques ou par leurs revendications sociales.
L’édification inachevée d’un culte
30Il n’y a eu besoin d’aucune intervention politique pour faire naître dans la France entière des compagnies d’enfants et de très jeunes gens, engagées dans la défense de la Révolution et du pays. À Nantes, imitant leurs pères, les jeunes « patriotes nantais » prêtent serment à la constitution dès 1790, en Avignon, le jeune Viala est en juin 1793 le capitaine de la petite garde nationale, dite L’Espérance de la Patrie, et de nombreuses communes possèdent ce genre d’organisations militantes32. Les jeunes sans-culottes de certaines sections réclament le droit de fêter Bara ; ceux de la section de la République, suivis par ceux des sections des Arcis et des Piques le font dès le 17 nivôse (6 janvier 1794). Le 6 pluviôse (25 janvier 1794), les élèves de la section de la Fontaine de Grenelle réclament un buste de Bara à la Convention, comme ceux de la section Mutius-Scævola, le 17 pluviôse, tandis que le 20, la société des Jeunes Républicains de la section des Marchés célèbre une fête funèbre associant Marat, Châlier et « le jeune Bara ». Près de Paris, à Thiais, les jeunes républicains placent le buste de Bara dans la salle de séance de la société populaire. À Fréjus, dans le cortège qui symbolise les différentes vertus républicaines, Bara figure avec un guidon portant ces mots : « La Mort dont vous me menacez, ne m’épouvante pas, vous êtes des brigands, vive la République33 ». Ces initiatives servent aux sociétés de jeunes pour exprimer leur adhésion à la Révolution, au moment où leur existence même est menacée par les montagnards et la Commune de Paris ; elles expriment aussi un sentiment politique qui explique que la Révolution ait laissé, derrière elle, des souvenirs, des regrets et des leçons.
31Au printemps 1794, la commémoration de Bara entre dans une phase plus ample et plus organisée. Il serait vain, ici, d’énumérer les différentes manifestations qui se déroulent de Sceaux à Gannat, dans l’Allier, en passant par Joigny, dans l’Yonne, à Tarbes, et bien entendu à Palaiseau. Les jeunes gens et jeunes filles tiennent les premiers rôles, si ceux de Gannat se contentent de processionner et de danser patriotiquement, à Sceaux, ils deviennent partie prenante d’un décorum théâtral. Entre les allégories de la Liberté, de la Justice et de l’Égalité, les statues colossales et les temples de la Raison, Bara n’est qu’un élément d’une grande leçon qui laisse peu de place, si ce n’est aucune, à la spontanéité34. Palloy, célèbre depuis qu’il s’est fait adjuger le démantelement profitable de la Bastille, n’a pas manqué de faire part de ses projets commémoratifs lors de la mort de Desilles, et se mêle de la promotion de la mémoire de Bara. Il prend la tête de la députation de Sceaux qui, portant les bustes de Bara et de Viala, se présente à la barre de la Convention le 29 mai 1794 (10 prairial), avec la mère, la sœur, le frère de Bara, et l’oncle de Viala ! La Convention décrète aussitôt que le compte-rendu d’une séance si mémorable sera envoyé aux armées. Trois jours après, Palloy accompagne à nouveau la mère de Bara à une séance du club des Jacobins35. Mais on ne prénomme Bara que quelques enfants36, et Bara n’obtient guère de succès dans le palmarès des fêtes révolutionnaires, par rapport à Marat ou à Lepeletier, qui sont régulièrement honorés dans tout le pays37.
32« Bara et Viala, immortalisés », ce mot d’ordre de l’armée38 illustre l’ouverture d’une nouvelle carrière pour les deux enfants-héros. Le 7 mai 1794 (18 floréal), à la suite du rapport de Robespierre sur les fêtes nationales, la Convention décrète l’entrée des cendres de Bara et de Viala au Panthéon et le peintre David chargé de l’organisation de la cérémonie. Le plan que l’artiste présente à l’assemblée le 11 juillet (13 messidor) prévoit une fête grandiose jouant sur l’opposition : de la douleur de la mort des enfants et la joie de leur entrée au Panthéon, des salves d’artillerie à la musique et aux poèmes ; des enfants doivent porter l’urne de Viala, des mères celle de Bara. Au seuil du Panthéon, alors que le président de la Convention doit être au centre de l’ordonnancement de la fête, les cris du peuple doivent passer des trois proférations « Ils sont morts pour la Patrie ! », aux trois suivantes « Ils sont immortels39 ». La célébrité des enfants atteint son point culminant. L’hymne composé par Méhul, sur des paroles de Davrigny, est distribué à 3 960 exemplaires, dont 2 400 dans les sections parisiennes. Le pendant martial de cette apothéose est la consécration de Bara et de Viala comme modèles proposés à l’École de Mars, créée par décret le 1er juin 1794, et qui doit donner une éducation militaire et patriotique à 6 000 fils de sans-culottes.
33La fête est primitivement fixée au 18 juin (30 prairial), soit dix jours après la fête de l’Être suprême. Elle est repoussée au 18 juillet (30 messidor) parce que les deux fêtes auraient été trop proches l’une de l’autre, que David n’est pas prêt, et pour que les élèves de l’École de Mars puissent assister à la cérémonie. Un nouvel ajournement renvoie la fête au 28 juillet (10 thermidor). Le délai permet à Joseph Chénier de composer le Chant du départ, sur une musique de Méhul, accordant une strophe entière à Bara et Viala, et de l’éditer le 2 thermidor. Le 7 thermidor, la commune de Paris prend toutes les dispositions nécessaires à la fête. Or le 9, Billaud-Varennes monte à la tribune de la Convention pour réclamer le report sine die de la solennité, yvoyant le prétexte pour rassembler les jeunes gens, armés, de l’École de Mars autour de la Convention, et donc une manœuvre de Robespierre. « Nous irons au Panthéon avec plus d’enthousiasme quand nous aurons purgé la terre », conclut-il40. La chute de Robespierre, ce même jour, annule la fête.
34Les enfants de l’École de Mars, qui ne bougent pas le 10 thermidor, pour soutenir Robespierre, gardent cependant Bara et Viala comme idéal, et jurent de les imiter41. Dans le reste du pays, Bara et Viala sont encore fêtés. À Avignon, le 30 messidor, la fête met au premier plan les enfants, qui doivent prendre modèles sur les deux héros, et les parents, qui doivent se glorifier de vouer leur progéniture à la défense du pays. À Laigle, le deuil contraste avec l’allégresse ; à Besançon, le 10 thermidor, le discours est prononcé par un enfant de 14 ans, Charles Nodier, le futur romancier42. Mais Thermidor clôt l’engouement théâtral qui s’était emparé de la mort de Bara dès janvier 1794. L’Apothéose du jeune Bara, malgré le titre, parle peu du héros, mais beaucoup de la Vendée. La Mort du jeune Bara ou une journée de la Vendée est donnée dans les premiers jours de juin, aux dépens de toute vérité, puisqu’elle met en scène un Bara, tuant de sa main une demi-douzaine de vendéens avant de se marier avec une citoyenne, Aimée, qui, de son côté a tué trois autres « brigands ». Le héros meurt héroïquement en associant la République à Aimée43.
35Les graveurs44 échappent à cette chronologie. Ils représentent Bara en tambour, en hussard, mais transmettent les traits essentiels du légendaire institué depuis janvier 1794. Debucourt, qui dédie son œuvre « aux jeunes français », transcrit mot à mot les termes de la première lettre de Desmarres, en dessous de son dessin. Boissier mêle l’amour filial et l’amour patriotique dans sa légende, qui se termine avec l’entrée de Bara au Panthéon. Vérité joint un poème à sa gravure : « Citoyen avant l’âge et soldat à treize ans/ Secourant de sa paye une mère chérie/ Ce précoce héros mourut pour la patrie/ Sa cendre au Panthéon repose… et vous tyrans/ Apprenez à juger de nous par nos enfants ». Debucourt montre Bara en uniforme de hussard, à cheval et sans tambour, assailli par des « rebelles » (dont un prêtre) brutaux et farouches, porteurs d’armes blanches. Une gravure de François Bonneville est découpée en compartiments dans lesquels se trouvent les portraits en médaillon de Bara, de Lepeletier, de Marat et de Châlier. Une autre série de gravures patriotiques montre Viala et Bara couronnés par la Liberté. Si Bara n’est pas entré au Panthéon, il est devenu un martyr de la Liberté, à la renommée assurée, comme en témoignent les objets usuels (boîte, bol ou éventail) qui sont ornés de son portrait. En germinal an II, le président de la société républicaine d’Ars en Ré (île de Ré) cite Bara en exemple aux mousses qui partent sur les bateaux de la République. En 1795, un cutter Le Barra participe à la défense de la côte français45. C’est ainsi que le hussard improbable ou le petit tambour supposé entre définitivement dans la légende nationale, porteur du symbolisme révolutionnaire.
36La toile de David, peintre officiel de la Convention, connaît une autre destinée. Commencée dans le printemps 1794, la chute de Robespierre la suspend. Après quelques mois, David est jugé et emprisonné avec ses pinceaux et son chevalet, sans pouvoir terminer le tableau, dont David ne se séparera pas. L’inachèvement reste mystérieux46 : est-ce une ébauche d’atelier ? Correspond-il à l’incapacité de David de peindre un enfant inconnu ? Vient-il de la difficulté d’une présentation symbolique à partir d’une anecdote ? Le fond doré du Bara est de même force que le plan austère du Marat, nimbant l’enfant nu de l’intense rayonnement coloré de la Gloire47. Dans son discours du 11 messidor, David donne une description très positiviste du sujet du tableau très éloignée du procédé retenu : l’enfant héroïque, répondant Vive la République aux brigands vendéens et tombant percé de coups, tout en pressant sur son cœur la cocarde tricolore. Même habillé, même mourant aux pieds de cavaliers, la représentation de Bara ne correspond pas au projet énoncé. L’inachèvement pourrait alors être l’impossibilité d’allier la vision allégorique avec les nécessités de la propagande et les difficultés de la lutte politicienne. Déjà en 1790, David ne réalise pas le tableau commandé par la municipalité de Nantes, pour lequel il avait donné le titre engagé : La Ville de Nantes, Allégorie de la Révolution48 ; on connaît l’histoire analogue du Serment du jeu de Paume. L’histoire se déroule-t-elle trop vite pour l’artiste ? David est un personnage politique, président à son tour des séances de la Convention ; engagé dans les débats politiques, il est notamment en butte à l’hostilité de Palloy, qui tente de le supplanter dans l’ordonnancement des fêtes, ou à celle de Marie-Joseph Chénier.
37D’autres exemples permettent de comprendre comment art et politique se marient d’une façon compliquée. Le sculpteur, Mazetti, chargé, à Avignon, du buste de Viala est accusé de fédéralisme et doit accomplir sa tâche avant d’être conduit à l’échafaud ! S’inspirant de l’exemple de Pénélope, il travaille avec un retard calculé pour garantir sa vie par l’inachèvement du buste ! Le 9 thermidor le sauve. Le peintre Hue est chargé du tableau commémorant l’échec des vendéens devant Granville. La commande fait oublier qu’il a été peintre du roi et il participe à l’organisation de nombreuses fêtes révolutionnaires avant de se résoudre à l’exécution du tableau au moment où les tensions internationales provoquent un regain de nationalisme49 ! Mieux que les dessins, naïfs ou polémiques, qui fleurissent autour de Bara, la force du tableau de David vient de l’ampleur du projet artistique, perceptible malgré – ou à cause de – l’inachévement. Bara renvoie à l’allégorie du sacrifice suprême. Indépendamment de toute considération esthétique, le Bara de David peut ainsi recevoir des lectures complémentaires, qui expliquent que son influence ne fut pas immédiate, mais largement postérieure à la période révolutionnaire.
Bara oublié et retrouvé
38Le culte public de Bara disparaît de la vie quotidienne des Français peu après le 10 thermidor. En février 1795, les Avignonais envoient à la Convention une version des faits peu glorieuse de la mort de Viala, qui met un terme au culte, alors que Marat est expulsé du Panthéon. Le rétablissement des bustes de Marat, de Lepeletier, de Bara et de Viala, est significativement prévu dans le plan d’insurrection rédigé en prison par le terroriste Brutus Magnier, dans l’hiver de l’an III50. Au cours du xixe siècle, l’enfant héroïque est incarné par Gavroche, et lorsque le sculpteur David d’Angers consacre une de ses œuvres à Bara, il ne s’inscrit dans aucun courant commémoratif. La pièce appartient à une production considérable, attachée à la monumentalisation des grandes figures du passé. L’influence du tableau du « grand » David paraît évidente, dans la nudité de l’enfant comme dans la cocarde pressée sur le cœur. La chaussette restée accrochée au pied souligne cette fois sans ambiguïté que les vendéens ont dépouillé Bara de son uniforme, aggravant la condamnation de leur conduite. Bara est oublié comme tous les républicains engagés dans la guerre de Vendée.
391880 ouvre une nouvelle ère. L’instauration de la fête nationale du 14 juillet provoque d’un seul coup la réhabilitation de la Révolution. Bara en profite seul et ses épigones disparaissent peu ou prou de la conscience nationale. Le tambour Stroh est statufié en 1905, non sans mal. Droulers, où il était tombé, est le fief d’un maire-châtelain, le marquis de Nédonchel, qui refuse le bronze figurant le tambour héroïque. La statue de Stroh est accueillie par la municipalité voisine d’Avesnes, qui reçoit à cette occasion la visite du ministre de la Guerre, Bertaux, pour l’inauguration du monument51. Avignon commande, en 1888, une statue de Viala au sculpteur Ferrier, mais le projet n’aboutit pas. Seule une rue de la ville est dédiée à la mémoire du jeune homme, qui ne peut connaître une carrière nationale qu’avec Bara. Dès 1886, le ministère de la guerre autorise les chefs de corps à placer dans les salles d’honneur des régiments, les réductions des bustes de Bara et de Viala qui ont été réalisés, sur commande du ministère de l’Instruction publique, par le sculpteur Noel Ruffier pour le Prytanée militaire52. L’impulsion essentielle vient du sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, Edmond Turquet, qui, entre 1879 et 1887, mobilise les artistes favorables à la République.
40En 1870, un poème rappelait la destinée triste et glorieuse de « l’enfant sublime », en 1873, un chant lui est dédié, puis une terre cuite en 1874, enfin un chœur et des poèmes, la toile de Moreau-Vauthier en 1880. En 1881, Bara est honoré par deux statues, deux bustes, des poèmes, un drame, puis l’année suivante par deux toiles (de Henner et le portrait de Weerts), enfin en 1883, par la grande toile de Weerts, La Mort de Bara53. Le tableau de Henner s’inscrit dans la continuité de celui de David, Moreau-Vauthier insiste avec sobriété sur l’enfant mort, habillé d’un uniforme disparate et tenant un tambour, mais Weerts compose une œuvre charge. Son portrait de Bara présente un jeune homme « partant à la guerre » bien peu conforme à ce qu’on sait de l’histoire, mais qui met en valeur la vaillance militaire d’un jeune hussard. Avec la Mort de Bara, exécuté pour un salon de l’Élysée, il atteint le sommet de la polémique. Reprenant le thème du hussard tué en conduisant les chevaux, alors qu’il crie « Vive la République », il suit la leçon de Debucourt, soulignant la brutalité des vendéens-chouans, meurtriers de l’enfant. Le tableau, qui lui vaut la légion d’honneur, est ensuite reproduit et diffusé dans les écoles, en plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Cette toile est accueillie assez favorablement sur le plan artistique, mais elle est critiquée sur le plan politique. Le moindre reproche qui est fait à Weerts est « d’enluminer ses personnages avec de la pommade ». Par contre les « flaflas » du tambour de « l’éternel » Bara ne convainquent pas les journalistes royalistes, qui rappellent le médiocre fait d’histoire et soulignent le volontarisme qui a présidé au réveil d’un souvenir endormi depuis un siècle54.
41Le meilleur exemple de la tenacité républicaine est donné par l’édification de la statue de Bara à Palaiseau. Des républicains locaux retrouvent les lettres de Desmarres, reconstituent l’histoire – oubliée – du jeune garçon et lancent l’idée d’un monument commémoratif, soutenue par la diffusion de poèmes et par la constitution d’un comité, réuni une première fois en 1876. Cinq ans après, Bara possède sa statue, exécutée par Albert Lefeubvre. L’inauguration, le 11 septembre 1881, sous la présidence du général Thibaudin, représentant le ministère de la Guerre, et en présence, outre le conseil municipal, d’un sénateur et de trois députés, mobilise les pompiers, les groupes fraternels de républicains, trois fanfares et 34 sociétés musicales. Un arc de triomphe est dressé devant le domicile du dernier descendant de la famille Bara. Des récitations de poèmes, des discours scandent la journée, terminée avec le cri prêté à Bara par Robespierre : « Vive la République55 ».
42Bara passe mieux à la postérité par l’école et le livre scolaire. Dès 1880, il devient l’un des héros de l’histoire et de l’instruction civique apprise par les petits Français. Il est cité dans le tiers des manuels des cours moyens et supérieurs, rarement dans les livres des cours élémentaires, jamais dans ceux de l’enseignement secondaire : il façonne donc la vulgate républicaine apprise par l’école (Viala figure beaucoup moins). Seuls les hommes politiques de premier plan ou les généraux les plus célèbres peuvent rivaliser avec cet enfant ! Les laudateurs de Bara se recrutent, évidemment, parmi les républicains les plus convaincus, d’Aulard à Zévort, directeur de l’Enseignement et recteur, en passant par Debidour, universitaire et inspecteur général et par Lavisse, véritable historiographe officiel du régime. L’État français suspend cette carrière, reprise un temps ensuite jusque dans les années 1960, période pendant laquelle Bara devient l’objet d’une planche pédagogique et semble figurer surtout dans les livres illustrés des cours élémentaires. L’imagerie est puisée auprès des artistes du xixe siècle, à commencer par le tableau de Weerts, qui inspire les copistes, quand il n’est pas tout simplement photographié et disposé tel quel dans le livre. Dans tous les cas, les rebelles, commandés par un noble, en redingote, ont des mines patibulaires et des armes effrayantes. Parfois, Bara est mis à mort dans un décor fantaisiste, au pied d’un calvaire, sur lequel est inscrit « Vive le roi » ! Le but est d’émouvoir, non d’instruire et les vendéens sont voués à rester les tristes objets de l’exécration nationale56. Bara entre dans la visée pédagogique de Jules Ferry qui prône un enseignement qui doit « aller droit au cœur » et refuser « ce qui est bas et vil ». Le petit tambour permet d’enseigner l’unité nationale et républicaine et d’assurer les bases de la morale patriotique. Il sert aussi la pédagogie militariste mise en œuvre par la IIIème République commençante. Plus tard, et jusque dans les années 1945, Bara cristallise autour de lui l’idée de la défense nationale contre les ennemis de l’intérieur.
43Avec ses rues Carnot, Camilles-Desmoulins, Bara, Viala, Jean-Jaurès, Gambetta, son école Louise-Michel et son collège Joseph Bara, Palaiseau fête dignement son héros local en 1979, d’autant que l’anniversaire coïncide avec la deuxième année de gestion de la municipalité d’Union de la Gauche. Un colloque, une conférence d’Albert Soboul, une exposition « Bara et la Révolution française », sont les temps forts de la célébration intellectuelle, tandis que la ville communie dans une fête inspirée du xviiie siècle. Les 19 et 20 mai 1979, les scolaires jouent à la soule (l’ancêtre du rugby) ou à d’autres jeux anciens (quilles, boules, volant, diabolo, toupies), le marché du dimanche matin et l’aspect de la rue principale (la rue de Paris) retrouvent leur aspect d’antan. Un banquet « fraternel » rassemble des convives, pour une part costumés en sans-culottes (le député-maire donnant l’exemple). L’après-midi, la plantation d’un arbre de la Liberté clôt la fête57.
44Dans l’Ouest, Bara n’a guère laissé de souvenir. Les républicains locaux n’ont pas souvent donné son nom à leurs rues (sauf à Angers), préférant des personnages moins controversés ou issus du terroir. Sans doute, les enfants protestants du centre de la Vendée apprennent-ils un poème à sa gloire au début de ce siècle. Reste aussi le souvenir critique entretenu par les opposants à la Révolution58, qui rectifient aussi la légende attribuant le nom de Bara à une croix située en plein bocage, près des Herbiers. Deux siècles après, la polémique demeure limitée à quelques groupes d’érudits ou de militants. Bara ne figure pas parmi les fondateurs de l’identité française. Il ne se trouve que dans les marges de « l’odyssée républicaine », et on le cherche en vain parmi les grands ancêtres tels que la conscience collective en garde trace au xxe siècle59.
De l’histoire à la mémoire
45La vie de Bara aura été posthume et le personnage de Bara reste à jamais un mythe. Ce qui importe est son souvenir orchestré, non les conditions de sa mort. À l’évidence il y eut déformation des faits, sinon falsification. Mais il est inutile de croire qu’en « rétablissant la vérité », le personnage de Bara serait soit lavé des accusations qui pèsent sur lui, soit confondu et rejeté dans l’enfer des fausses valeurs. Il ne convient pas non plus de trop s’arrêter sur les manipulations politiques qui ont présidé à la naissance de ce héros. S’il faut les démonter et ne pas en être dupe, il n’est pas possible de condamner Robespierre ou David, qui seraient pris la main dans le sac, au moment où ils auraient confectionné la marionnette correspondant à leurs intentions. N’est-ce pas tout simplement le rôle du politique que de proposer des exemples à suivre et d’assigner des orientations incarnées dans des grands hommes ? Il firent comme la royauté définissant le modèle du roi, père des peuples, ou l’Église donnant la possibilité de choisir les saints qui marquaient les jours et orientaient les vies.
46La sécularisation laïque et rationnelle provoquée par la Révolution oblige à recenser les grands hommes, qui balisent les itinéraires individuels que le nouveau régime permet et souhaite. La table ne peut pas rester rase ; il faut rebâtir aussi vite que les anciennes idoles s’écroulent. L’intervention des politiques est nécessaire, d’autant plus qu’il n’y a aucun « bloc » révolutionnaire qui fixerait l’unité des croyances et l’obligation d’un culte60, mais rivalités politiques violentes, affrontements de groupes aux idéologies concurrentes, et lutte entre les héros des uns et des autres. La recherche de l’erreur historique de décembre 1793 ou la critique du processus de création de janvier 1794, compte infiniment moins que la compréhension de la fabrication du mythe Bara et que la création d’un véritable « lieu de mémoire ».
47Bara n’a eu de succès dans l’opinion que dans la mesure où il comblait des attentes diverses et permettait d’exprimer des sentiments authentiques. Il traverse deux siècles grâce à l’écho rencontré et suscité, au poids symbolique dont il a été chargé et à l’art de David. Le génie de Robespierre aura été de lui attribuer un cri qu’il n’a sans doute pas poussé, mais qui l’identifie, et permet l’identification des autres à lui. « Vive la République », rallie autour de Bara la communauté nationale en 1794 et après 1880. La dernière phrase de Viala, en langage vernaculaire : « M’an pas manqua : aquo es egaou, mori per la libertat », n’a ni la force ni l’évidence du cri de Bara. Celui-ci a eu la double chance de demeurer inconnu et d’être figuré pour l’essentiel par un tableau inachevé.
Notes de bas de page
1 Première version publiée « Bara de l’imaginaire révolutionnaire à la mémoire nationale », in La Mort de Bara, Musée Calvet, Avi gnon, 1989, p. 85-110. Merci à Mme Aufrère, Conservateur du Musée à l’époque.
2 Agulhon (M.), « La “statuomanie” et l’histoire », Ethnologie française, T. 8, n° 2/3, 1978, p. 145-172.
3 Agulhon (M.), Marianne au combat, Paris, Flammarion, 1979, p. 20-22.
4 Baczko (B.), Les Imaginaires sociaux, Paris, Payot, 1984.
5 Singer (B. C.), Society, theory and the French Revolution, Londres, Macmillan, 1986.
6 Langlois (C.), op. cit..
7 Wartelle (F.), « Bara, Viala le thème de l’enfance héroïque dans les manuels scolaires », AHRF, 1980, p. 366-389.
8 Bertaud (J.-P.), La Révolution armée, Paris, PUF, 1981, p. 239-241.
9 Revue du Souvenir Vendéen, n° 38, p. 27-28.
10 Chassin (C.-L.), op. cit., La Vendée Patriote, T. II, p. 537, 552-553, T. III, p. 372-379.
11 Voir Machecoul. Caron (P.), Rapport des agents du Ministère de l’Intérieur dans les départements, Paris, 1951, T. I, p. 92-93.
12 Monnier (R.), « Le culte de Bara en l’an II », AHRF, 1980, p. 322 ; BOURDON (L.), Recueil des Actions héroïques et civiques des républicains français, Paris, n° 1, an II, p. 12, exemple n° 18.
13 Discours du 30 décembre ; Hould (C.), « La propagande d’État, par l’estampe durant la Terreur », in M. Vovelle, dir., Les Images de la Révolution, Paris, P. de la Sorbonne, 1988, p. 29-39.
14 Germani (I.), « Les métamorphoses de Marat », in Michel Vovelle, dir., id., p. 124-125.
15 Desmoulins (C.), Le Vieux Cordelier, Paris, Belin, 1987 ; de Lestapis (A.), La Conspiration de Batz, Paris, Sté. des Études Robespierristes, 1969.
16 Soboul (A.), Les Sans-Culottes, Paris, Clavreuil, 1962, p. 310-330.
17 G. Bord a contesté l’authenticité de la missive, lue à la Convention le 10 janvier 1794, prenant le 11 nivôse (31 décembre) pour le jour de la mort de Desmarres. La confusion entre les deux calendriers explique l’erreur de Bord, et justifie que Desmarres se targue encore de son titre de « commandant l’armée de Bressuire », puisque le lendemain 11 janvier, c’est avec cette titulature qu’il adresse encore une supplique à Turreau ; voir Bord (G.), « Bara et Viala, deux légendes républicaines », Revue des Questions historiques, janvier 1882, F. 32, p. 241-242 ; Sloane (J. C.), « David, Robespierre and the “death of Bara” », Gazette des Beaux-Arts, 1969, p. 149-150 et Chassin (C. L.), op. cit., T. III, p. 376, note 1.
18 de Lestapis (A.), op. cit., p. 140.
19 Goujard (P.), « Une notion-concept en construction : l’héroïsme révolutionnaire », in Dictionnaire des Usages socio-politiques (1770-1815), Sté. fse. des Études du xviiie siècle, n° 17, INaLF, Saint- Cloud, 1987, p. 9-44 ; Langlois (C.), op. cit..
20 Schnapper (A.), « À propos de David et des martyrs de la Révolution », in M. Vovelle, dir., L’image… op. cit., p. 110-115.
21 Bord (G.), op. cit., p. 244-245 ; Laval (V.), « J.A. Viala, sa naissance, sa mort et sa glorification », Mémoire de l’Académie du Vaucluse, 1903, n° 3, p. 38-58, 111-139.
22 Vovelle (M.), Images de la Révolution, Paris, Messidor, 1987, T. II, p. 269, 317, 336.
23 Laval (V.), op. cit. ; G. Bord est curieusement elliptique sur ce qui l’ennuie.
24 Pupil (F.), « Le dévouement du chevalier Desilles et l’affaire de Nancy, en 1790 : essai de catalogue iconographique », Le Pays Lorrain, 1978, n° 2, p. 73-110.
25 Schnapper (A.), op. cit., p. 109-110 ; Écomusée de la Vendée, Les traces de la guerre de Vendée dans la mémoire collective, La Roche-sur-Yon, 1983, n° 18 ; Mossay (J.), Histoire de la Ville d’Avesnes, Avesnes, 1956, p. 176-177 ; Ransard (G.), Herbeuvel (J.-Y.), Maubeuge et le docteur Forest, s. l., 1986, p. 78. ; Sivery (G.), Histoire de Maubeuge, s.l., p. 156.
26 A. Moureau joue un rôle dans la destruction de « l’infâme Bédoin », ce bourg proche de Carpentras, brûlé après que 63 habitants « contre-révolutionnaires » aient été exécutés en 1793.
27 Ozouf (M.), La fête… op. cit., p. 82-88 ; Soboul (A.), op. cit., p. 498-503 ; Vovelle (M.) dir., État de la France pendant la Révolution, Paris, Messidor, 1988, p. 204-205.
28 Ozouf (M.), op. cit., p. 226-229.
29 Vovelle (M.), La Mentalité révolutionnaire, Paris, Messidor, 1985, p. 126-133 ; Gesrmani (I.), op. cit., p. 123 ; Voir la réflexion d’A. Corkbin, Le Miasme et la Jonquille, Paris, Flammarion, 1986, p. 23.
30 Peronnet (M.), « Le Midi pendant la Révolution : les tables du Moniteur », in L’invention du Midi, Amira/ Repères Occitans n° 15-16, février 1987, Édisud, Aix en Provence, p. 69-82.
31 Hunt (L.), Culture, and Class in the French Revolution, University of California Press, 1984, p. 87-123 ; Trenard (L.), « Imageries révolutionnaire et contre-révolutionnaire à Lyon », in Vovelle (M.), dir., L’image… op. cit., p. 100.
32 Respectivement : Martin (J.-C.), Souvenir de la Révolution à Nantes, Nantes, Éd. Reflets du Passé,1982, p. 55 ; Laval (V.), op. cit., p. 117 ; Monnier (R.), op. cit., p. 325-328.
33 Soboul (A.), op. cit., p. 318, 321, 363-364 ; Monnier (Raymonde), op. cit., p. 329.
34 Monnier (R.), op. cit., p. 330-333.
35 Pupil (F.), op. cit., p. 70-71 ; Bord (G.), op. cit., p. 250-251.
36 Arches (P.), « L’ascension d’une famille niortaise, les Proust », Bull. de la Sté. Hist. et Scient. Des Deux-Sèvres, 1981, T. XIV, n° 2-3, p. 204 ; Soboul (A.), La Révolution et la Civilisation française Paris, Arthaud, 1982, T. II, p. 421.
37 Vovelle (M.), Religion et Révolution, La déchristianisation de l’an II, Paris, Hachette, 1976, p. 201.
38 Bertaud (J.-P.), La Révolution armée, Paris, Robert Laffont, 1979, p. 215.
39 Bord (G.), op. cit., p. 252-253.
40 Laval (V.), op. cit., p. 120-125.
41 Id., p. 126-127.
42 Procès-Verbal de la fête qui eut lieu dans cette commune d’Avignon, le 30 messidor, en l’honneur de Barra et Viala. ; Monnier (R.), op. cit., p. 333 ; Bord (G.), op. cit., p. 256-258.
43 Carlson (M.), op. cit., p. 213-216 ; autres titres chez Bord (G.), op. cit., p. 255.
44 Angélique Briceau, André-Claude Boissier, Ambroise-Louis Garnerey, P.L. Debucourt, Vérité.
45 Écomusée de la Vendée, op. cit., n° 11-14 ; Monnier (R.), op. cit., p. 334-335 ; Tardy (P.), « Les levées de volontaires dans l’île de Ré », Revue du Bas-Poitou, 1973, p. 280 ; Frapel, « La participation de la marine aux guerres de Vendée », Revue du Bas-Poitou, 1972, p. 323 ; Trenard (L.), op. cit., p. 102.
46 Sloane (J.), op. cit..
47 Starobinsky (J.), op. cit., p. 79-81.
48 Cosneau (C.), « Un grand projet de J. L. David », La Revue du Louvre et des Musées de France, 1984, n° 4, p. 255-263.
49 Respectivement Laval (V.), op. cit., p. 133-135 ; Ribémont (F.), « Art, histoire et propagande au temps des guerres de Vendée », 303, Revue des Pays de la Loire, 1986, p. 56-63 et Benoit (J.), « Temps historique et temps artistique durant la Révolution », in Vovelle (M.), dir., L’image…op. cit., p. 81-91.
50 Laval (V.), op. cit., p. 136-137 ; Monnier (R.), op. cit., p. 337.
51 Hanot (A.), Pierrard (A.), Promenade dans la mémoire de l’Avesnois, Westhoek, Éd. du Beffroi, 1986, T. II, p. 37-38.
52 Laval (V.), op. cit., p. 138-139.
53 Cossonnet (F.), Deux héros de 1793, Bara et Viala, Boulogne-sur-Mer, p. 22-26.
54 Écomusée de la Vendée, op. cit., n° 266, 274.
55 Cossonnet (F.), op. cit., p. 25-29.
56 Wartelle (F.), op. cit., p. 366-389 ; Boulenc (J.), « L’enseignement de l’Histoire à l’école primaire, les instructions officielles, permanences ou évolution de l’idéologie officielle de 1882 à 1889 », Colloque avril 1981, Université Paris 7, dact. ; Gauluppeau (Y.) « Les images de la Révolution française dans les manuels de l’école primaire, 1870-1973 », in Vovelle (M.), dir., L’image… op. cit., p. 367-377.
57 Bulletin d’Information municipal de Palaiseau, n° 7, 1979 et Programme du festival de Palaiseau, mai 1979.
58 Respectivement Thébault (M.), La légende de la Vendée, Thèse IIIe cycle, dact, Univ. Nantes, 1980, p. 389, « Écoutez l’histoire d’un brave qui vivait tout jeune dans la France en péril/Treize ans mais son coeur est viril, /Petit hussard, la mine altière, /Au galop sabre au clair, /Il charge, il n’a point peur… » ; Revue du Souvenir Vendéen, mars 1957, n° 38, p. 27 ; septembre 1957, n° 40, p. 26-27 ; juin 1963, n° 63, p. 26 et voir septembre 1963, n° 41, p. 22.
59 Billard (C.), Guibbert (P.), Histoire mythologique des Français, Paris, Éd. Galilée, 1976, p. 128 ;Amalvi (C.), « L’iconographie des manuels d’histoire et la mémoire collective : de la mémoire scolaire à la mémoire buissonnière, 1871-1950 », Colloque avril 1981, op. cit ; Lecuir (J.), « Les héros de l’histoire de France », L’Histoire, 1981, 33, p. 102-112.
60 Pour aller contre Talmon (J. L.), The Origins of totalitarian Democracy, Penguin Books, 1986.
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